Il pleut des chansons .

15 Déc

fred-couv-livre-la-memoireEst-il besoin de présenter Fred Hidalgo sur ce blog collectif ? Tous les amoureux de chansons doivent le connaître, un échanson qui ne sert pas à boire aux princes de ce monde, mais qui a servi la chanson durant toute sa vie, en humble serviteur, les coulisses, les histoires, les rencontres, les coups de cœur et les coups de gueule, tout est dans cette mémoire qui chante . Fils de réfugiés espagnols, journaliste, éditeur, écrivain, créateur de Paroles et musique , en 1980, avec sa « chère et tendre », comme il aime à le dire, Mauricette, qui l’accompagné efficacement dans toutes ses aventures musicales , puis Chorus, en septembre 1992, qui était le lien « entre toutes les parties composantes de la chanson, référence absolue » , et qui disparaît à son tour, suite au dépôt de bilan du nouvel éditeur, en 2009 .

Et sans jamais baisser les bras, Fred Hidalgo ouvre un blog toujours actif à ce jour, Si ça vous chante.  Nous avons dans ce journal d’un échanson  Une sorte d’histoire de la chanson, de 1950 à nos jours, mais vue de l’intérieur, sous forme de témoignage personnel . On y trouve des histoires d’amitié avec les plus grands, Brel, Brassens, Ferré, Nougaro, Vigneault, Leclerc, Béart, Anne Sylvestre, Leprest, Ferrat, Pierre Perret, Vasca, Bertin, etc , mais aussi avec Frédéric Dard, Cabu, Jean-Pierre Leloir et bien d’autres, ayant toujours un lien avec la chanson, comme son oncle, Antonio Garcia Lamolla, qui peignait devant le petit Fred émerveillé, un tableau prémonitoire : « Il pleut des chansons . » .

fred-hidalgo-et-mauricetteParmi tous ces grands noms de la chanson, et parmi ceux qui sont moins connus, on note une tendresse particulière et légitime pour ceux qui ont une mémoire commune avec l’auteur, Paco Ibáñez, Leny Escudero, Etienne Roda-Gil, Cali, à qui il dit : Tu es de ma famille , ou Olivia Ruiz, Nilda Fernandez, Jordi Barre , « la voix du pays catalan ». Fidèle à ses amis, collaborateurs, à tous ceux qui se sont engagés auprès de lui, auteurs de livres sur la chanson, comme Marc Robine, cité aussi en tant que chanteur, ou Michel Trihoreau, Jean- Michel Boris, et bien d’autres, il n’oublie pas la relève des plus jeunes, se montrant parfois pessimiste pour leur avenir, parmi tous ceux cités , aux côtés de Souchon et Voulzy, il y a Agnès Bihl, Fred Bobin, Laurent Berger, Joyet, Miravette, Louis Ville, « le rauque and rolleur », Rémo Gary, et une foule d’autres .

Quel sera l’avenir de ces jeunes, avec le franglais qui sévit de plus en plus sur les ondes,  L’épidémie ne cesse de s’étendre, et il cite Nougaro :  Moi, ma langue, c’est ma vie, et ma langue, c’est la française. Quand on dit qu’elle manque de batterie, c’est des mensonges, des foutaises .  (Vive l’alexandrin, 1989) .

Le mépris des médias pour la chanson francophone, la grève du rêve, l’étouffement de la culture qui profite aux barbares :  L’homme sans culture est comme une bête sauvage, prête à tout pour simplement survivre, à faire table rase du passé pour imposer son propre mode de vie bestial au reste du monde , l’homme cultivé vit ( généralement), en paix et en harmonie avec ses semblables, dans la beauté et le bonheur de vivre si joliment illustré par Matisse .

fred-et-foulquierCoup de gueule salutaire aussi contre la disparition progressive de toutes les meilleures émissions autour de la chanson, Vagabondages, avec Roger Gicquel, Bienvenue chez Guy Béart, Discorama avec Denise Glaser, et sur France Inter, qui fut jadis une radio de référence, avec Foulquier : Foulquier, jeté de France Inter, purement et simplement : Tu vois, Jean-Louis, je vais pas t’oublier . » , puis Isabelle Dhordain et le Pont des artistes, Levaillant, jusqu’à Philippe Meyer, récemment .

