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Rencontre avec le groupe Transat

12 Août

 

Le dimanche 6 aout, à Bordeaux, la guinguette Chez Alriq, soutien indéfectible de la scène musicale locale, accueillait le groupe Transat pour un concert débordant de plus d’une heure et demi de spectacle, au rappel du public enchanté. Formation née de la rencontre du chanteur canadien Galen Hartley et de l’artiste basque aux multiples expériences Xavier Barthaburu (chanteur de l’Affaire Barthab)[https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/?s=xavier+barthaburu&submit=Recherche], et complétée par la violoniste Thérèse Labrousse, Transat (pour « transatlantique ») présente en versions réorchestrées à trois instruments à cordes (guitare, violon, violoncelle) les répertoires respectifs de chacun de ses membres, sous la forme d’un concert en deux (et bientôt trois) parties. Une cohérence musicale qui parvient néanmoins à transcender les spécificités textuelles et mélodiques propres aux répertoires francophone et anglophone et l’originalité de chaque musicien/ne pour inventer une certaine cohésion, presque une homogénéité. En un mot ou plus : l’harmonie dans la complicité.

C’est après sa prestation que le groupe, un premier disque en main, acceptait de nous accorder un entretien.

 

– Bonjour Transat, et merci de nous recevoir. Pouvez-vous nous raconter un peu comment est né ce projet à trois ?

Xavier : On a commencé à deux, Galen Hartley et moi. Il est arrivé du Canada avec son propre répertoire, en faisant des allers-retours entre la France et son pays depuis 6 ans pour devenir luthier ici, puisqu’il est marié avec une copine qui est artiste peintre. Il fabrique des violoncelles et comme j’en jouais déjà, je trouvais ça un peu idiot qu’un amoureux des cordes comme lui joue tout seul avec sa guitare, et je lui ai donc proposé un accompagnement. Puis un jour, en fin de soirée arrosée, je lui ai demandé de me fabriquer un violoncelle pour que je lui serve de cobaye. Trois semaines après il m’a rappelé pour me dire qu’il avait commandé le bois et les cordes. En raccrochant je me suis dit « putain, il va vraiment falloir que j’appelle mon banquier ! ». Il a fabriqué le violoncelle, et nous avons commencé à jouer ensemble pendant un an environ, quand on pouvait, puisque nous avons chacun nos groupes respectifs. Il a appris tout mon répertoire et j’ai appris le sien. Et puis en avril de l’an dernier, Voix du Sud nous a proposé une résidence à Astaffort chez Francis Cabrel, financée par l’AFDAS, qui m’a permis de payer une troisième personne. Je pensais à ajouter un violon pour compléter notre duo. Le luthier bordelais Yacine Bayan [https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2015/10/27/uranometria-quand-le-savoir-faire-des-artisans-epouse-limagination-de-lartiste-pour-enfanter-neuf-muses-et-une-deesse/], nous avait présenté Thérèse lors d’une soirée, et il s’avère que Thérèse joue aussi de la guitare et chante, donc c’était parfait pour moi qui voulait une fille, et de préférence que je ne connaisse pas déjà . Je voulais une nouvelle relation artistique, pas une relation chargée de passéisme et d’histoire commune. Suite à cette résidence, très vite nous avons créé les arrangements à trois pour chacun de nos répertoires et formulé un spectacle à deux parties. Nous avons aussi sorti un disque relativement vite, peut-être un peu trop rapidement ; mais au final c’est bien d’avoir déjà un enregistrement à proposer. Donc ça fait un an et deux mois qu’on traine à trois !  

 

– On n’entend pourtant pas de fracture évidente en passant d’un répertoire à l’autre. Comment arrivez-vous malgré tout à créer cette « sauce » musicale homogène par delà l’écart entre les identités propres à vos répertoires respectifs?

– Xavier : On ne compose pas encore ensemble. Pour l’instant, on récupère nos répertoires respectifs, les chansons que nous avons composées chacun de son côté, et on les orchestre à trois. Il est probable que les prochains enregistrements naissent du même procédé ; mais il faut absolument que sur le prochain disque il y ait des chansons de Thérèse. On en est encore un peu à apprendre à se connaitre. Et puis l’étape suivante sera de composer ensemble, et de travailler des morceaux à plusieurs voix. Pour le moment la seule chose que nous ayons travaillé collectivement, ce sont les arrangements. C’est d’ailleurs assez drôle pour moi, puisqu’il y a plein de choses dans mes chansons que Transat a éclatées et révélées que j’ai récupéré avec mon groupe l’Affaire Barthab, parce que l’idée s’avérait meilleure. Chez moi, on a changé plus de choses que chez Galen.

– Galen : Pas faux. Mais les arrangements sont complètement différents, avec les cordes ; ça ne ressemble pas à avant non plus.

