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Lettre ouverte à un chanteur égaré

12 Oct

Cette lettre d’actualité publiée le  9 octobre 2017 par Nilda Fernandez pose aussi la question de l’engagement en chanson, à vous de voir…

 

Cher Lluis Llach, ex-collègue et actuel chasseur de vautours,

Je réagis à ton tweet qui qualifie de « vautours » ceux qui ont défilé dimanche à Barcelone pour dire leur attachement à l’Espagne. Il étaient près d’un million de gens normaux, beaucoup moins aisés que toi, moins « éduqués » peut-être, mais qui s’exprimaient pour la première fois. Parmi eux, bien sûr, des nostalgiques du vieux régime fasciste que ta famille a ardemment soutenu, mais pas seulement. Quoi qu’il en soit, Lluis, les artistes populaires que nous sommes ne peuvent pas être si dédaigneux envers leurs semblables. Même quand ceux-ci ne font partie de leur « clientèle ». Et je sais de quelle manière tu soignes la tienne. Je me souviens que tu n’as pas voulu chanter en français quand nous avions mêlé nos répertoires au festival des Francofolies. Tu m’as dit : Je ne pourrai pas. Ceux qui me suivent ne le comprendraient pas. Je chanterai mes chansons, je traduirai un refrain ou une strophe des tiennes en catalan, mais pas plus.  J’avais trouvé ça grotesque, même grossier, puisque j’allais chanter avec toi … et en catalan. Sans parler de cette façon si stupide de défendre une langue.

Le concert fut un triomphe. Les gens applaudissaient, trépignaient, pleuraient d’émotion face à deux artistes se partageant la scène. À la fin, dans un mouvement d’enthousiasme et de reconnaissance, je t’ai saisi le bras et nous avons chanté une « Vie en Rose » d’Edith Piaf improvisée. Cela ne t’a pas plu. Dans les coulisses,  quand le directeur de l’Olympia est venu me dire: C’est l’un des plus beaux concerts de ma vie. L’Olympia est pour vous quand vous le voudrez ,  tu es resté enfermé dans ta loge, amer, sombre, dépourvu de générosité.

Lluis, nous sommes deux artistes populaires, admiratifs l’un de l’autre, tous deux nés en Catalogne, mais de lignées très différentes, presque opposées. Moi, petit-fils de prolétaires andalous émigrés à Barcelone, fils d’émigrants, espagnols et protestants, vers la France. Toi, fils et petit-fils d’une petite bourgeoisie rurale de tradition réactionnaire. Moi, enfant, donnant des coups au directeur d’école, tandis qu’on chantait le Cara al Sol phalangiste. Toi, adolescent, affilié aux groupes de la «catholicité» franquiste. Moi, artiste d’une «Chanson française» tétée depuis l’enfance. Toi, enveloppé dans «La Nova Canço» catalane, que soutenait la maffia bancaire, corrompue et opusdéiste.

Aujourd’hui je t’écris depuis Sants, le quartier ouvrier de mon enfance. Tu es devenu millionnaire et député. Moi, entre Barcelone Paris et Moscou, je continue d’être d’où je suis. Je sors dans la rue, dans les manifestations, bavardant avec tous, lisant la presse de tous bords, découvrant les ruses de ceux qui, de Barcelone à Madrid – en passant par n’importe quelle partie du monde – n’aiment pas leur pays ni ses gens, mais les entraînent derrière leur propre ambition et leurs intérêts déguisés en partis politiques.

Tu nommes « vautours » ceux qui s’abritent sous un autre drapeau que le tien. Malheureusement, Lluis, tous les drapeaux sont sales et personne ne nous protège. Alors, dis ce qu’il en est, s’il te plaît. Va dans la rue. Persuade nos concitoyens de ne pas former des troupeaux menés par des loups. A défaut de le faire, tu seras anéanti par la misanthropie, le mensonge et le ressentiment.

