Un juke-box des années 70 crachant une base rythmique sur laquelle voyagent des riffs et des solos de guitare fidèles au son et à l’esprit de l’époque et un chant rauque et viril interprétant des classiques du Rock anglo-américain, et tout ça en spectacle rue : tel est le concept original et délicieux du groupe Joke Box. Binôme de musiciens, Jack au chant et Hervé à la guitare, complété par un troisième membre faisant office d’ingénieur son en temps réel, Bertrand, Joke Box forme un trio de « faux frères », à l’instar de La Maison Tellier, invité à Musicalarue pour animer les rues de Luxey et faire danser les gens durant plusieurs sets d’une trentaine de minutes pendant les trois jours du festival. Et il y en avait des gens qui dansaient -y compris en fauteuil roulant-, des passants happés par l’ambiance rock’n’roll du spectacle, un auditoire grandissant entre les changements de plateau, et même parfois à l’ombre de grands concerts qu’une partie du public désertait par lassitude, pour venir retrouver le sens et les saveurs de la musique et de la fête avec Joke Box et ses reprises des Doors, Led Zeppelin, Deep Purple, The Who entre autres. Le fait que l’on quitte sans regret un concert de Trust pour venir s’enjouer jusqu’aux dernières notes d’une performance de rue alternative, ne semble-t-il pas suffisamment significatif de ce qui se passait là ? De toute évidence quelque chose qu’il n’y avait pas ailleurs! Lequel du naturel, de l’énergie, de la proximité ou de l’authenticité du groupe touchait le plus les festivaliers ? Sans doute tout cela à la fois. Carton plein pour Joke Box, qui acceptait de nous accordait un entretien, entre deux concerts.
– Bonjour et merci de nous accorder cet entretien. Comment est né le projet de votre groupe ?
– Hervé : On s’est rencontrés à la Poste de St Gilles Croix de Vie. Jack allait poster un courrier, et je lui ai proposé de chanter des chansons des années 70, du Pink Floyd, Led Zeppelin, Deep Purple, etc… Il a essayé et on a monté ce groupe. Comme il nous fallait un professeur d’Anglais, Bertrand nous a rejoints, qui est devenu notre sonorisateur. Il n’avait jamais fait ça avant.
– Bertrand : En fait je suis potier-céramiste de métier, mais cinglé de musique.
– Hervé : On se connaissait parce qu’on est du même patelin, et puis on exerçait le même métier, mais dans des registres différents, comme guitariste et chanteur. Et on s’est rejoints sur ce projet là. J’avais été chanteur pendant pas mal d’années, au sein de mon groupe Vaguement La Jungle [http://www.vaguementlajungle.com/] ; on a d’ailleurs fait plusieurs éditions de Musicalarue, mais sur les grosses scènes. On avait signé un album avec Sony/BMG ( Hervé Bergerat ), qui nous avait ouvert pas mal de portes. Donc on a fait plusieurs scènes, comme les Francofolies, et un peu le tour du monde, mais on ne s’est jamais pris pour des stars. Il faut rester à sa juste mesure, parce qu’on peut vite péter les « boulards » dans ce métier là. Mais on était proches de la cinquantaine, donc ça aide à relativiser les choses. On a connu Matmatah tout au début d’ailleurs on devait jouer un morceau avec eux, mais nous sommes restés finir nos verres au bar ; dans la vie y’a des priorités. J’ai fait ça pendant 16 ans, et puis j’ai arrêté il y a moins d’un an. Et ce nouveau projet est vraiment un groupe de base, parce qu’on joue dans la rue. On ne joue que des reprises anglo-saxonnes du Rock des années 70, ce qu’on écoutait dans les juke-boxes quand on était petits.
– Est-ce de là que vous est venue l’idée de jouer avec un juke-box et prendre un nom qui y fait référence?
