
Le 8 octobre dernier, l’artiste lot-et-garonnais Sylvain Reverte, accompagné de son claviériste et complice Christophe Briz, ouvrait la soirée du festival « Courant d’Airs », organisée par l’association Bordeaux Chanson au théâtre l’Inox, avec quelques titres de son précédent album, et surtout des morceaux inédits, dont l’enregistrement se profile à grand pas (sortie d’album prévue courant 2017). Après avoir agité les scènes durant plusieurs années avec ses deux groupes successifs, Le Manège Grimaçant (album « 1er Des Tours » en 2006) et Duo Grim (album « Dans le vide » en 2009), et joué dans le conte musical « L’enfant-Porte » dont il a participé à la création avec Francis Cabrel, sous la direction de Michel Françoise, le chanteur et auteur-compositeur amorçait en 2015 une carrière solo, avec un premier album « Un homme dans l’ombre ». Le titre, tiré de la chanson du même nom, s’imposait aussi comme un clin d’œil au fait que, pour la première fois, le parolier s’essayait à l’exercice d’une mise en retrait pour laisser la plume à une équipe d’auteurs (Marc Estève, Gilles Guerif, Emmanuelle Cosso Merad, Gauthier Lacherest) convoquée pour partager l’écriture des textes. Pour fruit de cette collaboration, neuf chansons d’un pop-rock mélodieux, sachant éviter la surcharge orchestrale pour viser la cohérence juste, et acheminer avec élégance les mots et les histoires qu’ils racontent, que l’on saisit parfois partiellement, s’approprie, puis laisse repartir vers d’autres compréhensions émotionnelles, comme ces nuages au ciel dans lesquels on croit reconnaitre un spectre, une silhouette, un visage, puis qui se déforment pour reformer d’autres figures. Mais l’écriture collaborative peut s’avérer être une expérience fructueuse et profitable tout autant qu’une source de frustration, lorsqu’on a des choses à dire, à écrire, par soi même. C’est donc par une reprise en main de la plume que Sylvain Reverte envisage la suite quasi imminente, avec des nouvelles compositions. Une petite heure avant les balances de son concert, l’artiste acceptait de nous recevoir.
– Sylvain, bonjour et merci de nous accorder du temps. Les chanteurs qui, après avoir vécu une vie de groupe, se lancent sur une route solitaire sont souvent motivés par besoin d’exprimer une vision plus personnelle. Or c’est par un album réalisé en collaboration avec divers auteurs, « Un homme dans l’ombre » que tu as choisi d’amorcer ton parcours en solo. Pourquoi ?
– En fait il n’y a que deux textes qui ne sont pas de moi. Tous les autres résultent de co-écriture. Mais c’est vrai ce que j’ai voulu faire sur cet album consistait à demander aux gens de travailler pour moi. J’étais en plein doute, après deux expériences en groupe, quant au fait que je sache faire des chansons et à la question de savoir si ça valait le coup de faire de la musique en mon nom seul. Je pensais que peut-être mes deux expériences avaient fonctionné, parce qu’il y avait des gens autour de moi, un groupe, et que seul, je ne saurais pas faire. Donc l’idée était d’aller chercher des gens qui savent faire et de travailler avec eux pour comprendre pourquoi et comment ça peut fonctionner. Déjà j’ai pu voir l’approche qu’ils avaient, et j’ai été très flatté qu’ils souhaitent travailler pour moi et se mettre non pas à mon service, mais au service d’une chanson. Car ce qui a fait le lien avec tous ces gens qui ont collaboré avec moi, c’est qu’avant tout, on se mettait au service d’une chanson. Cette vision que des gens ont du métier est très importante : il ne s’agit pas de travailler sur un individu, mais sur une chanson. En plus ces gens là sont des amis, ce qui arrangeait les choses en termes de complicité. C’est d’ailleurs de là que vient le titre de l’album « Un homme dans l’ombre » : je l’ai appelé ainsi car je me suis mis à l’ombre de moi-même en demandant aux gens de travailler sur ce projet pour qu’ils puissent mettre leurs talents au service des chansons que j’allais défendre sur scène.
– Cela a-t-il été expérience heureuse pour toi ?
– Avec du recul, je n’ai pas du tout assumé cela. Je m’étais mis dans un rôle d’interprète, ce qui n’était pas du tout ce que j’avais l’habitude de faire jusque là. J’assumais pleinement mes propres chansons auparavant, parce que même si elles étaient parfois tordues, avec des maladresses d’écriture, c’était moi. Aujourd’hui je reviens là-dessus, en me disant que ce projet est fait, que je suis toujours en vie artistiquement, même si je suis un peu sonné, car je n’ai pas voulu défendre ce projet particulièrement et je ne me suis pas vraiment battu pour qu’il y ait un éclairage sur cet album. En fait j’ai été très vite dépassé par le fait que des gens s’occupent de moi ; je me suis un peu perdu. Ce n’était plus mes mots, ni mes chansons, mais ceux des autres. Pour revenir sur l’historique, suite au conte musical «L’Enfant-Porte » sur lequel j’ai travaillé avec Francis Cabrel, j’ai embrayé sur mon projet personnel, et comme j’étais un peu perdu, j’ai demandé aux copains de me donner un coup de main. Emmanuelle Cosso Merad, Gilles Guerif et Marc Estève, ainsi que Michel Françoise on répondu présents. Et on a fait cet album, qui est pour moi un point de démarrage. Donc il est important pour moi, et j’ai beaucoup d’affection pour cette aventure collective. Mais il est vrai que je ne me suis pas senti de le défendre plus que ça. C’est plus facile de partager la composition que l’écriture. Mes prochaines chansons sont donc en cours de création, et même si ce n’est pas parfait, et parfois même un peu bancal, ce sont mes chansons et elles seront assumées. Si on me dit qu’elles ne plaisent pas, je ne vais pas me cacher derrière le fait que je ne me suis pas assez imposé : je les aurais faites par moi-même et tout seul.