Malgré tous ces coups durs portés à la chanson, malgré les deuils, certains vécus durant la rédaction de ce livre, comme ceux de Guy Béart, Leprest, Luc Roman, Hervé Cristiani,  Leny Escudero :  Salut et merci pour tout, Leny. Et hasta siempre, frangin !   « Tous ces amis disparus depuis le printemps dernier, ( août 2011) : Jean-Claude Darnal, Ricet-Barrier, Claude Léveillée… Juqu’au camarade Allain Leprest qui a décidé lui-même du jour de son départ, ce 15 août d’assomption, quelques semaines après avoir été programmé, en Auvergne, aux…Rencontres Marc Robine . » Mais  on a pas fini d’entendre parler de toi et de tes chansons, on a pas fini d’entendre parler du « plus connu des chanteurs inconnus , selon ta propre expression. » . Et l’évocation du dernier concert de Georges Moustaki, au Palau de la Musica de Barcelone, en janvier 2009, il était déjà très faible, et fit un grand effort pour chanter trois chansons :  Le 3 mai, Milord Moustaki fêtait ses soixante-dix-neuf ans. Le 23, Edith, Tonton Georges, Barbara et Serge, entre autres, l’accueillaient au paradis des musiciens, pour y faire valoir enfin son droit à la paresse. Et personne, cette fois, pour nous en faire le compte-rendu . Je vous avais prévenu, tout reste à dire.

Malgré tous ces départs, Fred Hidalgo nous incite toujours à l’utopie :  L’utopie, c’est ce qu’il reste à réaliser et ce sont les artistes, les poètes, les musiciens, les peintres, qui changent le monde.  On peut aussi partager, tout au long de ce livre, de fabuleuses rencontres autour de la chanson, dans tout l’espace francophone, de l’Afrique au Québec. Fred Hidalgo parle aussi passionnément de son aventure africaine, Tadjoura, où La nature est grandiose, austère, mystérieuse », Djibouti.

Ballade de la mer rouge  où ont bourlingué Rimbaud, Henri de Monfreid, Kessel, Hugo Pratt, etc, que de Petite Vallée, un minuscule village de Gaspésie, et au bout du bout, une maison qui aime les chansons : C’est un petit coin perdu de Gaspésie où le folklore et la chanson ont toujours été essentiels à la vie quotidienne, où les soirées familiales sont depuis des générations égayées par des danses et les chants traditionnels . Un village ( d’irréductibles?) où l’on invite à la fois les plus jeunes à redécouvrir le patrimoine, et l’ensemble des habitants et des gens de passage, artistes ou spectateurs, à faire du festival en chanson de Petite vallée un havre de création, berceau d’avenir.

Ou encore sa participation aux Nuits de Champagne, en compagnie de Souchon et Voulzy, nuits prolongées dans l’intimité des chanteurs, où l’on apprend l’émerveillement de Laurent Voulzy devant « la bible de Saint-Bernard, réalisée entre 1145 et 1150 , par le scriptorium de l’abbaye de Clairvaux . Bible qui a joué un rôle déterminant dans la carrière de Voulzy .