– Jack : On est de cette génération qui allait boire des bières dans les bars et découvrait plein de trucs dans les juke-boxes. Donc on se ballade avec un juke-box hérité de nos parents, qui est le seul héritage qu’on a eu. On est devenus trois frères, et on a hérité de ce juke-box qui est notre seul gagne-pain.
– Hervé : C’est un vrai juke-box des années 70. Et le nom du groupe, c’est en référence à « joke » qui signifie « blague » en Anglais, parce que l’idée, c’est de faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux . Tous les gros sons de basse-batterie-claviers sortent du juke-box, ce sont en partie les vrais sons d’origine, et on interprète chant et guitare dessus. On a fait certains sons, mais d’autres ont été récupérés sur internet. On peut capturer ça dans des banques de son, après il suffit de trafiquer un peu, en mettant des intros, en arrangeant à notre sauce. Dans le groupe où j’étais avant, je faisais trompette, chant et banjo, mais c’était simple, car très acoustique. Là, j’utilise un tas de pédales pour le son de ma guitare ; c’est le plus compliqué.
– Le juke-box n’a-t-il pas autant un rôle dans la mise en scène qu’une fonction logistique et musicale ?
– Hervé : Au départ on avait prévu des histoires comme mise en scène, mais ça ne sert à rien. D’abord parce qu’on n’a pas le temps, on enchaine les morceaux, et puis parce qu’en fait la mise en scène est déjà là, en effet.
– Bertrand : Le seul truc qui nous lie et qu’on garde, c’est cette histoire de dire qu’on est trois frères, qu’on improvise si nécessaire, si on a un petit trou.
– Hervé : On a même imploré notre maman, qui est au ciel !
– Jack : She’s dead !
– Hervé : L’autre truc de la mise en scène, c’est que Jack a récupéré les accents anglais et américain, et par exemple s’il y a un intermède, il essaye de parler français avec un accent anglais. L’autre jour, il y a même un garçon qui est venu me voir en me demandant s’il était anglais. Moi, je parle en français, et si je casse une corde ou que quelque chose arrive, c’est Bertrand qui intervient, parce qu’il parle couramment anglais.
– Jack : C’est ça qui est quand même marrant : je suis une burne en Anglais et c’est moi qui chante, alors que Bertrand parle complètement Anglais ; d’ailleurs il m’a donné des cours pour avoir les accents.
– Comment êtes-vous venus à la musique ?
– Jack : Le chant et la comédie, c’est vraiment ce qui m’a porté. Je suis comédien et j’ai travaillé avec des clowns. Mais le chant m’a toujours tenté. Quand j’étais gosse, je voulais être comédien ; j’étais collé devant la télé, et en émoi devant les films de Maurice Chevalier. Naturellement mes parents ne voulaient pas. Mon père voulait que je sois chauffeur routier comme lui !
– Hervé : Idem pour moi. J’aurais voulu une guitare dans mon enfance, mais mes parents n’ont jamais voulu. Alors arrivé au lycée, à 16 ans, l’âge où tu te rebiffes, j’ai appris avec un copain qui en avait une. Et puis à 18 ans, je suis parti sur Paris, et j’ai rencontré plein de monde. Et ça a été le bonheur. J’ai donc appris en autodidacte, même si j’ai pris des cours de piano ensuite pour savoir lire la musique, je faisais tout à l’oreille.
– Jouer dans les rues était-il le concept du départ du groupe ou est-ce quelque chose qui s’est imposé pour des raisons pratiques?
– Hervé : Au départ, on ne savait pas trop ce qu’on allait faire, pas forcément des scènes. Jouer dans la rue a été un choix, pour la proximité. On aime bien le contact. Je ne bouge pas trop, parce que je dois gérer le son avec mes pédales, et il faut équilibrer le son selon les morceaux. L’idée première était de jouer dans des festivals pendant les intermèdes, entre les changements de plateaux des artistes. On joue plusieurs sets d’une demi-heure chacun, comme font les fanfares. La différence est que nous jouons des choses qui ne se jouaient pas dans la rue communément : d’habitude, il faut être nombreux et ça joue en acoustique. On a pris le pari de jouer du Rock, les bases rythmiques dans le juke-box, les chœurs et autres dans mon i-phone et envoyé sur la tablette de Bertrand qui mixe le tout. Le résultat est assez bluffant.
