Archive | août, 2017

Musicalarue : rencontre avec Les Bidons de l’An Fer

31 Août

 

 

Place aux artistes de rue. Car Musicalarue, outre de proposer aux publics un éclectisme rare en termes de concerts d’artistes de goûts variés et plus ou moins célèbres ou renommés, est aussi le théâtre des arts de rue qui animent chaque jour, entre ou pendant les gros concerts, les places et les allées du village de Luxey, de sorte que la fête ne s’interrompt jamais. C’est souvent l’occasion de découvrir ou de retrouver des artistes alternatifs ou amateurs -au sens noble du terme- qui offrent un moment de bonheur avec toute la générosité et l’originalité dont sont capables ceux qui ont à cœur de simplement faire et se faire plaisir. Les Bidons de l’An Fer sont de ceux là. Groupe de plus d’une dizaine de percussionnistes jouant sur des instruments de récupération, les Bidons étaient invités cette année à déployer dans les rues de Luxey le fracas harmonieux de leurs instruments et leur bonne humeur, défilant au milieu du public durant plusieurs représentations réparties sur les trois jours. Deux de ses membres nous présentaient la formation originaire de Vendée qui fêtera bientôt ses 25 ans d’existence.

 

– Bonjour et merci de nous accorder un peu de temps. A quand remonte la fondation de votre formation ?

– Quentin : Le groupe a 24 ans ; j’avais deux ans à l’époque de la formation ! Il s’est créé par le biais du Festival de Poupet en Vendée [https://www.festival-poupet.com/], dont le président avait demandé alors à quelques jeunes de monter une formation sur le principe des Tambours du Bronx, juste pour rigoler, pour un soir.

– Romain : Les Tambours du Bronx étaient présents dans le festival ; donc ça a créé une dynamique. Des percussionnistes de la fanfare de la commune y ont participé et invité des copains à se joindre à eux. Et puis ils ont commencé à créer des morceaux.

– Quentin : Voilà. Donc ils sont partis sur cette idée. Puis le président du festival a adoré et leur a conseillé de monter un groupe. Et 24 ans après, c’est encore là. Des plus anciens du début du groupe, il en reste un, et le reste du groupe s’est renouvelé avec des jeunes qui ont pris la succession, à mesure. Il y a donc plusieurs générations- le plus ancien a 40 ans et le plus jeune, 23-, mais l’avantage, c’est que nous sommes issus du même village ; on se connait tous un petit peu par le biais des autres, donc il y a forcément une bonne entente.

 

– Combien de musiciens êtes-vous à l’heure actuelle ?

– Quentin : Nous sommes 15 percussionnistes. Mais ce weekend, nous ne sommes que 12. On n’est que très rarement tous les 15 ensemble. On essaye de faire des grosses scènes, parce que comme certains ont des familles, des emplois, des enfants, ce n’est jamais évident de réunir tout le monde. Donc quand on trouve des dates, je lance une proposition pour savoir qui peut venir. En général on ne se déplace pas si on n’est pas au minimum 8 ou 9.

– Romain : Notre groupe se divise en trois parties en fait ; il faut donc qu’on soit assez nombreux pour avoir suffisamment de percussionnistes dans chaque partie.

 

– Comment sont fabriqués vos instruments ?

– Romain : C’est nous qui les fabriquons. On récupère des boites et des bidons jetés, et on les recycle. On y passe un peu de temps, mais on refait des bidons tout neufs et nos baguettes aussi. Sachant qu’en général, à la fin du weekend, les bidons sont hors service, car ils souffrent quand même. On les remplace donc souvent.

– Quentin : Si on fait 7 dates dans l’année, il va nous falloir 3 ou 4 jeux de bidons. On ne répète pas sur les bidons, parce que déjà ça fait du bruit. Il faut savoir qu’on est situé à vol d’oiseau à 300 ou 400 mètres du Puy du Fou, qui nous a déjà adressé des remarques comme quoi le bruit gênait.

– Romain : Donc on répète sur des planches avec de la moquette, ce qui permet aussi de ne pas se tuer les oreilles. Et ça évite de gâcher des bidons pour des répétitions.

 

– Qu’est-ce que vous aimez jouer ?

– Romain : Ce sont des musiques qui ont été créées, au départ beaucoup inspirées par les Tambours du Bronx, puis composées par des vrais percussionnistes du groupe qui ont créé des morceaux de toute pièce. Certains d’entre nous sont de vrais musiciens et composent. Au début, les premières compositions étaient sur papier ; mais aujourd’hui on peut le faire facilement sur logiciel. On a même réalisé un featuring avec le Dj electro Eugène de Rastignac  au festival de Poupet l’an dernier : il nous avait envoyé des musiques, et nous avons composé dessus. On a une dizaine de morceaux ; mais on ne joue jamais très longtemps, aux alentours d’une demi-heure. Trois fois trente minutes en interlude entre deux concerts d’artistes, ça passe très bien.

 

– Avez-vous un chef d’orchestre qui dirige ?

– Quentin : On ne parle pas vraiment de chef d’orchestre, mais il y a un peu de ça : on a un leader dans le groupe qui a un sifflet pour nous indiquer à quel moment on va changer de rythme ou de partie musicale. On joue souvent en arc de cercle, avec un joueur au milieu, et lui qui gère le groupe avec le sifflet.

 

– Répondre à toutes les invitations ne doit pas être évident, lorsqu’on est autant de membres dans un groupe et que chacun a des impératifs privés. De quelle nature sont les évènements auxquels vous participez ?

– Romain : On a de tout comme proposition. Ici, ça fait partie des belles dates qu’on essaye de ne pas manquer. On nous demande dans beaucoup de petits festivals ou de manifestations départementales ou régionales, ou des évènements sportifs. On fait de tout. Par exemple on a été à Paris pour le marathon de La Parisienne. On est obligés de refuser plus de la moitié, voire les trois quarts des propositions. On est tous bénévoles, sous le statut associatif. Donc on est amenés à refuser pas mal de proposition, parce qu’effectivement ce n’est pas notre métier, et chacun a sa vie privée. Mais quand on peut faire des dates importantes comme ça, on essaye.

– Quentin : Ce qui est bien c’est de faire vraiment de tout : jouer  devant un bar, animer des manifestations sportives, comme la Meule Bleue au circuit du Mans ou les 24h du Mans en camion, les festivals, les fêtes de la Musique, les anniversaires.

 

– Qu’est-ce qui vous motive le plus dans le fait de participer à ce groupe ?

– Quentin : Il y a bien sur le plaisir d’accrocher le public, mais aussi le plaisir de jouer entre potes, puisqu’on se connait tous. Quand on termine un concert, et qu’à la fin, les gens viennent nous voir pour toucher les bidons et nous poser des questions ou dire qu’ils reviendront nous voir, c’est une sensation géniale. On se demande pourquoi on s’arrêterait là !

– Romain : C’est un défouloir, car on donne de notre personne; c’est assez physique. Il y a une certaine adrénaline à toucher le public et être près des gens. C’est aussi pour des gens qui ont pu faire de la musique professionnellement avant le moyen de revenir à la musique ou de garder un lien avec elle, d’une façon complètement originale. Pour ma part, j’ai fait de la batterie quand j’étais jeune, puis j’avais arrêté, et j’ai pu, grâce aux percussions, retrouver un lien avec la musique.

 

– Vous parliez tout à l’heure d’un featuring avec un DJ. Les festivals sont souvent l’occasion de rencontrer d’autres artistes et de nouer des liens. Réaliser plus de collaborations vous plairait-il ?

– Romain : Oui ! Les bidons peuvent se marier avec pas mal de choses. Il suffit d’avoir l’imagination de créer. Je suis sur qu’on pourrait faire des choses avec pas mal de musiciens. On est ouverts à ça.

 

– Comment avez-vous été invités par Musicalarue ?

– Quentin : Thomas, le fils du président qui s’occupe du festival de Poupet en Vendée, ou de très gros artistes viennent, connaissait des programmateurs d’ici ; on a noué contact et on nous a proposé de venir.

– Romain : C’est un échange de bons procédés : un groupe d’ici est venu jouer dans le festival de Poupet, et nous avons été invités. On peut jouer les trois jours. Je pense d’ailleurs qu’on n’a jamais joué autant en si peu de temps. C’est d’ailleurs étonnant d’avoir toujours des gens qui passent et  viennent nous voir. Généralement on ne nous demande pas en interview, car il y a des artistes plus connus et importants. Mais le festival a bien joué le jeu et nous a annoncé en partageant des vidéos, donc les gens s’intéressent à nous.

– Quentin : Le public suit très bien. Hier soir, on était très proches des gens. On ne joue pas sur scène, car nous sommes un groupe de rue, donc nous jouons dans le public. Les gens étaient vraiment proches. C’est quelque chose de bizarre à vivre. Les gens nous encourageaient, avec une main sur l’épaule.Ça permet de créer des liens et de se faire connaitre. Et on y prend du plaisir, car c’est un beau site. Jouer trois jours d’affilé, avec une programmation comme ça en plus, ça fait quand même plaisir. Nous remercions le festival pour ces dates ; c’est un très bel évènement. On nous accueille tous les jours, et les bénévoles sont vraiment cool. Plusieurs amis nous en avaient parlé, qui sont venus ici. Un qui fait beaucoup de festivals en France nous a même dit que c’était le meilleur qu’il ait fait.

– Romain : Il y a vraiment un état d’esprit général atypique qu’on ne retrouve pas dans d’autres festivals. Ce n’est pas une grosse machine, et c’est à portée de main de tout le monde. On reviendra avec plaisir. Il y a des gens qui viennent ici en tant qu’artistes et reviennent l’an suivant en tant que bénévoles, tellement c’est attachant.

 

Pour en savoir plus, tapez sur le bidon, (modèle d’appartement)

 

 

Miren Funke et Emma Pham Van Cang

Photos : Carolyn C (1 ; 2 ; 4), Nicolas Leboeuf (3 ; 5 ; 6)

Musicalarue : rencontre avec Melissmell

28 Août

 

Quelques premières nappes de clavier sobres moutonnant sur un jeu de batterie acéré et de guitare discrète, c’est face aux applaudissements du public que malgré l’absence imprévue d’un des deux guitaristes, l’artiste Melissmell et ses trois musiciens abordaient la scène du Théâtre de Verdure samedi 12 aout, pour y faire monter une crue d’émotions contraires, plus turbulentes les unes que les autres, propres à commotionner le cœur. Certes, Melissmell n’est pas de celles et ceux que l’on vient écouter par hasard, tant l’artiste a esquissé tôt les couleurs de son monde et profilé le sens de son chemin. Pourtant un festival comme Musicalarue reste un lieu privilégié offrant l’occasion de découvrir des artistes auxquels on ne prend pas toujours le temps de s’intéresser autrement. Au public des déjà conquis récitant les paroles de ses chansons par cœur s’agglomérait donc ce soir là une masse conséquente de gens accrochés par cette voix naturellement éraillée et enragée, jaillissant d’un cœur, avec trouble, colère et sincérité, pour en harponner d’autres. Si la gravité du ton et l’obscurité -mais pas l’obscurantisme- des propos restent réels et intenses, à l’image de ces chansons issues du dernier album « L’Ankou », baptisé du nom d’un personnage macabre des légendes bretonnes, c’est pourtant l’idée de l’espoir et une force lumineuse émanant de la chanteuse qui allait imprégner l’atmosphère et contaminer les esprits, brinquebalés d’un sentiment à l’autre, comme par une tempête océane où se seraient entrechoquées vagues à l’âme déferlantes et lames de fond, mais sous un ciel orageux transpercé de faisceau solaires. Sans doute les sourires radieux de l’artiste et ces étincelles poétiques scintillant de mille feux aux reflets merveilleux…

Quelques heures après le concert, Melissmell, apaisée, mais semblant toujours couver un bouillonnement intérieur perpétuel acceptait de répondre à quelques questions.