Il y a ainsi plus de 600 pages de témoignages autour de la chanson, et c’est un bonheur renouvelé, de retrouver au fil des pages les noms de ceux que l’on connaît, qui sont sur le dessus de la pile, dans la discothèque, ceux que l’on a pu voir en concert, ceux que l’on espère voir encore, même si au bout du compte, on aurait aimé voir entrer dans cette grande ronde quelques absents, comme Christophe Trégret , chanteur du quatuor Malaquet, qui a fait revivre remarquablement 12 chansons de Leny Escudero, dont « Voyage », en duo avec Christine Escudero, Christophe Trégret a permis ainsi de faire renaître et faire connaître aux nouvelles générations le répertoire de Leny Escudero, qui, lui-même, ne pouvait plus chanter , et Leny a pu écouter la maquette de l’album avant de nous quitter . Je pense aussi à Serge Utgé-Royo, lui aussi fils d’exilés républicains de la guerre d’Espagne :

 Je pense à vous vieux compagnons

dont la jeunesse est à la douane

et pardonnez si ma chanson

vous refait mal à votre Espagne

Mais j’ai besoin de vous apprendre

j’ai envie de vous ressembler

Je gueulerai pour qu’on entende

ce que vous m’avez enseigné .

Mais n’oublions pas que ce livre est un témoignage personnel, une mémoire qui n’appartient qu’à son auteur . Et c’est un livre qui restera à jamais ouvert , je pense que comme moi, beaucoup de lecteurs auront souvent envie de revenir dans cette grande maison d’amour de la chanson .

Pour finir, il faut souligner le pied-de-nez fait aux éditeurs qui ont refusé de publier ce livre , livre qui a vu le jour grâce aux souscripteurs qui ont fait sauter le compteur du financement participatif !  A tous et à toutes, ma profonde reconnaissance .  Fred Hidalgo .

PS :  » J’adore les chanteuses » Enfin, les deux lignes, sur 661, c’est peu, mais qui m’ont fait râler: C’est ce qui est beau chez les femmes qui chantent, c’est leur fragilité, comme Véronique Sanson, elles semblent timides et démunies dans la vie, et puis sur scène, pan ! Ce sont des mecs ! Avec la grâce féminine bien sûr. Pareil pour Camille … J’adore les chanteuses . Pardon Fred, mais ce ne sont pas des mecs, ce sont des femmes qui chantent, ni plus ni moins fragiles et démunies que des mecs !

Danièle Sala

Et pour quelques infos de plus , faites tourner l’aile du moulin, ou cliquez sur Rossinante….

fred-moulin

 

4 Réponses to “Il pleut des chansons .”

  1. leblogdudoigtdansloeil décembre 15, 2016 à 23 h 55 min #

    On pourrait ajouter, en ce qui concerne les deux lignes « à râler » que  » C’est ce qui est beau chez les hommes qui chantent, c’est leur fragilité, comme William Sheller, Souchon, et quelques autres.. » mais c’est un autre débat.
    Norbert Gabriel

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    • Fred Hidalgo décembre 16, 2016 à 10 h 21 min #

      Grand MERCI à Danièle Sala pour ce superbe article ainsi qu’à Norbert Gabriel qui a aimablement choisi de l’héberger ici.
      Avec juste cette précision, chère Danièle (cf. votre PS) et cher Norbert (voir votre commentaire ci-dessus), à propos de ce passage qui vous a fait « râler », rien que pour rendre à César ce qui lui appartient : ces lignes que vous citez sur la force des « femmes qui chantent » (« J’adore les chanteuses… », p. 589) et que vous m’attribuez sont en réalité des propos d’Alain Souchon (recueillis chez lui par votre serviteur d’échanson très précisément le 10 mai 2007). Merci encore pour tous ces sentiments et impressions partagés.

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      • Danièle Sala décembre 16, 2016 à 12 h 37 min #

        Merci de votre attention, Fred , et pan sur les doigts d’Alain Souchon !

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    • Danièle Sala décembre 16, 2016 à 12 h 35 min #

      Voilà ! il y a des hommes , comme des femmes, fragiles et démunis dans la vie, et ce sont souvent les artistes que l’on aime, qui, en général sont plus sensibles que le commun des mortels, parce que plus attachés à la vraie beauté , et à la réalité du monde . Chez nous, on dit, et Claude Dominique le répétait souvent sur France Inter :  » Ni hommes, ni femmes, tous auvergnats ! « 

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