Nilda Fernandez

Le 24 Octobre

Nilda Fernandez persiste et signe

Deux mafias règlent leurs comptes

Quelle triste peine de constater qu’en ce début de XXIe siècle si mal engagé mais si bien informé, il se trouve encore des personnes pour ne pas accepter de voir que la situation désastreuse en Espagne est le fait de deux bandes rivales, deux féodalités attardées : l’une incarnée par Mariano Rajoy, parrain d’un parti corrompu basé à Madrid, et l’autre par Carles Puigdemont, politicard basé à Barcelone ! Grâce au thème de l’indépendance, voulue ou combattue, d’un territoire catalan habité à 60% par des « non-autochtones » (c’est-à-dire les descendants de l’émigration intérieure andalouse, galicienne, castillane…), les turpitudes, les magouilles, des uns et des autres sont reléguées au dernier banc.
Pourquoi donc s’aveugler, s’habiller de naïveté, au point de vouloir s’interposer entre un govern catalan héritier d’un Jordi Pujol corrompu qui a soutenu (contre rémunération, bien sûr) tous les représentants successifs de l’Etat espagnol (Suarez, Gonzalez, Aznar, Zapatero…) et un gobierno espagnol tout autant corrompu, héritier d’un franquisme new look, qui s’est largement servi de la Catalogne pour maintenir la cohésion du pays ?
Sous peine d’en être les complices et les dindons,  de corrompre notre jugement, qu’on les laisse donc continuer la farce et régler leurs comptes, mais qu’on ne blanchisse pas l’un au détriment de l’autre. Tous deux sentent mauvais, tous deux ne servent que leurs intérêts contre leurs peuples auxquels ils doivent tout. Ils sont à combattre également.
Je n’aime pas les nations, fruits de nos guerres et nos xénophobies. J’aime les langues et les habitudes, la culture de ceux qui les parlent. Mais celles-ci n’ont jamais dessiné des frontières qui ont toujours servi à asseoir les pouvoirs, les dominations, et à nous diviser.

Nilda Fernandez

Barbarie Barbara, le noir couleur lumière

12 Oct

Joueuse, joyeuse, malicieuse, sensuelle, grave sans être pesante, légère sans être futile, Barbarie fait vivre Barbara loin des clichés ultra éculés de la chanteuse en noir-minuit.

Ici c’est le noir couleur lumière qui donne aux chansons des couleurs vives et vivantes. Des chansons élues, choisies pour partie parmi les moins connues. On ne va pas chercher à caresser le public dans les sens de la nostalgie avec les incontournables ad libitum. Barbarie a fait le pari de mettre en avant un parcours de femme qui chante, dans lequel elle a découvert a posteriori des correspondances, des échos avec une partie de son propre parcours, géographique, comme un clin d’oeil amical. Qui justifiait pour elle cet essai réussi. Le second. Pour le premier, l’idée d’un spectacle Barbara était en filigrane, mais pourquoi ? Il y avait déjà pas mal de choses, que dire ou faire de plus ? Et puis après avoir vu quelques uns de ces spectacles, avec sa musicienne complice, la question : «  Faut-il faire quelque chose ? » a eu sa réponse, oui.

Dans la déferlante d’hommages qui vont occuper l’automne 2017, et au vu des répertoires retenus, tous plus ou moins copiés-collés sur une même play list, Barbarie offre un regard plus affiné, et Robert Doisneau aurait pu en dire,

Bon sang, mais c’est une radiographie. Vous avez regardé à l’intérieur ce qui n’est pas exposé à l’étalage.

C’est exactement le ressenti, oublions les clichés réducteurs, femme-piano, longue dame brune, que l’image perpétue ad nauseam. On sait maintenant que la vie de Barbara, hors scène, se passait en couleurs dans son jardin de fleurs, sous le soleil de Précy, et pas uniquement dans les soirs de piano au coin du feu. Et quand Barbara évoque le noir, c’est le noir couleur lumière.. Ce que montre Barbarie, les jours follement bigarrés d’une amoureuse de la vie, battante, dansante en voltes et virevoltes, comme une tarentelle cette danse thérapeutique du Sud de l’Italie…

Mention personnelle spéciale à la Lettre à Jacques Brel, et à  La fleur la Source et l’Amour , à vous de découvrir le reste.

Et en sortant de ce spectacle, ce n’est pas au cimetière qu’on a envie d’aller, mais au bal, dans le petit bois de St Amand

NB, le poids des images.

Barbara est apparue à la télé dans des années où il n’y avait qu’une chaine, en N&B, et pour la génération des premiers admirateurs, c’est cette image qui reste en sur impression, la chanteuse de minuit toute de noir vêtue. Et puis les décodages ultérieurs de quelques chansons sensibles ont perpétué, voire aggravé le préjugé. Beaucoup sont restés à la surface, à l’étalage.

Paradoxe inattendu, après ce spectacle remarquablement éclairé, ce sont les photos traitées en N&B qui sont les plus lumineuses, à vous de voir…

 

En bonus final, la photo de la belle équipe, avec la pianiste, trop loin derrière  son piano pendant le spectacle,

Les belles lumières du spectacle sont l’oeuvre du maître Stéphane Dutoict, un grand merci.

Norbert Gabriel

Et l’album est disponible dans la petite boutique des merveilles, voyez avec le chat, il vous guidera.

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