 

– Melissmell, bonjour et merci de nous accorder du temps. Pourquoi avoir choisi un personnage légendaire breton, l’Ankou, pour donner son nom à ton dernier album ?

Parce que j’étais entourée de Bretons. J’avais Bruno Green de Detroit, qui est de Rennes ; j’avais deux de mes membres musiciens, Matu [François Matuszenski] et Yann Ferry qui sont bretons de naissance. J’ai choisi l’Ankou comme représentant du passage entre la vie et la mort, pour Charlie Hebdo : l’écriture de ce disque a été faite avant l’attentat contre Charlie, jusqu’à la chanson « Le Pendu », qui est née pendant, entre le 07 et le 11 janvier. J’ai choisi l’Ankou pour les victimes, surtout pour le père de Mano Solo, Cabu. Je voulais donner une sorte de personnage : quand on parle de l’Ankou, on voit tout de suite le personnage squelettique avec sa charrette.

 

– La thématique ou du moins l’ombre de la mort est assez présente sur cet album. On sent aussi beaucoup de gravité chez toi quand tu chantes, comme ce soir, et en même temps une lumière indéniable émane de toi. Que voudrais-tu dire à ceux qui ne retiendraient de ton disque que le pessimisme et le qualifient de sombre, voire « morbide » ?

A ceux qui le trouveraient pessimiste, que moi j’ai toujours la lumière. J’ai toujours de la lumière dans ma grotte. J’ai ma lumière à moi et je sais allumer une grotte avec rien. C’est une façon figurée de le dire. C’est peut-être dans la dépression, dans le dépressif, dans le pessimisme, mais pas pour moi : c’est dans le réalisme ouvert à la question de savoir s’il y a un après tout ce bordel. C’est le ton grave de la société qui nous pèse. Mais il y a la lumière de l’espérance, de l’espoir.

 

– Tu as confié chanter depuis toujours, mais qu’apprendre que tu étais atteinte d’une maladie t’a fait prendre conscience de beaucoup de choses. L’idée de faire de la chanson ton métier a-t-elle germé progressivement comme une évidence ou s’est-elle imposée comme une nécessité à un moment particulier ?

J’ai chanté bien avant d’être malade. Je crois que c’est venu de Brel, de Piaf, de Ferré : premières envies de monter sur scène, premières envies de « faire comme ». Et puis j’ai vu Noir Désir en concert quand j’avais 9 ans, et puis Mano Solo. Puis j’ai eu cette maladie. Et la maladie m’a fait encore plus écouter Mano Solo dans le sens du combat. C’est là où le déclic s’est produit, où je me suis dit « j’y vais, je vais le faire ». C’est aussi le moment où Bertrand Cantat est tombé dans un nuage de… je n’ai pas de mot tellement l’acte est terrible. C’est à ce moment là que j’ai décidé de m’appeler Melissmell et de monter sur scène. Quelque chose me disait « mais qui va monter sur scène et remplacer ça ? ». Je ne prétends pas que c’est moi qui vais le remplacer, mais j’y suis allée en me disant « s’il n’y a personne, j’y vais quand même », parce que je n’avais plus rien à quoi me raccrocher musicalement, qui me parlait poétiquement de la vérité de ce monde. Je me demandais qui allait écrire la suite en somme, continuer ce combat, et n’aurait pas d’aile brisée. Et j’ai pris cet envol.

 

– Dans les thématiques de tes chansons, il est souvent question de la place de la femme dans la société, dans l’histoire et l’inconscient collectif ou l’imaginaire symbolique. Et dans le rock ?

Il n’y en a pas beaucoup ! Elles ne sont pas beaucoup présentes ; il n’y a pas beaucoup d’exemples. Il y a Brigitte Fontaine : elle est rock dans son ensemble, même si sa musique n’est pas toujours forcément rock. Ceci dit, j’ai été peintre en bâtiment et j’ai vu plus de machisme et de misogynie chez les peintres en bâtiment que sur les scènes musicales. C’est beaucoup plus mixte. Il y a de plus en plus de femmes ingénieur du son, ingénieur lumières ou régisseur. Quand j’étais peintre en bâtiment, on était deux femmes sur mille peut-être. Ici, tu vois quand même quelques artistes féminines.

 

– Ton écriture engage souvent des clins d’œil au patrimoine poétique français, que ce soit à la littérature ou à la Chanson Française, comme François Villon, Arthur Rimbaud ou Léo Ferré. Cette culture a-t-elle beaucoup compté dans ta formation et est-ce vital pour toi de t’y référer?

Oui. C’est un devoir, même. Je ne suis pas une personne qui aime lire. Je ne prends pas plaisir à lire, mais il faut que je lise pour évoluer, pour connaitre des choses et avoir envie d’évoluer. Je me force à lire. Ma voisine, la chanteuse Eskelina, me dit que je me mets des punitions, parce que je lis Marx, des philosophes, de la littérature un peu poussée, pointue, entre poésie, philosophie et politique ou scientifique. Donc ça nourrit mon écriture ; elle avance et évolue toujours.

 

– Sur le plan musical, on note l’introduction de sons électroniques sur ce dernier album. D’où cela vient-il ?

De Matu. On a travaillé sur le premier album juste des versions au piano acoustique ; sur le second, on a poussé l’acoustique à son summum, c’est-à-dire qu’on a poussé le dépouillement avec des chansons interprétées juste avec une guitare et un piano. Et pour ce troisième album, j’avais envie de faire du rock français ; ça me démangeait. Donc je l’ai laissé se servir de ses sons. Matu a travaillé dix ans avec Indochine, donc comme il avait du matériel dont il ne s’était pas encore servi avec moi, je lui ai proposé d’essayer de s’en servir, pour pouvoir créer des sons et avancer dans l’électro et marier le rock à ça.

 

– Melissmell n’est donc pas qu’une chanteuse, mais aussi un groupe. Comment se passe la création collective entre toi et tes musiciens ?

En général, j’arrive avec des chansons toute prêtes en 3 ou 4 accords, suivant mes envies. Je ne vais pas plus loin que 6 accords, parce que faire de la chanson compliquée n’est pas mon but. J’aime quand c’est simple. J’aime la simplicité de Nirvana.

 

– D’ailleurs le « Smell » de ton nom d’artiste ne vient-il pas de la chanson « Smells like Teen Spirit » de Nirvana ?

Aussi, oui. Donc, j’aime travailler ça toute seule, et ensuite j’apporte ma chanson aux musiciens, enregistrée soit avec mon téléphone ou dictaphone, soit avec un logiciel qui me permet d’avancer un petit peu plus dans les arrangements ; elle est globalement terminée et je laisse la structure se refaire avec eux, éventuellement en ajoutant un pont là où il manque. Après je ne touche plus à l’instrument ; je reste à ma voix.

 

– Comment travailles-tu ta voix ?

Je t’avoue que je ne la travaille plus depuis 5 ans. J’ai tellement chanté, que je ne travaille plus : les concerts me la font travailler. Pour être honnête, je l’ai travaillée depuis l’âge de 5 ans. J’ai toujours chanté. Ma mère et ma grand-mère me disaient « tu ne savais pas parler, tu chantais déjà ! ». Je faisais des mélodies en « mmm » ou « lalala » à 3 mois déjà, d’après ma famille. Il y en a qui s’expriment comme ça. J’étais un peu autiste : j’enregistrais les mélodies dans ma tête et je les cherchais au piano. Ma mère disait que j’étais « prédestinée ». Même un jour une voyante a dit que je ferais l’Olympia, et je vais le faire en Octobre ! Mais je ne le fais pas toute seule… On le fait en associatif avec l‘association Quart Monde, contre la pauvreté.   

 

– Tu aurais dit en entretien journalistique un jour que ce n’est pas le morceau qui fait l’artiste. Mais est-ce l’artiste qui fait le morceau ou les autres au moment où sa chanson lui échappe et part vivre sa vie auprès des gens, un peu comme un enfant qui quitte son parent pour vivre par lui même?

Les journalistes transforment généralement ce que je dis, parce que l’humain transforme toujours un peu. Ce que je voulais probablement dire c’est que ce n’est pas le tube qui fait un artiste, mais il  le fait financièrement. Personnellement je laisse vivre ma chanson; je l’ai même apportée sur un plateau à Mélenchon et son mouvement politique ! Je lui ai dit que s’il la voulait, je lui donnais, enfin symboliquement, que je viendrais la chanter pour eux, parce qu’ils portent un élan intéressant : ils cherchent les failles dans le système, ils ont beaucoup de questions et se cherchent encore eux-mêmes et défendent le peuple comme ils peuvent. Donc c’est touchant que ma chanson parte vivre avec d’autres. Elle est partie voir Jérôme Kerviel par exemple. Il a parcouru tous ces kilomètres avec « Aux Armes ! » dans les oreilles. Il m’a invitée, avant son emprisonnement, à chanter la chanson devant toutes les caméras d’Europe. Donc j’ai chanté en direct sur BFM deux fois, puisque j’ai chanté pour son soutien et sa libération, parce que c’est un vrai scandale ; c’est incroyable de se faire duper pareillement. Cette chanson, je l’avais faite, parce j’étais énervée le jour où on a fait lire la lettre de Guy Môquet sous Sarkozy. Ça a tué mon positivisme ; j’étais écœurée. Voler Jaurès pour faire une politique de droite, c’est quand même fou : il faut être malade pour oser un truc pareil. C’est une des premières chansons que j’ai écrite, vers mes 25 ans. Je la date de 2008, parce que ça me semblait être le cadeau d’anniversaire de Mai 68 ; c’est important pour la libération de la femme. Je me suis dit « tiens, et si on allait embêter la Marseillaise sur son terrain ? »: je prends les symboles, je les vise, et je les arrache, les détruit ou les transforme. De même je suis allée chercher Villon et La Ballade des Pendus pour en faire quelque chose pour Charlie Hebdo avec « Le Pendu ».

 

– Une dernière question sur Musicalarue : comment s’est décidée cette première participation au festival pour toi ?

