Ça s’est passé il y a un peu plus de 100 ans, c’est devenu de l’histoire presque ancienne, comme ce qu’ on voyait dans les livres scolaires, des images en N&B de ces poilus à l’âge indéfini, qu’on imaginait plutôt vieux, comme les parents; et quand on les voyait dans les défilés, vieillards plus ou moins vaillants, comment imaginer qu’ils aient été jeunes ? Vraiment jeunes… Qu’ils étaient des garçons de 20 ans, et leurs femmes, veuves à 20 ans dans leurs robes noires, on ne pensait même pas qu’elles auraient pu être des jouvencelles insouciantes et coquettes, joyeuses et gourmandes de vivre et d’aimer…
Et leurs promis ou leurs béguins étaient aussi des jeunes gens que la guerre a plongés dans une horreur dont on a du mal à prendre la mesure 100 ans plus tard. Même 50 ans plus tard, les vieux de 75 ans aujourd’hui ne savaient de la guerre de 14-18 que les images d’Epinal, les héros légendaires, les sacrifices glorieux, dans un panorama un peu flou qui escamote la réalité du quotidien assassin.
Celà dit, ce spectacle n’a rien de mortifère, le fantôme qui intervient pour donner à une répétition de spectacle va nous raconter qu’il était un joyeux drille qui a passé une bonne partie de son temps de vie, et de guerre, à faire le gugusse chanteur, une sorte de marin tourlourou improvisé dont les chansons sont interprêtées avec un bel enthousiasme par le quatuor Doudou Swing. Et puis au fil du récit, avec les lettres d’un soldat, échangées avec des amis, avec son amie, (qui lui répond de la salle) le spectateur entre dans le spectacle, ce n’est plus le témoin voyeur, mais le témoin impliqué, c’est quelque chose qui nous ressemble, cette jeune femme soignée, c’est la voix d’Anaïs qui nous parle, elle est dans la salle, et le soldat raconte, les lettres deviennent une chronique des horreurs quotidiennes, un récit simple, les choses vues et vécues qu’on ne nous disait pas vraiment dans les livres d’histoire . Et c’était pour exorciser en partie les heures de la tragédie que Ange-Marie Grézil, fusilier marin, sur le cuirassé Jules Ferry a fait son cahier de chansons … Carnet de notes et dessins que le hasard a mis en relation avec un autre témoignage, les lettres d’un soldat, et ce sont ces Mémoires Croisées qui font ce spectacle particulièrement riche et émouvant. Je ne vous raconterai pas les détails et les surprises du hasard, c’est à découvrir, en scène ou sur album. Et ça marche à tous les âges… Le cocasse et le tragique s’entrelacent dans une danse alternée, Ange-Marie disparu à la fin de la guerre reste éternellement vivant avec son carnet de chansons, et ses pieds de nez à la mort.
En scène jusqu’à dimanche 14 Mai à l’Essaïon, à 19h30 pile.
En attendant que la tournée passe chez vous, il y a un album, on le trouve ici, clic sur l’affiche et vous y êtes.
Norbert Gabriel
Last but not least, à l’Essaïon il y a très bientôt Barrier père et fille, si on peut dire, voyez ci dessous.