– Xavier : Galen avait déjà enregistré deux disque au Canada, en formule guitare-batterie-basse auparavant, aussi avec des invités en violon ou accordéon. Et forcément comme nous sommes en formule réduite et acoustique, nous n’avons pas récupéré de ses chansons tout ce que ces interprétations y avaient mis ; donc nous avons changé tout ça. Le jeu de cette formation est un peu à l’opposée de tout ce que j’ai fait avant -enfin pas vraiment à l’inverse, puisque La Replik jouait déjà en acoustique, mais très amplifié- au sens où ça joue acoustique, et en sensibilité et finesse. Les copains du Conservatoire m’ont fait la réflexion que j’étais enfin rentré en « Musique de Chambre ». L’autre jour nous avons joué dans un château, avec une acoustique particulière ; je pense que ça s’écoute et que c’est équilibré. Ce que je découvre avec Transat -et tu sais pourtant comme j’ai roulé ma bosse avec d’autres groupes depuis des années- c’est qu’il y a un public pour cette chanson acoustique. On pourrait même envisager des co-plateaux avec des artistes comme Julie Lagarrigue (Julie et le Vélo qui Pleure)[ https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2017/02/05/sortie-dalbum-fragiles-debout/], qui partagent ce public.        

 

– Xavier, ce soir, nous avons entendu 4 morceaux de toi que nous connaissions déjà, mais complètement réarrangés et modifiés tant dans la rythmique que l’orchestration. Sont-ce les visages définitifs de ces chansons ?

– Xavier : La démo que je t’avais passée comportait des arrangements pour beaucoup plus de musiciens. Il y a 12 ou 15 personnes qui jouent dessus. Mais ces versions sortiront quand même. Cet album que tu possèdes ne va sortir qu’en disque ; il ne sera pas diffusé sur scène. Ce que je joue sur scène concerne Transat et l’Affaire Barthab. Ce que je joue tout seul chez moi ne sort qu’en disque.

 

– Parlons de la couleur musicale de Transat, où on entend clairement des influences Blues, Folk américaine, et Cajun en particulier. Est-ce un apport d’influences dû à la présence de Galen ou à l’utilisation des instruments qui font aussi le son typique de ces musiques là ?

– Galen : C’est ma culture et aussi celle de Thérèse. Je ne peux pas dire que je suis un guitariste cajun, mais c’est une grande influence pour moi.

– Xavier : En fait ce que fait Galen est très blues, mais il arrive à le bidouiller de telle sorte qu’on ne se rend pas compte que c’est du blues.

– Galen : Mais Xavier pense qu’à part la chanson française, tout est du blues ! Moi, je pense que pour les vrais bluesmen, ce que je fais n’est pas du blues. C’est plutôt de la chanson folk, mais il y a les influences du blues, c’est sûr.

– Xavier : Pour préciser quelque chose, c’est la première fois que je joue avec des gens qui chantent en anglais, et pourtant les francophones qui chantent en anglais, ce n’est pas mon délire ; j’ai toujours trouvé que ça ne sonnait pas véritable. Avec Galen et Thérèse, j’ai trouvé ce « véritable » dans la chanson anglophone. C’est ce qui m’a intéressé : c’est pur, véritable et ça se voit.

 

– C’est ce qui transpire du concert de ce soir en tout cas : il n’y a pas de cinéma dans vos interprétations.

– Xavier : On aimerait bien, mais pour l’instant on ne touche que des cachets de musicien, pas encore de comédien !

– Thérèse : Non, mais ce n’est pas le but. On aime être dans un cocon naturel, entre nous et se regarder en disant qu’on s’accroche et on y va. Ils m’ont acceptée comme j’étais. Je suis arrivée en résidence sans connaitre personne ; j’étais au bout de ma vie ; j’ai débarqué en délirant et ils ne sont pas partis en courant.

– Xavier : Pour l’anecdote -et ça tu vas pouvoir l’écrire-, au début elle avait peur, et un soir elle a joué avec 4 pastis dans la gueule, et c’est passé tout seul !

 

– Thérèse, quand tu as commencé à chanter ce soir, nous avons été plusieurs à penser Rosemary Standley du groupe Moriarty. Quelles sont tes influences musicales ?

– Thérèse : Non ! Ça recommence ! J’ai grandi avec une meilleure amie anglaise, donc j’ai été bercé par les Beattles et aussi le Jazz des années 50, des vinyles de mon grand-père. Je suis une rockeuse, et je me sens très bien dans l’univers folk. J’aime beaucoup le Rock -un groupe comme nos amis Dätcha Mandala présents ce soir, c’est ma came- la Folk, et la Pop mielleuse aussi. Et puis je suis allée en Irlande en 2007, et ça m’a marquée à vie. J’étais avec un orchestre, et un papy au pub m’a appris à jouer et j’ai adoré ça. Bien sur j’ai fait du Classique au Conservatoire, mais je me suis toujours sentie folk et présentée comme telle : j’aime faire ça et je sais faire ça. J’ai beaucoup écouté Moriarty étant jeune, et c’est vrai que les gens font souvent la comparaison. Mais j’essaye de travailler ma voix pour qu’elle soit la plus claire possible, et éviter l’exagération « à l’américaine ». Un jour il va falloir aussi chanter en Arabe ; ce serait drôle, aux vues de mes origines iraquiennes et libanaises. En fait je suis une libano-iraquienne, élevée en Dordogne, au magret : c’est un bon résumé ! Mais pour l’instant je chante en anglais, parce que je suis attachée à la musicalité et aux mélodies de cette langue. Je ne suis pas sûre de savoir écrire une chanson en français, mais Xavier qui commence à bien me connaitre voudrait le faire.