Je suis venue l’an dernier, en tant que bénévole pendant trois jours. J’ai déposé ma maquette et je leur ai dit « l’année prochaine, c’est mon programme ! ». C’est comme ça qu’on a eu la date. Quand ça ne veut pas, il faut mettre les mains dans le cambouis. Je ne comprenais pas pourquoi on ne me programmait pas ici. Bourges, Belfort, je comprends qu’ils ne veulent pas de Melissmell pour X raison, et c’est vrai qu’ils ont cassé du sucre sur le bout de carrière que j’ai pu faire. Ce n’est pas de la paranoïa ; au début je croyais que personne ne voulait de moi dans les tremplins musicaux. J’avais fait deux fois le Printemps de Bourges, enfin en Alsace, je suis passée, mais ils ne m’ont jamais programmé à Paris ni Bourges. Ils préfèrent être tendance avec Olivia Ruiz. Ils font la pluie et le beau temps pour les autres. Musicalarue, j’en entendais parler comme d’un « putain de festival » de chanson française et de rock français, alternatif, et je ne comprenais pas pourquoi ils ne me programmaient pas : n’étais-je pas dans la mouvance ? J’ai du mal à me produire en Gironde et dans l’Ouest plus généralement ; je n’y suis pas encore reconnue. Donc je suis venue faire la bénévole l’an dernier ; j’avais tout un tas de copains qui jouaient, comme HK et les Saltimbanks, Fredo des Ogres de Barback, Les Hurlements d’Léo, qui m’avaient invitée à chanter avec eux sur scène l’an passé. D’ailleurs je chanterais probablement un morceau demain avec les copains, lors du concert du groupe Telegram.

 

 

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Et aussi, facebook : https://www.facebook.com/melissmell/

 

 

Miren Funke et Emma Pham Van Cang

Photos : Carolyn C (1 ; 2 ; 4), Miren (3 ; 5 ; 6 ; 7 ; 8)

Hélène Martin

25 Août

 

C’était le 24 Décembre 2016, avec un flash back sur les chansons et les artistes qui laissent une trace tatouée à vie dans la mémoire… Bien sûr avant il y avait eu Tino Rossi et Petit papa Noêl, Luis Mariano et Mexico-ooo, et surtout Stéphane Golmann et ses Actualités, chantées par Montand, accompagné par la guitare de Crolla… C’était l’enfance… Avec Hélène Martin, j’avais  grandi… Et aujourd’hui, c’est l’occasion de retrouver quelques unes des très belles pages de chansons dont j’ai parfois du mal à retrouver l’équivalent aujourd’hui… Hélène Martin  est chez EPM.. Et Puis Martin, c’est bien ça ?

Ce bonheur à chanterhelene-martin-ainsi-prague
Ce bonheur à me taire
A garder le secret
les jalons pour l’hiver
Et le don de raison
Et la science des nombres
Et le goût des maisons
Et le refus de l’ombre

Ce bonheur à chanter
Ce bonheur à me taire

Le feu à tisonner
la patience à le faire
le jeu d’aimer les hommes
Errance et recouvrance
La liberté de l’homme
le feu et sa distance…

(Prométhée, Prométhée… Hélène Martin)

C’est comme les légendes que l’on garde au plus intime, souvenirs d’enfances, ou souvenirs d’émotions intenses, partagées en privé, et il peut paraitre impudique de les livrer presque en public Et puis, au final, entre impudeur et l’égoïsme de garder pour soi, laissons l’égoïsme de côté, et ouvrons les pages du journal intime des chansons de notre vie. Pour ma part, , il y a quelques décennies , c’est avec Ainsi Prague que je suis tombé raide dingue amoureux d’Hélène Martin et de ses chansons. C’était un temps où il pouvait nous arriver impromptu par les grandes ondes de la radio quelques merveilles qui vous précipitaient illico chez le disquaire, lequel répondait à la question en vous donnant le disque en question sans qu’on ait à épeler… Hélène Martin ? Comme Martin… J’ai eu l’équivalent avec Michel Bernard, comme Bernard ? Ah oui Michè-le... Non là, il suffisait de dire Ainsi Prague, et tel Lucky Luke dans ses œuvres, l’homme de l’art vous tendait le 45 T 4 titres, et en route pour faire chauffer le Teppaz, ou la chaine « Rolls Royce «  Garrard, Denon ou Thorens.. mais dans tous les cas ça tournait, et d’Ainsi Prague au Condamné à Mort, en passant par La ballade de Bessie Smith et La Nativité selon Hélène Martin, ce fut un panorama très élargi de  la chanson dans toute sa noblesse, poésie, blues, chronique sociale, témoignage, fable, conte, un art complet d’auteur-compositeur-interprète, et d’interprète de Jean Genet, Aragon, Pablo Neruda, Lucienne Desnoues, Jules Supervielle, Louise Labé, Philippe Soupault… Une femme debout, qui a assumé tous les rôles, créatrice et productrice avec le label Cavalier, dans un contexte pas toujours facile, c’était le temps des yé-yés, Itsi Bitsi l’école est finie, belles belles belles et la plus belle pour aller danser… Dans cette déferlante twisteuse, c’était comme une oasis préservée de faire étape chez Hélène Martin …

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Je suis de ce pays frontalier entre les mots et la musique. Mais où la musique – qui a sa place unique – donne priorité au verbe et à l’amour du verbe. En poésie, explique-t-on ses choix ? Il s’agit de rencontres, d’amour, d’affinités parfois. Il s’agit de noces entre la voix et les mots qui ont leur sens, leur magie, leur résonance propre. Il s’agit aussi de préserver le chant premier existant dans le poème et de respecter la liberté unique du poète.
Respecter ne veut pas dire pour moi, ne pas toucher à l’œuvre, ni refuser de s’y « introduire ». J’essaie simplement de violenter courtoisement, allègrement et de maîtriser tout à la fois l’émotion, l’écho, le chant ajoutés
. (Hélène Martin, dans Esprits Nomades)

Rien à ajouter, il faut écouter Hélène Martin, c’est un cadeau précieux.

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Il paraît que nos chansonnistes français reviennent à la langue de chez eux, celle dans laquelle ils rêvent, après avoir, pour pas mal d’entre eux, chantonné dans un anglais post assimil, parce que ça fait sonner les mots, et que, lorsqu’on a pas grand chose à dire, vaut mieux le dire en anglais. Why not ? N’est pas Leonard Cohen ou Dylan qui veut, et dans le trésor de l’intégrale d’Hélène Martin, cet extrait du CD N°10 Nativité… faites sonner les mots et les guitares, pour Noël,  Bonjour du blues  en français. (Et après le blues laissez tourner, Mes amis mes amours..)

En plus de l’intégrale (Hélène Martin chante les poètes) une nouveauté est annoncée, pour le 27 janvier, disponible chez EPM, père Noël, comme tu n’existes pas, repasse quand même le 27 janvier, on n’est jamais à l’abri d’une bonne nouvelle.

Voir ici pour Virage à 80, quelques extraits ici, clic sur l’image,

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et ici pour le reste, clic sur la boutique la plus sympa du web,

Misti logo

Et Joyeux Noël, malgré tout…  Norbert Gabriel

Isabelle Mayereau, Parcours…

24 Août

C’était le 3 mai 2016, je venais de recevoir ce coffret de l’intégrale d’Isabelle Mayereau, et cet été 2017, c’est l’occasion de retrouver quelques unes des très belles pages de chansons dont j’ai parfois du mal à retrouver l’équivalent aujourd’hui… Donc, bis repetita, et demain ce sera… ? Revenez demain si ça vous dit..

 

Mayereau 5 couv 03-05-2016 15-57-04 3478x656Mayereau CD 5 03-05-2016 15-56-047

A la réception de cette intégrale, on se dit chouette, reviennent en mémoire les chansons emblématiques d’Isabelle Mayereau, celles qui nous ont marqués il y a quelques années… Tu m’écris, Simili USA, L’enfance, Stars Fantômes… On met le premier CD sur la platine, et 3 jours après on y est encore… Parce que ce n’est pas seulement une compil’ intégrale d’albums de chansons, c’est un roman musical qui nous refait vivre les 40 dernières années et toutes les mythologies qui ont nourri ces générations, l’Amérique de nos rêves en couleurs, le cinéma de nos vies…

On traverse les années et les sentiments mélangés dans une série de chapitres qui résonnent dans les mémoires, celles des vieux jeunes gens seventies qui retrouvent les émotions toujours vivantes, et celles des générations actuelles qui découvrent que la vie, celle qu’on rêve, celle qu’on vit n’est pas très différente en 2016 qu’en 1980, on avait rêvé d’un monde de maisons bleues où l’avenir serait fait d’amours plutôt que de guerres.. Le rêve est toujours debout, vacillant parfois, mais têtu. Monde fragile en contrastes permanents.

©Nicole Deschaumes

©Nicole Deschaumes

Isabelle Mayereau a nourri toutes ses musiques de ce jazz-blues en demi-teintes, en nuances délicates, qui traversent le temps sans perdre une once de charme; dans la trame musicale des guitares très fines, passent des éclats de cuivres, ou de guitares électriques, de piano Fender, qui éclairent le paysage d’un trait scintillant, soulignent une phrase… En filigrane, on peut deviner l’écho des Doors, ou de Fats Domino, un texte ou une ambiance évoquent Bogart, Casablanca, ou Key Largo, et bingo, dans un des albums suivants, les voilà dans Film noir... Le feeling (de l’histoire) était le bon…

Du blue-jazz spleen en mauve et en mots parfumés chocolat, gingembre ou orange, des couleurs plus bigarrées dans Hors Pistes, cette jazzeuse conteuse regarde et raconte la vie avec l’oeil tendre et lucide des poètes humanistes, (On a trouvé), avec des sirops de vie qui s’attardent sur un Duvet gris, femme en blues trottoir au sens propre, ou conte à la Simonin illustré par Doisneau avec « de Dédé à Mimi » et juste avant le tableau final,  deux versions revisitées des mythiques « Tu m’écris » et « L‘enfance »…

Ce roman musical, on le suit chapitre après chapitre sans en sauter une ligne, sans perdre une note, et même, on revient au chapitre précédent pour vérifier, retrouver, on a envie de corner les pages pour marquer des bouts de phrases, quelques lignes qui nous touchent intimement.. « Je me déshabille sous couvert de mots » dit Isabelle Mayereau, strip tease pudique, suggérer c’est créer décrire, c’est détruire*…

parcoursUne précision, ce qui est rare, voire exceptionnel dans cette intégrale, c’est qu’elle restitue les chansons dans l’ordre exact des éditions d’origine, pas de découpage thématique aléatoire, de bidouillages saugrenus, c’est l’album original qu’on retrouve, mis en forme par l’artiste et des directeurs artistiques dignes de ce nom, comme Jacques Bedos.

