Mexico, Miami, Bogota, Santiago, Buenos-
Aires, Tel-Aviv, Venise, New-York, La Havane, le Québec… Ceci n’est pas un catalogue de destinations touristiques, juste quelques balises qui jalonnent les 1001 vies de Nilda Fernandez . Du désert glacé d’Achkhabad au Turkménistan, à l’été étouffant de Barcelone au mois d’Août, d’une base ultra-secrète de sous-marins en Russie, à un spectacle de cirque à Cuba, une tournée en France en roulotte, l’enfer au cœur de Bogota, on peut se retrouver du quartier latin à Paris, à Bastia, d’une page à l’autre, juste avant les raideurs granitiques du Cap Corse … Une barque, un marin, une fille, le décor est planté, et la journée se termine avec Gaïa, une nuit de nouvelle lune, où l’on peut voir dit-elle l’âme des nouveaux-nés qui viennent à notre monde .
Qu’importe le lieu où il atterrit, un abri de fortune, un appartement vétuste, ou un hôtel de luxe, dès qu’il y a des amis retrouvés, des musiciens et des lieux pour chanter, un verre de vin ou de vodka, et des filles pour embellir ses nuits du bout du monde, c’est la fête !
C’est un plaisir toujours renouvelé de suivre ce chanteur nomade, libre, sans frontières, mais il ne fait pas que passer, ce ne sont pas voyages pour faire une carrière internationale, mais pour une impérieuse envie de découvrir, prendre le temps de vivre, de comprendre, de connaître, il prend racines partout où il passe, restant parfois jusqu’à cinq ans , en Russie et dans les ex républiques soviétiques par exemple, où il est devenu une star, après son duo avec Boris Moiseev, rompant pour cela un contrat avec un label international !
Sans contraintes, il n’en fait qu’à sa tête, il n’en fait qu’à son cœur . Envie de prendre le large ? Le voilà parti, seul, vivant en ermite, pêchant sa nourriture, dormant à la belle étoile, pour atteindre Le Havre Saint-Pierre, longer La Baie des Sept îles … Au Québec. Toujours à la recherche de nouvelles aventures humaines, où il puise son inspiration .
En filigrane de ce télescopage de mondes où l’on fait de multiples rencontres, Nilda nous confie ses souvenirs d’enfance, de jeunesse, il nous dit qui il est et d’où il vient, avec pudeur, sincérité , bien loin des artifices de la vie d’artiste, il nous présente ses parents Emilia et José, Le mariage de nos parents, les photos en témoignent, était d’une grande tristesse, lugubre pour tout dire, puisque Emilia l’avait décidé contre l’avis de ses tuteurs et que ceux ci la punissait en n’y assistant pas au-delà de la cérémonie dans la petite chapelle protestante de l’avenue Paralelo .
On suit la famille au 109 de la rue Juegos-Florales, où la vie est dure, et le petit Daniel veut aider son père à l’atelier de sculpture où il travaille 12 heures par jour . Une fois couché, comme tous les enfants du monde, j’essaie de retenir ma mère par des questions sans importance où j’espère trouver la force de réclamer notre père pour un ultime baiser .
Ce père qui les quitte pour aller tenter sa chance à Lyon, et préparer la venue de la famille, puis les retrouvailles , l’installation à Villeurbanne, dans La Barraca, quatre murs et deux pièces sans eau courante, un WC en planches dans la cour , ces quatre murs ont cependant des allures de palais aux yeux d’Emilia et José, privés d’un toit à eux depuis toujours .
On retrouve Daniel à l’école, amoureux d’une maîtresse Blonde, toute blonde, comme dans les rêves… Pour elle, je pourrais me transformer en chevalier, avec la même adoration que m’inspire le visage de Véronique Lake …
Quelques chapitres plus loin , quand la Telefunken entre dans la maison, on assiste à un événement d’importance : Ce soir, notre père s’est mis en tête de suivre les adieux à la scène d’un chanteur français … Le dernier concert de monsieur Jacques Brel à l’Olympia . . . Pour dire l’accouchement, la langue espagnole parle de dar a luz « donner la lumière » . Et le passage auquel je viens d’assister me trouble comme un retour à ma propre naissance. J’en ai des frissons et j’émets le vœu secret de connaître ça un jour .
Il revient souvent à ce père obligé de mendier des hausses de salaire à un patron qui faisait la sourde oreille . Une humiliation qui le mettait de mauvaise humeur et provoquait des querelles avec sa femme qui n’arrivait pas à joindre les deux bouts . D’où un nouveau travail, un déménagement pour le Sud Ouest , suivi de nouvelles désillusions .
Nilda est très attaché à ses parents, qui ont fui l’Espagne de Franco, ont travaillé dur, sont restés solidaires dans toutes les épreuves, unis pour élever leurs enfants de leur mieux . Quand il s’en va avec sa sœur pour une année de vagabondag , il écrit tous les jours à sa mère malade, convaincu que ses lettres la maintiendraient en vie .
Et le chapitre Glacé est sans doute le plus poignant de ces contes, quand Nilda reste auprès de son père mourant, jusqu’à la fin, l’entourant de mille soins dérisoires : Chers enfants de moi, chers enfants de mes deux sœurs et de mon frère . Depuis quelques heures s’est arrêté de battre le cœur d’un homme juste qui ne laisse pour héritage aucun bien matériel, aucune maison, aucun magot enfermé dans le coffre d’aucune banque. Le seul trésor qu’il nous lègue, je l’ai murmuré à son oreille en lui rappelant mes huit ans, lorsque, tenu en éveil par des angoisses, j’allais frapper à la porte de sa chambre et qu’il se réveillait sans se plaindre, après dix heures d’établi, pour me conduire vers la cuisine, m’asseoir sur ses genoux et me consoler .
J’ai lu ce livre d’un trait, passionnément, car aussi vrai que Nilda Fernandez est chanteur, Nilda Fernandez est écrivain, et on en redemande ! Mais Non finito : Rien n’est plus vivant qu’un souvenir dit Federico Garcia Lorca … J’ai écrit ce livre et j’en écrirai d’autres …
A suivre donc .
PS : En conclusion, cette phrase , qui résume bien Nilda Fernandez, à travers ses contes des 1001 vies , en réponse à
« JustMusic.fr : Quelles sont les choses dont tu es le plus fier dans ton parcours ?
Nilda Fernández : Je crois que c’est d’avoir suivi mon intuition, qui n’a pas été de faire une carrière construite mais d’avoir la connaissance des choses. Je me suis beaucoup posé la question de savoir ce qu’était de vivre. Je crois l’avoir résolu il y a déjà quelques temps, et vivre c’est connaître. Se connaître et connaître l’autre, l’être humain. »
Danièle Sala
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