Ne nous laissons pas abuser par le titre qui pourrait suggérer que ce spectacle est un best-off vaguement nostalgo-passéïste surfant sur les hits de ces années… C’est beaucoup plus que ça. Certes, c’est une période riche en tubes qu’on a tous plus ou moins en mémoire, et qui renvoient à des moments de vie, à des histoires personnelles, mais il y a plusieurs approches, ou lectures de ces chansons.
- Vous les avez « vues à la télé » et dans ce cas, la chanson peut être parasitée par l’image,
- Vous les avez entendues à la radio, et la chanson peut être (dés)orientée par la musique,
- Vous les avez découvertes en spectacle, et les deux critères précédents peuvent se cumuler pour qu’on entende mal ce que dit le texte… Deux exemples, Le p’tit train des Rita Mitsouko, on n’entre pas d’emblée dans le sous-texte. Comme avec Trenet et Je chante qu’on entonne avec enthousiasme et entrain, en oubliant que le poète vagabond se pend à la fin. Dans le spectacle de Mathieu Rosaz, une des chansons est emblématique de la première proposition, vue à la télé, il m’en était resté le look extravagant de la chanteuse, la musique, mais rien du contenu. Et dans son interprétation , Mathieu Rosaz fait découvrir un texte bien plus profond que ne le laissait percevoir la vision de la chanson.
On peut développer ces réflexions, à plusieurs niveaux, pour tout le spectacle de Mathieu Rosaz, c’est étonnant, avec aussi des découvertes pour des spectateurs dans mon genre qui écoutaient plus volontiers Hélène Martin, Anne Sylvestre, Pauline Julien, Francesca Solleville, Moustaki, Léonard Cohen, Brassens, Jacques Yvart, Herbert Pagani, Ferrat, Higelin, Guidoni, etc, que Sabine Paturel dont je connais quand même Les bêtises presque par cœur… Néanmoins, par les radios et les télés variétés, nombre de ces tubes se glissent dans la mémoire. Quand on les redécouvre avec le duo Rosaz-Glasko, c’est souvent la surprise, finalement, c’est pas mal du tout, et on se retrouve assez bien dans le texte que Mathieu Rosaz lit en préambule,
Eloge de la mauvaise musique
Détestez la mauvaise musique, ne la méprisez pas. Comme on la joue, la chante bien plus, bien plus passionnément que la bonne, bien plus qu’elle s’est peu à peu remplie du rêve et des larmes des hommes. Qu’elle vous soit par là vénérable. Sa place, nulle dans l’histoire de l’Art, est immense dans l’histoire sentimentale des sociétés. Le respect, je ne dis pas l’amour, de la mauvaise musique, n’est pas seulement une forme de ce qu’on pourrait appeler la charité du bon goût ou son scepticisme, c’est encore la conscience de l’importance du rôle social de la musique. Combien de mélodies, du nul prix aux yeux d’un artiste, sont au nombre des confidents élus par la foule des jeunes gens romanesques et des amoureuses. Que de « bagues d’or », de « Ah! Reste longtemps endormie », dont les feuillets sont tournés chaque soir en tremblant par des mains justement célèbres, trempés par les plus beaux yeux du monde de larmes dont le maître le plus pur envierait le mélancolique et voluptueux tribut – confidentes ingénieuses et inspirées qui ennoblissent le chagrin et exaltent le rêve, et en échange du secret ardent qu’on leur confie donnent l’enivrante illusion de la beauté. Le peuple, la bourgeoisie, l’armée, la noblesse, comme ils ont les mêmes facteurs porteurs du deuil qui les frappe ou du bonheur qui les comble, ont les mêmes invisibles messagers d’amour, les mêmes confesseurs bien-aimés. Ce sont les mauvais musiciens. Telle fâcheuse ritournelle que toute oreille bien née et bien élevée refuse à l’instant d’écouter, a reçu le trésor de milliers d’âmes, garde le secret de milliers de vies, dont elle fut l’inspiration vivante, la consolation toujours prête, toujours entrouverte sur le pupitre du piano, la grâce rêveuse et l’idéal. tels arpèges, telle « rentrée » ont fait résonner dans l’âme de plus d’un amoureux ou d’un rêveur les harmonies du paradis ou la voix même de la bien-aimée. Un cahier de mauvaises romances, usé pour avoir trop servi, doit nous toucher, comme un cimetière ou comme un village. Qu’importe que les maisons n’aient pas de style, que les tombes disparaissent sous les inscriptions et les ornements de mauvais goût. De cette poussière peut s’envoler, devant une imagination assez sympathique et respectueuse pour taire un moment ses dédains esthétiques, la nuée des âmes tenant au bec le rêve encore vert qui leur faisait pressentir l’autre monde, et jouir ou pleurer dans celui-ci. «
Marcel Proust, extrait de « Les plaisirs et les jours », Chapitre XIII
Il reste une date dimanche 26 à l’Essaïon, probablement « sold out » mais tentez votre chance quand même. Et suivez la piste de la route balladine de Mathieu Rosaz, c’est là —-> clic sur l’équipage,
Et pour quelques images de plus,
Norbert Gabriel
Lien vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=3wU42ZHGcFc
Ah le cahier de mauvaises romances, je connais ça ! le , les miens sont jaunis par le temps, il y a des photos, des chansons, de la poussière de grenier, mais c’était plutôt les sixties . Il y a même une photo de Johnny !
Pour le p’tit train, la radio ou le tourne-disque, c’est mieux que la télévision, on écoute mieux quand on voit moins, et quand on voit moins, on voit plus ce que dit la chanson :
« Le petit train
Dans la campagne
Et les enfants?
Les petit train
Dans la montagne
Les grands-parents
Petit train
Conduis-les aux flammes
à travers champs … »
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Jean-Yves Liévaux ALCAZ
Tu as raison , tiens cadeau:
et celui-ci : https://www.youtube.com/watch?v=V0GsaotaWmA
vive les années 80′ !!!
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