Parmi ce qu’on trouve sur Youtube concernant Isabelle Mayereau, quelques uns des titres emblématiques du début, et quelques chansons récentes… mais qui ne sont qu’une infime partie de son œuvre, et pas forcément représentative. Le syndrome de l’iceberg…

* Suggérer c’est créer décrire, c’est détruire.  (Robert Doisneau)

Débuts, Stars fantômes,

Dans les derniers Comme la porcelaine…

Disponible depuis fin Avril chez EPM, dont voici le catalogue, clic sur l’image, et hop !

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Norbert Gabriel

Musicalarue : rencontre avec The Mountain Men

21 Août

 

The Mountain Men, en formation  à quatre depuis la réalisation de leur dernier album « Black Market Flowers », montait sur la scène du Théâtre de Verdure dimanche soir pour assurer un concert qui, au dire de nombreux festivaliers, fut « la claque » du jour. Le duo acoustique grenoblois composé du chanteur et guitariste Mathieu Guillou (« Mr Mat ») et de l’harmoniciste australien Ian Giddey (« Barefoot Iano »), ayant complété sa formation du batteur Denis Barthes (Noir Désir, The Hyènes) et du bassiste Olivier Mathios (The Hyènes), venait frotter aux oreilles du public de Musicalarue son rock authentique, originel et inné à la dimension désormais amplifiée par l’électrique et un couple rythmique. Pour le coup, si la musique du groupe a souvent été jusqu’alors, de façon un peu expéditive, classée comme blues ou folk -influences que les musiciens ne renient cependant pas- principalement du fait du jeu acoustique, l’envergure sonore qui lui sied ainsi exprime l’essence rock de ses morceaux avec un instinctif et un élémentaire qui parlent viscéralement à l’estomac. Et estomaqué, le public l’était, devant l’accord simple et efficace des musiciens et la poésie humaine d’un harmoniciste un peu fou se laissant embarquer par ses propres chansons. Un grand moment de brutalité et de douceur à la fois, à l’image de ces livres d’Isaac Babel où le cru et le sauvage se juxtaposent à la tendresse et à la beauté pure.

Dans l’après-midi, The Mountain Men nous recevait, en compagnie d’autres médias internautes et radiophonique présents. Cet entretien a donc été mené sous forme de conférence de presse.

 

– Bonjour et merci de nous recevoir. Comment a démarré l’histoire de votre groupe ?

– Mathieu : L’histoire du groupe, c’est déjà la rencontre d’Ian et moi même en 2005. On a commencé à tourner et faire quelques concerts ensemble jusqu’en 2009 où nous avons sorti notre premier album. De 2009 à 2016, nous avons tourné, juste à deux. The Mountain Men était très acoustique.

– Ian : C’est important de noter aussi qu’on était deux à l’époque, et en 2005, les deux chiffres valides égalaient 7 quand on les ajoutait, et en 2009, la sortie de notre premier album, si on enlevait 2 du 9, on était toujours à 7. Et on était toujours deux !

– Denis : Donc voilà : vous comprenez ce qu’on vit tous les jours…

– Mathieu : Donc en 2016, j’ai craqué et je me suis dit qu’il fallait faire un album avec d’autres personnes. On a eu envie d’explorer un versant plus électrique et on a fait appel  à Denis et Olivier pour l’album  « Black Market Flowers ». On a donc fait 500 ou 600 concerts à deux, et là on doit en être à une cinquantaine avec cette formation à quatre.

 

– Qu’est-ce que l’arrivée de Denis et Olivier a changé pour le travail de composition ?

– Mathieu : On a sorti notre troisième album studio « Against the Wind » en 2015, et après une centaine de dates en dix mois, on s’est mis sur l’écriture de « Black Market Flowers », avec l’idée de faire un album rapidement derrière et de chercher un réalisateur. Donc les morceaux étaient déjà assez avancés quand nous avons rencontré Denis. Et puis une fois en studio, les choses se sont faites assez naturellement. C’est-à-dire qu’au départ, Denis ne devait que réaliser l’album. Et puis ça l’embêtait de faire jouer un autre batteur dessus, alors que c’est son métier, et puis Olivier est arrivé.

– Olivier : Denis me disait qu’il travaillait sur la production et qu’il avait envie de faire la batterie, donc je lui ai dit : « de toute façon, il vaut mieux que tu le fasses ; tu ne vas pas supporter si quelqu’un le fait moins bien ».  

– Denis : Je me suis dit qu’au lieu de faire chier un batteur, ça irait plus vite de m’auto-faire chier.

– Olivier : On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même. Donc il m’a proposé de faire deux-trois basses sur l’album. J’y suis un peu allé la fleur au fusil. Les choses ont été magiques, au sens où quand on s’est mis à jouer ensemble, très rapidement les choses sont devenues évidentes. C’est une belle aventure, et qui s’est tellement mal passée qu’on est encore aujourd’hui à Luxey, ensemble.

– Mathieu : Finalement on est arrivés avec nos idées, et une fois qu’on était dans la pièce ensemble, on a essayé des choses, on ne s’est rien refusé, et il y a eu une émulsion immédiate et assez naturelle.

– Denis : Math est arrivé avec ses maquettes dans lesquelles il y a avait des choses très abouties et d’autres pas du tout. Il y avait des morceaux où il n’y avait plus grand-chose à faire, et des morceaux, un en particulier, où on est reparti d’un riff. On a travaillé comme ça, en proposant, sans imposer; de toute façon ce ne sont pas des gens à qui on peut imposer quelque chose. Tous les matins, on commençait avec un truc très simple : je disais à Math de prendre sa guitare et de jouer le morceau naturellement. Parfois on laissait tomber l’impulsion du matin, mais on était parti de quelque chose planté dans la terre, qui était vrai, les idées circulaient et on construisait autour. Et souvent, le soir, on avait le morceau quasiment fini.

– Olivier : On travaille les concerts de la même manière. On a un problème de géographie, parce qu’il y a deux Landais et deux Grenoblois, ce qui n’est pas super pratique; ça demande de l’organisation.

– Denis : Oui, parce que on nous a menti quand on était petits : on nous a dit qu’il y aurait des voitures volantes, la téléportation… Mais pas du tout !

– Mathieu : Mais c’est ce qui crée aussi l’émulsion dans le travail, parce que du fait d’être à 800 km de distance, quand on se retrouve, on est d’autant plus efficaces.

– Denis : La vie, c’est ça aussi. On a rencontré leurs potes et ils ont rencontré les nôtres. Et la première fois qu’on est allés jouer chez eux, dans un petit endroit où ils avaient déjà joué, il y avait tous leurs potes et leurs familles et on craignait qu’ils nous reprochent « mais qu’avez-vous fait de notre groupe ? ». Et au contraire, ils étaient tous contents. Et tu rencontres une sorte de tribu ou de famille, plus ou moins élargie avec le public. Et ça, implicitement c’est une chose qui te nourrit, même si tu n’y penses pas. Quand tu restes dans ton circuit, ta chapelle ou ta famille, au bout d’un moment, tu te scléroses; c’est inévitable. Il y avait le challenge de passer à quatre, et j’ai toujours eu dans l’esprit de ne pas dénaturer Mountain Men. Il fallait bien sur que j’amène une patte au niveau de la production, mais il fallait que si demain le groupe retourne en duo ou joue avec un autre batteur et un autre bassiste, ça reste du Mountain Men.

– Olivier : En fait, avant d’accepter, on les a vus en concert à deux, et on s’est demandé ce qu’on pourrait bien rajouter à ça, parce que c’était déjà énorme. L’idée n’était pas de rentrer dans le groupe et de se mettre en avant, mais d’amplifier le groupe. Et on a vite trouvé notre place naturellement.

– Denis : Ce n’est pas un secret : quand on est partis en tournée, on avait répété deux fois 5 jours.

– Mathieu : Répète, fondue; répète, gigot d’agneau; répète, raclette…

– Denis : Voilà, donc deux fois 5 jours pour monter 1h50 de spectacle, et on s’est dit qu’on verrait le reste sur scène, qu’on allait s’écouter, voir si on s’entend et si ça se cale tout seul.

– Ian : Et deux fois 5 jours, c’était à peu près dix fois plus que Math et moi avons jamais répété !

 

– Quels univers musicaux traversent votre musique ?

– Ian : Mat est influencé par toute la musique sauf le reggae, et moi je suis surtout influencé par le reggae.

– Mathieu : Non. L’univers, c’est carrément très rock. Mais comme on jouait en acoustique, juste guitare-voix-harmonica, on a eu tendance à nous coller l’étiquette du Blues, qu’on ne renie pas forcément, parce que ça fait parti de l’essence de notre musique. Mais on fait la musique qu’on a envie de faire sur le moment, et de manière très instinctive.

 

– Vous avez également fait un album de reprises de Brassens. Est-ce par goût du grand écart ou simplement de l’éclectisme ?

– Mathieu : Personnellement, et je pense que mes camarades sont pareils, je suis un boulimique de musique.

– Olivier : On ‘écoute pas que la musique qu’on joue en fait. La musique qu’on joue vient de partout et on a tous des influences, qui peuvent aller de la Chanson au pire du Metal-Punk le plus inabordable. C’est pour ça qu’on peut aller sur du Brassens ou s’autoriser des choses improbables qui paraissent totalement transversales.

– Ian : Et puis Brassens, c’est un vrai choix, parce qu’après notre deuxième album « Hope », on a eu envie de se donner un peu d’air. Donc on a eu envie de reprendre du Brassens et de faire quelques spectacles avec ça. Qui sait ? On aura peut-être envie de faire un album de reprises de Slipknot un jour ou de…

 

– De Véronique Sanson ?

– Olivier : Oui, mais sans le son.

 

– Personnellement, Denis, toi qui as vécu des expériences fortes avec Noir Désir et les Hyènes entre autres, quel regard portes-tu sur ces différentes expériences , et quel épanouissement autre t’apporte The Mountain Men ?

– Denis : J’en garde de très bons souvenirs. Je ne suis absolument pas nostalgique, mais c’est quelque chose dont je suis fier. J’ai toujours tendance à mettre à l’écart les mauvais côtés. Mais pour revenir à Mountain Men, ça faisait longtemps que je n’avais pas eu une belle rencontre avec des gens qui ont envie de bouffer le monde. On a une bonne entente musicale, une bonne entente humaine ; on a vécu de belles choses. Tout se passe naturellement : on sait ce qu’on sait faire de mieux, sans réfléchir. Quand eux ont pris contact avec moi, je ne les connaissais pas du tout. Du coup j’ai découvert leur univers guitare-chant-harmonica, et ça faisait longtemps que je n’avais plus vu un groupe qui faisait de la musique « à la main » et qui allait chercher le public comme ça. En voyant leurs concerts, j’ai eu l’impression qu’ils ne jouaient pas devant un public, mais devant des potes. Tous les gens qui allaient voir jouer Mountain Men avaient une relation spéciale avec eux. Et quand j’ai rencontré ces deux énergumènes, au bout de dix minutes, j’avais l’impression que je les connaissais depuis 15 ans. Bon, Ian, un peu moins ; j’ai mis un peu plus de temps, mais parce qu’il faut décoder.