– Jack : C’est une configuration, on a aussi la possibilité de faire un vrai concert de 2h/2h30.
– Hervé : C’est l’idéal, parce qu’on a de quoi faire un concert de 2h30, avec une progression. Là, on joue des sets d’une demi-heure, il faut rentrer tout de suite dans le vif du sujet. On ne peut pas prendre le temps d’imposer une ambiance avec du Pink Floyd par exemple. Mais il y a un côté spontané et proximal que j’adore. En plus, Jack a un micro HF, donc c’est pratique : hier y avait une fille qui se collait à lui !
– Comment vous êtes-vous retrouvés à Musicalarue ?
– Hervé : Comme je te l’ai dit, j’ai fait pas mal de fois ce festival, donc j’ai rappelé le président François Garrain, qui m’a renvoyé vers Bastien Perez qui gère la programmation. J’ai insisté un peu en leur demandant s’ils avaient déjà eu un spectacle de rue dans ce genre, qui joue du rock électrique ; et comme c’était nouveau pour eux, on a décidé de tenter le coup. On a 6 clips vidéos qu’ils ont pu visionner et ils nous ont invité. Ils nous ont proposé de jouer lors de l’évènement « Sur un Plateau » avant, et on a fait un carton. Jack était obligé de chasser les gens avec le pied de micro, pour ne pas qu’ils s’approchent trop du matériel et risquent de l’abimer. Merci à Bastien Perez de nous avoir accordé sa confiance
– Jack : Il voulait de la proximité, il en a eu !
– Hervé : J’ai pris peur, avec des gens qui s’approchaient des pédales avec leur verre de bière ; on ne sait jamais. Et puis on a compris que c’était nous qui provoquions ça, cette ambiance rock’n’roll. Donc il faut assumer.
– Jack : Dans l’inconscient collectif, ce sont des morceaux hyper connus, donc qui parlent à tout le monde.
– Comment s’organisent les répétitions pour ce genre de prestation de rue ?
– Jack : La meilleure répétition que tu peux faire, c’est en concert, parce qu’il y a rien de tel que jouer devant un public pour perdre toutes les paroles dans ta tête ! S’il se passe un truc, une fille qui vient te voir, un type qui renverse son verre de bière, etc… il ne faut pas perdre le fil, et c’est compliqué. Donc il faut roder ça dans les bistrots.
– Envisagez-vous un enregistrement ou le groupe est-il purement voué à une vie scénique ?
– Jack : C’est sans prétention. Ce sont des reprises de chanson. Donc est-ce que ça vaut le coup de réaliser un enregistrement ? A moins d’aller ensuite vers un répertoire de composition. Mais c’est une autre démarche. On l’a déjà fait chacun de son côté avant. Mais ce n’est pas notre propos.
– Hervé : Et puis ça demande beaucoup plus de travail. Après ça devient une machine, dans la fabrication et dans la réalisation du projet, mais pourquoi pas, en tout cas il ne faut jamais dire jamais …
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Miren Funke et Emma Pham Van Cang
Photos : Carolyn C (1 ; 2 ; 4 ; 5 ; 6 ; 8 ; 9), Miren (3 ; 7)
Ah là là ! Si je n’avais pas mal aux genoux, je danserais bien devant ce juke box qui me rappelle les folles années de ma jeunesse, mais je danse dans ma tête !
Je découvre ce groupe, et j’ai beaucoup de plaisir… Et de nostalgie à les écouter. Des garçons bien sympathiques qui ne se prennent pas au sérieux, avec la simple volonté de jouer ensemble, et de divertir le public, et ça marche, la preuve !
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