– Xavier : Pour le prochain EP, dans l’idéal, j’aimerais qu’on enregistre deux chansons de chaque : deux de moi, deux de Galen et deux de Thérèse. Déjà ce soir, le fait de terminer le concert par une chanson de Thérèse était très chouette ; ça a plu aux gens.

 

– Xavier, pour ta part, si on trouvait il y a quelques années une grosse influence de Mano Solo dans tes interprétations, elle a quasiment disparue pour laisser le chant libre à une voix devenue singulière, malgré quelques rapprochements possibles avec celle de Christian Olivier. T’en sens-tu différent ?

– Xavier : Je force moins là dedans, parce que l’orchestration est moins puissante, et puis parce que, non pas que j’en ai eu assez qu’on me compare à d’autres, mais petit à petit je comprends ma voix et je deviens moi. C’est vrai qu’au début, inconsciemment tu copies les chanteurs que tu aimes et que tu écoutes. Donc il y avait forcément du Mano Solo dans ma façon de chanter. Désormais je chante comme moi. Il y a beaucoup moins d’effets ; je chante naturellement. Les sessions à Astaffort m’ont enseigné ça : chanter comme je parle. On y a croisé Jean Fauque d’ailleurs qui encadrait les ateliers d’écriture, et il est question de travailler une ou deux chansons du répertoire d’Alain Bashung avec lui, la prochaine fois que nous serons à Paris. Nous n’avons pas vraiment eu trop de contacts lors de cette session, car nos textes à nous étaient déjà écrits, mais il est revenu me voir avec l’Affaire Barthab quelques fois dans le Gers où nous avons beaucoup tourné et où il résidait l’été, et le lien s’est créé tardivement.

 

– Envisagez-vous que Transat soit une formation musicale vouée à rester tridimensionnelle ou au contraire à s’élargir ?

– Xavier : Galen est contre. Et en plus si nous voulions intégrer d’autres instruments, nous en jouons nous-mêmes déjà plusieurs autres, donc il n’y aurait pas besoin d’autres musiciens.

– Galen : Je pense que pour l’instant, nous n’avons pas épuisé toutes les possibilités de ce que nous pouvons travailler à trois. Et au niveau logistique, je suis contre le rajout d’instruments. Ce n’est pas contre l’idée de rajouter un 4ème ou 5ème musicien ; bien sur que ça pourrait apporter des choses. Mais ça fonctionne bien à trois , et nous avons encore beaucoup de choses à explorer et expérimenter.

– Xavier : J’avoue que c’est pratique pour la route. C’est la première fois que je joue dans un groupe à trois. J’ai toujours eu des groupes au sein desquels nous étions au moins huit ou neuf musiciens : ça coute cher en hôtel, nourriture et salaire et c’est compliqué à déplacer. Là, à trois, nous avons plusieurs spectacles, avec un concert en deux parties déjà. On veut développer ça. Et puis depuis que Laurent Malato est devenu tourneur de l’Affaire Barthab, nous jouons sur beaucoup plus de dates, et de fait Transat profites aussi de cette opportunité. Je pense que l’été prochain, un répertoire où les trois voix seront présentes sera prêt. On aimerait bien que Thérèse, qui est la seule voix féminine du trio, puisse chanter en Français et en Anglais, pour vraiment créer le lien entre Galen et moi. Et comme elle n’écrit pas en Français, la prochaine étape pour nous est que je lui écrive des chansons. Elle ne sonnera sans doute pas pareil en français qu’en anglais, mais je pense qu’il y a moyen de lui faire adopter une voix à l’ancienne, un peu à la Piaf. Actuellement elle fait dans ce qu’elle écoute, c’est-à-dire Agnes Obel, de la Dark Pop ; mais j’aimerais bien qu’elle puisse sortir de son petit cocon. Et c’est ce qu’elle est en train de faire. Nous avons justement eu une discussion sur la route en revenant du Gers il y a peu, et je lui disais de profiter de nous, du fait que notre trio lui offre une porte ouverte pour tester ce qu’elle veut. Elle n’a aucun autre groupe qui lui donnerait la possibilité de chanter, et avec nous elle n’a pas besoin d’un répertoire d’une heure trente, puisque Galen et moi complétons le temps de tour de chant. L’idée est d’agencer un spectacle cohérent à trois bientôt, sans trop de pression ni de contrainte technique. Le hippysme mélancolique nous va très bien !

 

 

Miren Funke

Photos : Carolyn C

 

Lien :  clic sur les transats, bien sûr..

Nous remercions Laurent pour sa disponibilité et sa gentillesse

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