 

– Ou en sont les Hyènes, votre autre groupe à toi et Olivier ?

– Denis : On avait besoin de faire un break, parce que ça faisait dix ans qu’on tournait. Et là, il y a un album de fait, et on va laisser les choses se faire naturellement. Si à un moment on a envie d’entrer en studio pour l’album, on le fera ; on continue de tourner un peu avec le projet « BD Concert ». Mais ça, c’est pareil : d’un truc qui au départ était parti pour durer 4 ou 5 concerts pour rigoler, on a rigolé pendant plus de trois ans ! On voulait prendre l’air avec ça; on est bien aérés ! Donc, les Hyènes ne sont pas morts, mais en suspens. On envisage les deux projets complètement différemment; il n’y a pas de recette qu’on adapte à une des structures.

 

– Est-ce le message que la musique a à faire passer ?

– Mathieu : Je ne sais pas. On est abreuvés de messages qui ne servent à rien en permanence. On a juste envie de partager un moment.

– Denis : Le plus important à dire, c’est « surtout ne vous laissez pas faire ! ». Tous les jours, on nous éteint une petite liberté, en nous disant qu’il ne faut pas faire ci ou ça, que ça dérange telle ou telle obédience. Ne vous laissez pas faire : la seule chose qu’on est en train de perdre, c’est la liberté.

 

– D’où vient le titre de l’album ?

– Mathieu : L’album est très nostalgique et parle de rapports humains et d’émotions assez intimes. A l’époque j’ai lu un livre où l’auteur parlait des émotions en remplaçant les émotions par des fleurs. On est souvent très seul avec toutes les émotions qu’on traverse, même si on en parle sous le manteau un peu : ça a un côté « marché noir » pour moi. D’où le titre de l’album « Black Market Flowers », c’est-à-dire « Les fleurs du marché noir ». Une petite touche florale pour terminer… Comme quoi on n’est pas que des brutes sanguinaires !

– Ian : Qu’on est quand même !  

 

Pour en savoir plus sur The Mountain Men, soufflez ou cliquez  sur l’harmonica, 

Miren Funke

Photos : Carolyn C

Musicalarue : rencontre avec le groupe Deluxe

20 Août

 

Le groupe Deluxe revenait cette année à Musicalarue, festival qui fut parmi les premiers à leur avoir confié une scène pour exprimer leur Electro-pop mâtinée de Funk et de Soul, à l’époque où la formation quittait les rues d’Aix avec une renommée encore modeste, quoi que légitime. Leurs costumes excentriques inspirés du monde circassien endossés, la chanteuse Liliboy et les cinq musiciens survoltés embrasaient la grande scène des Sarmouneys, imprimant au concert un rythme frénétiquement joyeux d’un bout à l’autre. Explosion de bonne humeur, de folie douce et de loufoquerie facétieuse qui ferait presque oublier que ces comiques là sont aussi et surtout des musiciens de talent au jeu imparablement dynamique. Devant un large public conquis par l’esprit festif et déjanté, Deluxe enchainait les chansons de son dernier album « Stachelight », tout en laissant respirer le concert un peu, pas trop, juste ce qu’il faut, pour garder le cœur accroché dans une cadence soutenue. Quelques heures auparavant, les six artistes nous recevaient, et ce n’est pas de nous abstenir de porter plus d’intérêt à leurs moustaches et leurs apparats qu’à leur musique qui nous a permis d’éviter que l’entretien parte en délires pour un moment savoureusement drôle.

 

– Bonjour et merci de nous accorder cet entretien. Vous avez commencé à jouer dans la rue. Est-ce ce qui vous a donné le gout de capter l’attention du public ?

– Kilo : Complètement. Quand tu joues dans la rue, tu te rends comptes très vite qu’il faut sortir un peu du lot, ou capter l’attention du public pour qu’il reste. Donc on a assez rapidement compris ce qu’il fallait faire : faut qu’il y ait des interactions, qu’il n’y ait pas un moment où il y a un temps mort. C’est ce qu’on a gardé sur scène : c’est tout le temps rythmé.

– Pietre : Sauf au moment du temps mort !

 

– Lequel du désir d’exprimer quelques chose ou du plaisir d’avoir ce rapport avec le public motive le plus votre envie de faire de la musique ?

– Kilo : Les deux.

– Pépé : On adore interagir avec le public, être proche des gens.

– Pietre : On fait d’abord la musique qu’on aime pour nous, mais une fois sur scène, on la fait pour les autres.

 

– Par exemple, vous souvenez-vous de vos premières émotions musicales ?

– Kilo : Pour ma part, c’était les DVD de M. C’est la seule chose que je demandais à mes parents comme cadeau.

– Pepe : Mais toujours le même DVD… C’est ça qui est chiant.

– Kilo : Et Joe Dassin aussi. Et Paolo Conte.

– Liliboy : Lauryn Hill dans « Sister Act 2 ».

– Pietre : Ma première émotion, je pense que c’était un album de Rythm’n’Blues qu’avaient mes parents, avec Otis Redding et Ray Charles.

– Soubri : William Sheller aussi.

– Pépé : Moi, les disques de Michael Jackson qu’écoutait ma sœur.

 

– Vous aimez les collaborations musicales ; on en trouve de prestigieuses sur votre album. Pour vous, participer à un festival, est-ce aussi l’occasion de rencontrer d’autres artistes en vue de nouveaux échanges ?

– Kilo : Carrément !

– Liliboy : C’est comme ça qu’on a rencontré Matthieu Chedid, IAM, et Nneka.

– Pépé : Tous les gens avec qui ont a fait des featurings, on les a rencontrés en festival.

 

– A Luxey, vous êtes déjà venus plusieurs fois. Est-ce un plaisir de revenir ici ?

– Kilo : Trois fois. Et là on avait envie de rencontrer Véronique Sanson, et on est allés dans ses loges ; on voulait lui faire une surprise. Elle ne nous connait pas ; elle ne nous a jamais vus. Mais nous, on adore. On était dans sa loge et on s’est dit que quand elle rentrerait, on lui crierait « 1,2,3 ! ça va Véronique ? ». Et elle est rentrée et elle est tombée sur le dos, net. Lili a pris une bouteille d’eau pour la ranimer ; on a essayé de la tirer dans la loge. On était enfermés avec elle ; il ne fallait pas que son régisseur nous voit. Après on a mis le ventilateur, mais ses cheveux se sont pris dedans… Elle est revenue à elle finalement. Mais avec un œil gonflé…

– Pépé : Heureusement j’ai un  brevet de secourisme.

– Kilo : Elle est hyper cool, parce qu’elle nous a dit qu’elle ne nous en veut pas. Mais elle a un oeil gros comme ça !

– Pépé : Non, mais avec le maquillage, ça ne se verra pas.

– Kilo : Donc à mon avis, pour l’album, c’est mort ; Il n’y aura pas de featuring avec Véronique.  

 

– Donc si elle ne joue pas ce soir, on saura qui est responsable ! Après avoir été repérés et soutenus par Chinese Man via son label, vous avez fondé le votre. Que vous apporte le fait d’avoir votre propre label ? Est-ce pour vous une garantie d’indépendance ?

– Pietre : Ça nous permet de dire des conneries !

– Kilo : Oui, c’est l’indépendance. Il n’y a pas un mec qui peut venir nous dire « arrêtez de dire de la merde ! ».

– Pietre : En plus on peut se faire notre propre goûter. Tous les mois on organise un gouter. En plus c’est la boite qui paye. Faut faire des labels, comme ça on peut faire des goûters.

– Pépé : On va dans un parc à enfant ; on fait du toboggan.

– Kilo : Et le pire, c’est qu’on demande des subventions pour ça, et c’est l’état qui paye.

 

– Nous sommes contents de payer des impôts pour ça !

– Kilo : Mais il faudrait que tu viennes à un de nos goûters, mais tu viens toute seule.

– Pietre : Par contre, faut que tu nous dises ce que tu aimes comme céréales. Nous, c’est Frosties, mais si tu veux autre chose, on peut te prendre autre chose.

 

– Des Chocapics, c’est possible ?

– Pépé : Ouais. Si tu avais dit Miel Pops, ça n’aurait peut-être pas collé.

– Kilo : Si tu aimes bien les Chocapics, tu vas aimer les Coco Pops.

 

Et pour un bol de Frosties ou de Chocapics de plus, voyez Facebook : titillez la moustache et Deluxe vous ouvrira,

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Miren Funke

Photos : Carolyn C (1 ; 2 ; 6 ; 7 ; 8 ; 9 ; 10), Miren (3 ; 4 ; 5 ; 11)

 

NDLR: –  La rédaction décline toute responsabilité sur les propos publiés et refuse toute demande de réparation de la part de Véronique Sanson et ses avocats…  On ne sait jamais, elle pourrait passer par là dans un moment d’égarement. Mais comme elle a beaucoup d’humour, le risque est limité. (Nous espérons que les lecteurs ont aussi de l’humour.
Nous déclinons également toute responsabilité dans les abus de Frosties et de Chocapics qui pourraient toucher nos lecteurs, d’autant que ces pubs sont gratuites. Et nous le déplorons

Festival Musicalarue 2017 : rencontre avec La Maison Tellier

18 Août

Cette année encore le festival Musicalarue accueillait à Luxey une multitude d’artistes à plus ou moins large public, et une foule immense de festivaliers. Durant trois jours, comme de coutume depuis plus de 20 ans, alors que le petit village landais ouvrait ses rues et ses espaces publics aux gens, ses habitants leur ouvraient leur cœur et leur maison. Car, outre le fait de transformer un village entier en scène gigantesque, Musicalarue présente cette particularité d’impliquer dans la vie du festival, résidents et bénévoles venus parfois de plus de 100 kilomètres aux alentours : artistes et festivaliers se logent chez l‘habitant ou campent dans les jardins, et chacun s’investit avec une bienveillance attentionnée et un esprit d’altruisme devenus rares -« l’esprit de Luxey » dit-on-, si bien qu’on ne saurait déterminer qui de Musicalarue ou de Luxey a fait la renommée et le caractère exceptionnel de l’autre. Si l’événement fréquenté à l’origine plutôt par un public et des artistes alternatifs est devenu populaire au point d’être considéré comme une date incontournable par des célébrités qui ne laissent pourtant pas l’impression d’adhérer aux valeurs véhiculées par le festival, il continue d’attirer majoritairement des « artisans » de la chanson, des artistes de rue et des spectacles indépendants, et également des interprètes faisant partie du patrimoine de la Chanson Française, ravis de voir les auditeurs partager un moment familial et reprendre en chœurs des succès populaires connus par trois, voire quatre générations. C’est la politique de l’association, qui chaque année gère au mieux l’équilibre pour ravir tous les publics, toutes les générations, en évitant cependant à Musicalarue de devenir un événement industriel comme les autres.

 

Cette année hélas, un incident météorologique d’envergure est venu écourter et annuler la troisième soirée musicale en plein concert du groupe Matmatah qui terminait l’interprétation de sa chanson « Au Conditionnel » sous un déluge de pluie et des rafales de vent, devant un ciel déchiré d’éclairs, mais un public décidé à rester sans peur ni lassitude sous l’orage. Par chance la tempête n’a pas blessé de personne ; néanmoins Musicalarue comptabilise de nombreux dégâts matériels, dont nous espérons qu’ils ne mettront cependant pas en péril l’existence des futures éditions. Profitons ici de l’occasion pour remercier les membres de l’association organisatrice, qui, chaque année, nous accueillent  et s’occupent de nous avec professionnalisme, dévouement et gentillesse.

 

Parmi les artistes présents, quelques uns ont accepté de nous accorder un entretien, le premier d’entre eux étant le groupe La Maison Tellier, que nous avions rencontrés l’an passé à Bordeaux [https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2016/05/23/entretien-avec-la-maison-tellier-en-tournee/]. Achevant ici la tournée nationale consécutive à la sortie de son dernier album « Avalanche », le groupe normand livrait samedi un concert généreux, vibrant et possédé, constellé de nombreux moments de transe collective partagée avec le public. Les musiciens semblaient heureux pour cette première participation du groupe à Musicalarue de jouer sur la même scène que Miossec, dont ils reprirent le titre « La Fidélité », et de profiter de cette occasion de croiser sa route. Quelques heures plutôt, des « cinq faux frères », Helmut et Raoul Tellier, respectivement chanteur et guitariste nous accordaient un peu de temps.

 

– Bonjour et merci de nous recevoir. Lors de l’entretien que vous nous aviez accordé l’an dernier, vous évoquiez le travail d’épurement du son amorcé avec l’album « Beauté Pour Tous » et qui devient très flagrant avec « Avalanche ». Votre volonté va-t-elle dans le sens de poursuivre ce travail ?

– Raoul : On parlait tout à l’heure des nouvelles chansons qu’on écrit ; on essaye de pousser la chose encore plus loin, car on voudrait faire un enregistrement le plus live possible, juste à nous 5, avec éventuellement un ou deux musicien. Du coup, ça conditionne un cadre supplémentaire dans l’écriture des chansons et des arrangements. Par exemple je vais essayer de faire des parties de guitare qui se tiennent toutes seules, à une seule guitare. C’est une contrainte supplémentaire. Une fois qu’on aura fait ça, je pense qu’on ne pourra pas faire tellement plus épuré. A moins de chanter sans chanter…

– Helmut : Ou de virer un  musicien par disque.    

– Raoul : A la mode Koh-Lanta !

 

– Du coup, 5 ne sera plus le numéro parfait…

– Raoul : Non. Mais du coup, ça permettra d’écrire « A 4, c’est mieux »

– Helmut : Ou « On est bien tout seul ».

 

– Yann Arnaud est intervenu pour réaliser « Avalanche », alors que vous aviez réalisé les albums précédents seuls. Que tirez-vous de cette expérience, du fait de bénéficier d’un regard extérieur ? Quels en sont les inconvénients et les avantages ?

– Helmut : Le regard extérieur nous permet de trancher quand nous arrivons dans une impasse en termes de composition. On lui remet ce rôle là, qui est chiant. Du coup on a juste à se concentrer sur notre rôle de musicien. On a toujours été dans des réseaux, mais on n’a jamais eu un succès tel que tout un tas de parasite viennent nous expliquer quoi faire, comme des directeurs artistiques ou je ne sais quoi. Nous, on est plutôt demandeurs de ça, sans en être obsédés. De mon point de vue, l’album de Noir Désir qui est le moins intéressant en termes de son est celui qu’ils ont réalisé eux-mêmes, parce qu’il n’y avait pas de personne extérieure. Dans ces cas là, tout le monde veut faire plaisir à tout le monde. On passe nos vies ensemble, donc on ne veut pas se fâcher. Du coup on est 5 à donner notre avis. Un intervenant extérieur, quand il est légitime et que ce qu’il dit est intelligent et bien amené polarise la chose et nous permet d’être bien. Il y a une chanson sur le dernier album qui cristallise ça, c’est « Garçon Manqué », que je trouve peut-être la meilleure chanson de l’album : on est arrivé chacun avec des bribes d’idées, Yann a mis tout ensemble et désigné une direction.

 

– Est-ce pour vous une expérience à réitérer ?

– Raoul : Ça me parait nécessaire. Mais on est en perpétuelle réflexion là-dessus, parce que certains d’entre nous préfèrent avoir l’opportunité de faire notre tambouille entre nous, sans forcément que quelqu’un vienne arbitrer ; ça peut prendre du temps.

– Helmut : Et puis on a aussi le fantasme de travailler avec des réalisateurs anglo-saxons parce que c’est la musique qu’on écoute le plus en ce moment. On se rend compte qu’en France, ça tourne sur un  certain nombre de réalisateurs, mais qu’on compte sur les doigts d’une main ; donc tous les disques ont des sons relativement homogènes et c’est pas facile de se démarquer. Et nous, on est obligés de se démarquer, parce qu’on sait qu’il n’y aura pas la grosse cavalerie derrière qui va balancer notre morceaux sur la pub après le journal. Donc faut essayer d’être originaux. Et puis il y a le fantasme de travailler avec quelqu’un dont on admire le boulot ; ça pourrait être John Parrish ou un autre. Mais ça pourrait aussi être naze. Faut essayer. Le problème, c’est que nous, on a une économie limité. On ne peut pas se dire qu’on va mettre 20 000 euros pour se payer un réalisateur particulier et s’apercevoir que finalement ça ne va pas.   

 

– N’est-ce pas aussi une motivation d’avoir l’oreille d’une personne non francophone pour votre chanson qui pose des textes français sur des musiques inspirées largement du monde américain?

– Helmut : C’est déjà le cas. Quand Seb (Raoul) écoute les chansons en maquettes, ce n’est pas forcément sur les paroles qu’il va se retourner. Moi, c’est ce que j’écoute en premier : des paroles nases peuvent me gâcher une chanson, même si j’écoute ce qui se passe dans la musique. Mais on pense peut-être à l’inverse.

– Raoul : Non, pas forcément. En Français, si les paroles sont nases, j’ai du mal. C’est plutôt que souvent, si les paroles ne le sont pas, je ne fais pas forcément de différence entre un très bon texte et un texte moyennement bien. Du moment que rien ne me perturbe l’écoute, comme quand j’écoute des chansons en anglais, je fais attention au texte après. C’est d’abord une mélodie, une ambiance, des arrangements qui me plaisent.

– Helmut : Mais il y a des mots qui accrochent l’oreille et des mots interdits dans les chansons. Et il y a des mecs qui les mettent quand même !

 

– Quels sont les mots interdits ?

– Helmut : Mitochondrie, tête de gondole. Tu vois le syndrome poussé à l’extrême : pour déconner, nous, on inventait des chansons de Thiéfaine. Mais Thiéfaine le fait très bien ; c’est juste qu’il emploie des mots, qui font que tu reconnais directement son écriture. Et c’est cool. Mais tout le monde ne peut pas le faire.

– Raoul : C’est un talent de pouvoir mettre n’importe quel mot dans une chanson.

 

– Parlons de votre écriture : elle prend souvent une forme narrative, comme des petits scenarii, des histoires racontées, même lorsqu’elle aborde des sujets polémiques ou un engagement comme la chanson « Un Bon Français ». Est-ce la qualité littéraire que vous voulez défendre ?

– Helmut : Ce n’est pas pour la qualité. C’est pour avoir une distance. J’aime bien faire des portraits ; c’est plus facile. La chanson vieillit mieux. Les chansons engagées, c’est compliqué. Pour le coup, je ne la verrais pas comme une chanson engagée, mais comme une chanson politique.  Mendelson, qui vient de sortir un album que je recommande chaudement d’ailleurs, parle de ça : il dit qu’il fait de la chanson politique et non de la chanson engagée. La chanson engagée, en caricaturant, tu mets ton petit bonnet en pilou pour aller gueuler à la télé, et après tu vas sur ton i-phone en disant que t’es anar. « Un bon Français » est un portrait de salaud ordinaire. C’est comme ça que je la vois, même si la narration est un peu ambigüe et qu’après coup je me suis rendu compte qu’elle pouvait prêter à confusion. Mais si t’as deux sous de jugeote, tu ne te dis pas que c’est une chanson pro-front national. J’aimais bien l’idée de faire un portrait avec des trucs que tu entends au bistro parfois et qui piquent vraiment quand même.

– Raoul : Et je pense que tous dans le groupe, en tous cas moi je le suis, nous sommes sensibles à la petite histoire dans la grande Histoire. Les œuvres qui me touchent le plus, que ce soient des livres, des films ou des chansons, c’est quand au travers d’un portrait ou d’un événement, on est plongé au cœur d’une chose plus grande. Les chansons qui prennent par la main et qui disent ce qui est bien et ce qui ne l’est pas ne me parlent pas.

– Helmut : Et puis nous sommes un groupe : je ne vais pas engager les 4 autres gars dans mes opinions personnelles. C’est un peu compliqué ; je ne suis pas sur qu’on pense la même chose sur tout.

– Raoul : Ne serait-ce que politiquement, on n’est pas tous encartés dans le même syndicat.

– Helmut : Du coup, pour le prochain album, j’ai envie de revenir à des petits scénarii comme ça. Le dernier était plus une espèce de dissection autocentrée. J’ai envie de reprendre de la distance et de faire comme sur nos vieux albums où je racontais des petites histoires. Une chanson, ça s’épuise vite. Il faut laisser un peu de floue, un côté un peu impressionniste. On a connu une phase de chanson un peu drolatique avec des gens comme Renan Luce, Alexis HK, et c’était souvent bien trouvé. Mais je trouve qu’une chanson comme « La Lettre », une fois que l’histoire est comprise, on n’a plus envie d’y aller, même si l’effet de surprise est cool. Il faut choisir. J’aime bien que chacun se fasse sa propre histoire à partir de ce que je propose comme paroles.

 

– Une dernière question sur la participation au festival : est-ce une bonne occasion pour vous de croiser et rencontrer d’autres artistes ?

– Helmut : Oui ! On va voir si on arrive à convaincre Miossec de venir chanter cette reprise là avec nous. On va essayer !

 

 

Site :clic sur la maison,

Miren Funke

Photos : Carolyn C (5 ; 6 ; 7 ; 8 ; 9 ; 10), Miren (1 ; 2 ; 3 ; 4 ; 11)

Claude Astier…

14 Août

De la part de Richard Daumas (La cave aux artistes),  rien de mieux à dire..

Mes ami(e)s

Je viens de perdre mon plus cher ami, mon frère, mon  poto, Claude ASTIER,, parrain de la cave aux artistes et créateur du Cabaret du Grand Toxique de Paris. Il est parti Dimanche 13 Août 2017 à 22 h 25 pour des vacances perpétuelles. Je lui rendrais un vibrant hommage en interprétant ses chansons sublimes le Vendredi 1° Septembre à la cave aux artistes en compagnie des jetés de l’encre. Voici l’ oraison funèbre que je lui ai adressée il y a 3 mois. Cela l’a bien fait rire.
.

ASTIER nous a quittés. Mais pour qu’il ne disparaisse jamais de la mémoire collective, je dirai ceci :

Il est parti comme un contrebandier de sépultures, un pilleur de troncs, un retrousseur de soutane, un coupeur de bite en quatre ! Ça ne m’étonne pas de lui, toujours à faire des trucs débiles et irrespectueux. Je suis sûr qu’il l’a fait exprès pour nous faire chier et nous montrer qu’il n’avait rien à foutre de notre vie de merde terrienne.

Claude est parti avec son secret. Mais nous le pleurerons longtemps, surtout nous ses créanciers. L’argent qu’il nous devait restera dans nos mémoires d’enculés. Cet argent, il nous l’empruntait pour spéculer sur des coups foireux comme les cabanes à fripes du Nicaragua ou le coup du siècle de l’élixir catégorique côté à la bourse zimbabwéenne. Il nous aura eu jusqu’au trognon cet enfoiré ! Et pourtant on le pleure avec ostentation et hypocrisie. On le pleure parce qu’on l’aimait. On aurait aimé être comme lui, pourri jusqu’à la moelle, écrivain d’une débilité géniale, compositeur véreux vendu à la mafia du disque dur, chanteur populaire et précurseur de l’expressionnisme débile, amant des plus grasses concierges de Paris. C’était le meilleur d’entre nous, le plus vicieux, le plus véreux, le plus insupportable des clairvoyants de la crapulerie. Un personnage hors du commun des mortels. Ah ! Alain Delon et François Villon pourront se féliciter de le voir disparaître car il faisait de l’ombre à leur notoriété. Jean d’Ormeson fera son panégyrique, BHL crachera sur sa mémoire et le Président offrira les caves du Panthéon pour accueillir sa dépouille, mais nous, pauvres vivants envieux de son destin, que nous reste-t-il ? Une mèche de cheveux, un bout de son gilet à fleurs, une corde de son violon, un poil de son pubis ? Astier, salaud, même mort tu continues à nous emmerder et à nous faire regretter d’être vivant. Pax volubis nostrum pététum gracia !

Quelques mots, de Gilbert Laffaille:

Astier c’est beaucoup plus drôle que… dix fois mieux écrit que… et beaucoup plus dérangeant que… C’est déchirant, tendre, percutant, incisif. Astier c’est impeccable, imparable, tranchant, net et précis. J’arrête parce que je n’aime pas les adjectifs. Astier, c’est bien.

 

Et d’autres ici, clic sur l’Astier..
 
Et RDV dans une cave, un de ces jours, on n’est sûr de rien, sauf de ça…
Et sa dernière interviou est là:


Norbert Gabriel

Ascensions, ou Cantate pour Omaya …

13 Août

 

Tu le sais

Je n’aurai de cesse

de te hanter toujours

Et je te condamne à l’amour

Omaya repose sous le mandarinier,

Une tache au cœur comme

Une tache au cœur comme

Un bouton de rose

Cet album de BabX peut provoquer des sentiments de troubles émotionnels exacerbés. Une des conséquences, en ce qui me concerne, c’est une incapacité à trouver les mots pour exprimer ces émotions. Et j’en demande par avance pardon aux albums à venir, et à quelques uns en attente, mais j’emprunte à Nougaro ce que je ressens,

 

Il faut faire silence
Traversé d’une lance
Qui fait saigner un sang
Blanc
Il faut tourner la page
Aborder le rivage
Où rien ne fait semblant
Saluer le mystère

Et puis se taire.

 


Pour le reste, quelques lignes de BabX extraites du livret disent à peu près tout sur cette cantate à Omaya,

 

La chanson parle d’une femme qui s’appelait Omaya al Jbara.  Femme ronde et joyeuse, elle faisait du droit et de grandes tables pour ses amis et sa famille. Elle vivait à Al Alam en Irak. Omaya s’est muée en Jean Moulin de son village quand un groupe de l’Etat Islamique l’a attaqué, faisant de chaque homme et femme un Résistant. Ces résistants ont tenu face aux agresseurs armés pendant 12 jours jusqu’à ce qu’Omaya tombe, tuée en plein cœur par un sniper. Elle est devenue une sorte de légende dont on chante le nom et a obtenu le titre de Cheïkha, titre qui n’avait jamais été accordé à aucune femme.

 

La première partie est un peu sa montée au ciel, son ascension, la seconde la bataille, la troisième se situe après le combat.

 

C’est la fin de cette troisième partie que je propose.

 

Et le sax d’Archie Shepp pleure toute la douleur du monde… et sa rage. Pleure …

Norbert Gabriel

Après le 13 Novembre il a fallu tout arrêter.
Puis tout recommencer. Vite.
Chercher et retrouver la pulsation de Vie.
Écrire. Gravir. Chanter.
Pour résister au froid.
Pour Résister, au fond.
Ce disque n’est qu’une trace de vie -parmi tant d’autres- qui revient à elle-même, sonnée mais obstinée.
Avec dedans les voix, les sons, l’évocation de mes amis, de mes amours, de mes héros, de musiciens, de gens, vivants ou disparus, mais LIBRES.
Sonner. Sonner. Sonner.
Jouer à la musique comme on joue à Zorro. Défier Dieu avec des pistolets à bouchon. Mais ne pas se laisser faire. Ne pas « LE » laisser faire.
Reprendre là où l’on a commencé.
A la Vie. »

Babx

[CONCERT] Babx sera à La Cigale lundi 27 novembre 2017 ! UNIQUE concert de l’album #Ascensions, avec de nombreux invités surprise !
Infos & réservations → bit.ly/BabxCigale2017

Last but not least:  c’est un album à écouter avec un oeil sur le livret, sinon, il y a un grave risque de malentendu, avec L’homme de Tripoli ou avec Le déserteur, comme dans un film où la bande son  est intimement associée au dialogue et à l’image. Les dissocier serait l’assurance de perdre l’essentiel

Oratorio ou cantate ?
– Un oratorio est une œuvre lyrique dramatique représentée sans mise en scène, ni costumes, ni décors. Généralement composé pour voix solistes, chœur et orchestre symphonique, avec parfois un narrateur, son sujet est le plus souvent religieux (épisode extrait de la Bible ou des Évangiles, de la vie du Christ ou d’un(e) saint(e)… ), mais peut être aussi profane (héros mythologique, sujet historique, hymne à la nature…). Formellement assez proche de la cantate et de l’opéra, l’oratorio comprend généralement une ouverture, des récitatifs, des airs et des chœurs.
– Une cantate (du latin cantare, « chanter ») est une composition vocale et instrumentale qui comporte plusieurs morceaux. Elle porte généralement sur un thème qui peut être profane (cantata da camera) ou sacré (cantata da chiesa), mais à la différence de l’opéra, elle ne comporte aucun aspect théâtral ni dramatique.

 

Rencontre avec le groupe Transat

12 Août

 

Le dimanche 6 aout, à Bordeaux, la guinguette Chez Alriq, soutien indéfectible de la scène musicale locale, accueillait le groupe Transat pour un concert débordant de plus d’une heure et demi de spectacle, au rappel du public enchanté. Formation née de la rencontre du chanteur canadien Galen Hartley et de l’artiste basque aux multiples expériences Xavier Barthaburu (chanteur de l’Affaire Barthab)[https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/?s=xavier+barthaburu&submit=Recherche], et complétée par la violoniste Thérèse Labrousse, Transat (pour « transatlantique ») présente en versions réorchestrées à trois instruments à cordes (guitare, violon, violoncelle) les répertoires respectifs de chacun de ses membres, sous la forme d’un concert en deux (et bientôt trois) parties. Une cohérence musicale qui parvient néanmoins à transcender les spécificités textuelles et mélodiques propres aux répertoires francophone et anglophone et l’originalité de chaque musicien/ne pour inventer une certaine cohésion, presque une homogénéité. En un mot ou plus : l’harmonie dans la complicité.

C’est après sa prestation que le groupe, un premier disque en main, acceptait de nous accorder un entretien.

 

– Bonjour Transat, et merci de nous recevoir. Pouvez-vous nous raconter un peu comment est né ce projet à trois ?

Xavier : On a commencé à deux, Galen Hartley et moi. Il est arrivé du Canada avec son propre répertoire, en faisant des allers-retours entre la France et son pays depuis 6 ans pour devenir luthier ici, puisqu’il est marié avec une copine qui est artiste peintre. Il fabrique des violoncelles et comme j’en jouais déjà, je trouvais ça un peu idiot qu’un amoureux des cordes comme lui joue tout seul avec sa guitare, et je lui ai donc proposé un accompagnement. Puis un jour, en fin de soirée arrosée, je lui ai demandé de me fabriquer un violoncelle pour que je lui serve de cobaye. Trois semaines après il m’a rappelé pour me dire qu’il avait commandé le bois et les cordes. En raccrochant je me suis dit « putain, il va vraiment falloir que j’appelle mon banquier ! ». Il a fabriqué le violoncelle, et nous avons commencé à jouer ensemble pendant un an environ, quand on pouvait, puisque nous avons chacun nos groupes respectifs. Il a appris tout mon répertoire et j’ai appris le sien. Et puis en avril de l’an dernier, Voix du Sud nous a proposé une résidence à Astaffort chez Francis Cabrel, financée par l’AFDAS, qui m’a permis de payer une troisième personne. Je pensais à ajouter un violon pour compléter notre duo. Le luthier bordelais Yacine Bayan [https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2015/10/27/uranometria-quand-le-savoir-faire-des-artisans-epouse-limagination-de-lartiste-pour-enfanter-neuf-muses-et-une-deesse/], nous avait présenté Thérèse lors d’une soirée, et il s’avère que Thérèse joue aussi de la guitare et chante, donc c’était parfait pour moi qui voulait une fille, et de préférence que je ne connaisse pas déjà . Je voulais une nouvelle relation artistique, pas une relation chargée de passéisme et d’histoire commune. Suite à cette résidence, très vite nous avons créé les arrangements à trois pour chacun de nos répertoires et formulé un spectacle à deux parties. Nous avons aussi sorti un disque relativement vite, peut-être un peu trop rapidement ; mais au final c’est bien d’avoir déjà un enregistrement à proposer. Donc ça fait un an et deux mois qu’on traine à trois !  

 

– On n’entend pourtant pas de fracture évidente en passant d’un répertoire à l’autre. Comment arrivez-vous malgré tout à créer cette « sauce » musicale homogène par delà l’écart entre les identités propres à vos répertoires respectifs?

– Xavier : On ne compose pas encore ensemble. Pour l’instant, on récupère nos répertoires respectifs, les chansons que nous avons composées chacun de son côté, et on les orchestre à trois. Il est probable que les prochains enregistrements naissent du même procédé ; mais il faut absolument que sur le prochain disque il y ait des chansons de Thérèse. On en est encore un peu à apprendre à se connaitre. Et puis l’étape suivante sera de composer ensemble, et de travailler des morceaux à plusieurs voix. Pour le moment la seule chose que nous ayons travaillé collectivement, ce sont les arrangements. C’est d’ailleurs assez drôle pour moi, puisqu’il y a plein de choses dans mes chansons que Transat a éclatées et révélées que j’ai récupéré avec mon groupe l’Affaire Barthab, parce que l’idée s’avérait meilleure. Chez moi, on a changé plus de choses que chez Galen.

– Galen : Pas faux. Mais les arrangements sont complètement différents, avec les cordes ; ça ne ressemble pas à avant non plus.

– Xavier : Galen avait déjà enregistré deux disque au Canada, en formule guitare-batterie-basse auparavant, aussi avec des invités en violon ou accordéon. Et forcément comme nous sommes en formule réduite et acoustique, nous n’avons pas récupéré de ses chansons tout ce que ces interprétations y avaient mis ; donc nous avons changé tout ça. Le jeu de cette formation est un peu à l’opposée de tout ce que j’ai fait avant -enfin pas vraiment à l’inverse, puisque La Replik jouait déjà en acoustique, mais très amplifié- au sens où ça joue acoustique, et en sensibilité et finesse. Les copains du Conservatoire m’ont fait la réflexion que j’étais enfin rentré en « Musique de Chambre ». L’autre jour nous avons joué dans un château, avec une acoustique particulière ; je pense que ça s’écoute et que c’est équilibré. Ce que je découvre avec Transat -et tu sais pourtant comme j’ai roulé ma bosse avec d’autres groupes depuis des années- c’est qu’il y a un public pour cette chanson acoustique. On pourrait même envisager des co-plateaux avec des artistes comme Julie Lagarrigue (Julie et le Vélo qui Pleure)[ https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2017/02/05/sortie-dalbum-fragiles-debout/], qui partagent ce public.        

 

– Xavier, ce soir, nous avons entendu 4 morceaux de toi que nous connaissions déjà, mais complètement réarrangés et modifiés tant dans la rythmique que l’orchestration. Sont-ce les visages définitifs de ces chansons ?

– Xavier : La démo que je t’avais passée comportait des arrangements pour beaucoup plus de musiciens. Il y a 12 ou 15 personnes qui jouent dessus. Mais ces versions sortiront quand même. Cet album que tu possèdes ne va sortir qu’en disque ; il ne sera pas diffusé sur scène. Ce que je joue sur scène concerne Transat et l’Affaire Barthab. Ce que je joue tout seul chez moi ne sort qu’en disque.

 

– Parlons de la couleur musicale de Transat, où on entend clairement des influences Blues, Folk américaine, et Cajun en particulier. Est-ce un apport d’influences dû à la présence de Galen ou à l’utilisation des instruments qui font aussi le son typique de ces musiques là ?

– Galen : C’est ma culture et aussi celle de Thérèse. Je ne peux pas dire que je suis un guitariste cajun, mais c’est une grande influence pour moi.

– Xavier : En fait ce que fait Galen est très blues, mais il arrive à le bidouiller de telle sorte qu’on ne se rend pas compte que c’est du blues.

– Galen : Mais Xavier pense qu’à part la chanson française, tout est du blues ! Moi, je pense que pour les vrais bluesmen, ce que je fais n’est pas du blues. C’est plutôt de la chanson folk, mais il y a les influences du blues, c’est sûr.

– Xavier : Pour préciser quelque chose, c’est la première fois que je joue avec des gens qui chantent en anglais, et pourtant les francophones qui chantent en anglais, ce n’est pas mon délire ; j’ai toujours trouvé que ça ne sonnait pas véritable. Avec Galen et Thérèse, j’ai trouvé ce « véritable » dans la chanson anglophone. C’est ce qui m’a intéressé : c’est pur, véritable et ça se voit.

 

– C’est ce qui transpire du concert de ce soir en tout cas : il n’y a pas de cinéma dans vos interprétations.

– Xavier : On aimerait bien, mais pour l’instant on ne touche que des cachets de musicien, pas encore de comédien !

– Thérèse : Non, mais ce n’est pas le but. On aime être dans un cocon naturel, entre nous et se regarder en disant qu’on s’accroche et on y va. Ils m’ont acceptée comme j’étais. Je suis arrivée en résidence sans connaitre personne ; j’étais au bout de ma vie ; j’ai débarqué en délirant et ils ne sont pas partis en courant.

– Xavier : Pour l’anecdote -et ça tu vas pouvoir l’écrire-, au début elle avait peur, et un soir elle a joué avec 4 pastis dans la gueule, et c’est passé tout seul !

 

– Thérèse, quand tu as commencé à chanter ce soir, nous avons été plusieurs à penser Rosemary Standley du groupe Moriarty. Quelles sont tes influences musicales ?

– Thérèse : Non ! Ça recommence ! J’ai grandi avec une meilleure amie anglaise, donc j’ai été bercé par les Beattles et aussi le Jazz des années 50, des vinyles de mon grand-père. Je suis une rockeuse, et je me sens très bien dans l’univers folk. J’aime beaucoup le Rock -un groupe comme nos amis Dätcha Mandala présents ce soir, c’est ma came- la Folk, et la Pop mielleuse aussi. Et puis je suis allée en Irlande en 2007, et ça m’a marquée à vie. J’étais avec un orchestre, et un papy au pub m’a appris à jouer et j’ai adoré ça. Bien sur j’ai fait du Classique au Conservatoire, mais je me suis toujours sentie folk et présentée comme telle : j’aime faire ça et je sais faire ça. J’ai beaucoup écouté Moriarty étant jeune, et c’est vrai que les gens font souvent la comparaison. Mais j’essaye de travailler ma voix pour qu’elle soit la plus claire possible, et éviter l’exagération « à l’américaine ». Un jour il va falloir aussi chanter en Arabe ; ce serait drôle, aux vues de mes origines iraquiennes et libanaises. En fait je suis une libano-iraquienne, élevée en Dordogne, au magret : c’est un bon résumé ! Mais pour l’instant je chante en anglais, parce que je suis attachée à la musicalité et aux mélodies de cette langue. Je ne suis pas sûre de savoir écrire une chanson en français, mais Xavier qui commence à bien me connaitre voudrait le faire.

– Xavier : Pour le prochain EP, dans l’idéal, j’aimerais qu’on enregistre deux chansons de chaque : deux de moi, deux de Galen et deux de Thérèse. Déjà ce soir, le fait de terminer le concert par une chanson de Thérèse était très chouette ; ça a plu aux gens.

 

– Xavier, pour ta part, si on trouvait il y a quelques années une grosse influence de Mano Solo dans tes interprétations, elle a quasiment disparue pour laisser le chant libre à une voix devenue singulière, malgré quelques rapprochements possibles avec celle de Christian Olivier. T’en sens-tu différent ?

– Xavier : Je force moins là dedans, parce que l’orchestration est moins puissante, et puis parce que, non pas que j’en ai eu assez qu’on me compare à d’autres, mais petit à petit je comprends ma voix et je deviens moi. C’est vrai qu’au début, inconsciemment tu copies les chanteurs que tu aimes et que tu écoutes. Donc il y avait forcément du Mano Solo dans ma façon de chanter. Désormais je chante comme moi. Il y a beaucoup moins d’effets ; je chante naturellement. Les sessions à Astaffort m’ont enseigné ça : chanter comme je parle. On y a croisé Jean Fauque d’ailleurs qui encadrait les ateliers d’écriture, et il est question de travailler une ou deux chansons du répertoire d’Alain Bashung avec lui, la prochaine fois que nous serons à Paris. Nous n’avons pas vraiment eu trop de contacts lors de cette session, car nos textes à nous étaient déjà écrits, mais il est revenu me voir avec l’Affaire Barthab quelques fois dans le Gers où nous avons beaucoup tourné et où il résidait l’été, et le lien s’est créé tardivement.

 

– Envisagez-vous que Transat soit une formation musicale vouée à rester tridimensionnelle ou au contraire à s’élargir ?

– Xavier : Galen est contre. Et en plus si nous voulions intégrer d’autres instruments, nous en jouons nous-mêmes déjà plusieurs autres, donc il n’y aurait pas besoin d’autres musiciens.

– Galen : Je pense que pour l’instant, nous n’avons pas épuisé toutes les possibilités de ce que nous pouvons travailler à trois. Et au niveau logistique, je suis contre le rajout d’instruments. Ce n’est pas contre l’idée de rajouter un 4ème ou 5ème musicien ; bien sur que ça pourrait apporter des choses. Mais ça fonctionne bien à trois , et nous avons encore beaucoup de choses à explorer et expérimenter.

– Xavier : J’avoue que c’est pratique pour la route. C’est la première fois que je joue dans un groupe à trois. J’ai toujours eu des groupes au sein desquels nous étions au moins huit ou neuf musiciens : ça coute cher en hôtel, nourriture et salaire et c’est compliqué à déplacer. Là, à trois, nous avons plusieurs spectacles, avec un concert en deux parties déjà. On veut développer ça. Et puis depuis que Laurent Malato est devenu tourneur de l’Affaire Barthab, nous jouons sur beaucoup plus de dates, et de fait Transat profites aussi de cette opportunité. Je pense que l’été prochain, un répertoire où les trois voix seront présentes sera prêt. On aimerait bien que Thérèse, qui est la seule voix féminine du trio, puisse chanter en Français et en Anglais, pour vraiment créer le lien entre Galen et moi. Et comme elle n’écrit pas en Français, la prochaine étape pour nous est que je lui écrive des chansons. Elle ne sonnera sans doute pas pareil en français qu’en anglais, mais je pense qu’il y a moyen de lui faire adopter une voix à l’ancienne, un peu à la Piaf. Actuellement elle fait dans ce qu’elle écoute, c’est-à-dire Agnes Obel, de la Dark Pop ; mais j’aimerais bien qu’elle puisse sortir de son petit cocon. Et c’est ce qu’elle est en train de faire. Nous avons justement eu une discussion sur la route en revenant du Gers il y a peu, et je lui disais de profiter de nous, du fait que notre trio lui offre une porte ouverte pour tester ce qu’elle veut. Elle n’a aucun autre groupe qui lui donnerait la possibilité de chanter, et avec nous elle n’a pas besoin d’un répertoire d’une heure trente, puisque Galen et moi complétons le temps de tour de chant. L’idée est d’agencer un spectacle cohérent à trois bientôt, sans trop de pression ni de contrainte technique. Le hippysme mélancolique nous va très bien !

 

 

Miren Funke

Photos : Carolyn C

 

Lien :  clic sur les transats, bien sûr..

Nous remercions Laurent pour sa disponibilité et sa gentillesse

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