– Mais interpréter les chansons des autres n’aide-t-il pas à savoir prendre un certain recul ou un regard différent pour interpréter autrement ses propres chansons ?
– Il y a d’abord un effort de mémorisation à faire lorsqu’il s’agit des textes d’autrui, puis un travail pour coller des émotions sur les mots et les phrases, travail que je n’ai pas besoin de faire pour chanter mes chansons. Quand j’écris, c’est l’émotion qui me pousse à écrire les mots ; elle revient donc naturellement quand je chante, parce que je suis en phase avec moi même. En l’occurrence pour cet album, il a fallu que je m’invente des situations pour essayer de comprendre l’émotion à trouver. C’était presque un jeu d’acteur. Du coup, cela ne m’a pas vraiment servi à changer mon interprétation personnelle. Je préfère jouer avec mes propres émotions, parce que je suis comédien de nature. Depuis que je suis né, on m’a toujours dit que j’étais un enfant comédien ; je pense donc qu’il y a une part de vérité là dedans. Et le fait de raconter mes propres histoires ou ma propre vision d’une certaine réalité est plutôt inné chez moi. En revanche ce que m’a appris le travail d’interprète, c’est à moins sur-jouer les choses, à les lisser, et faire un peu moins de la chanson « néo-réaliste » avec du pathos, à comprendre en fait que le poids des mots est parfois suffisant, sans qu’on ait besoin d’en rajouter. Mais c’est moins l’album en lui-même qui m’a apporté, que les rencontres avec les gens et le travail sur les chansons.
– La difficulté de co-écrire n’induit-elle pas aussi une frustration peut-être plus intense, lorsque l’écriture aborde plus volontiers des sujets intimistes, comme le fait la tienne ?
– Exactement. S’il s’agit de poser un regard sur la société, ça peut se faire collectivement. Mais quand on commence à parler d’histoires intimes, d’amour, c’est plus personnel. C’est marrant, parce que pour l’album, on m’a dit de certaines chansons qu’elles m’allaient bien. Mais personnellement, je ne les aurais pas écrites, pas comme ça, parce que ce n’est pas du tout ce que je ressens, ni ce que je vis. Du coup j’ai pris cet album vraiment comme un interprète. Il a eu le mérite de m’apprendre ce rôle là et l’expérience de mettre mon ego en retrait. Au départ par exemple, je proposais un couplet. Et une fois que c’était écrit, j’avais bien des idées pour le reste de la chanson, mais il fallait que je laisse la plume à l’autre. Pour le coup cela m’a forcé à faire un travail sur mon ego et à apprendre à gérer la frustration, et accepter qu’on ne soit pas seul à détenir la vérité et qu’il n’y a pas qu’une vérité. J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec Emmanuelle Cosso Merad, qui est une fille, car partager une histoire d’écriture avec une fille est une aventure particulière. Bien sur je pense que chaque individu a un regard singulier ; mais l’approche féminine qu’elle a pu avoir dans le choix des mots, des images, pour une histoire d’amour par exemple est vraiment différente. La chanson « Déjeuner avec vous » parle d’un homme qui souhaite inviter une jeune de 20-25 ans à passer un moment. Je ne voyais pas comment je pouvais me mettre dans la peau du personnage, comme si je ne réalisais pas que j’approche aussi la quarantaine, et ce texte m’a renvoyé à une certaine réalité. C’était donc très intéressant de laisser faire l’auteure.
– En tant que compositeur, comment as-tu vécu l’exercice de mettre en musique les mots des autres ?
– J’interviens dans les écoles pour y diriger des ateliers de chanson, et j’utilise souvent cette parabole de dire que le compositeur est un couturier, l’auteur un mannequin, et que l’idée est que l’habit doit mettre en valeur le corps : il faut que la musique habille le texte. Pour ma part, je couds en même temps. Pour en revenir à sa chanson, je trouvais intéressant d’habiller son texte, le corps qu’elle me présentait et redessinait pour moi. Donc j’ai laissé les autres travailler ; je me suis reposé sur des gens, car j’avais complètement perdu confiance en moi. Mais ce jeu là m’a un peu perdu. Auparavant j’avais fait des chansons sans vouloir forcément que ça marche, sans même avoir l’idée que ça pouvait marcher. Mais dès que ça a commencé à marcher, je me suis mis une pression qui n’avait pas lieu d’être. Et aujourd’hui j’ai retrouvé l’essence de la raison pour laquelle j’écris des chansons. Je ne pars plus du tout avec l’idée que les chansons doivent plaire absolument. Je veux qu’elles me plaisent et touchent mon entourage proche. J’écris une chanson pour ma mère, pour ma compagne, pour mes amis. Pas parce qu’il faut que ça rentre dans un projet commercial ou que ça touche tel ou tel public. Je ne peux pas fonctionner comme ça. J’avais commencé à prendre ce chemin avec cette idée de réunir une équipe autour de moi pour créer un projet avec des chansons qui pourront rester dans le temps, être écoutées par n’importe quel public et ne pas être démodées, par stratégie en somme, et je me suis perdu dans les convictions des autres et laissé entrainer. Tout le monde croyait à ce projet, et c’était bien ; ça a été en quelque sorte une expérience nécessaire pour me renforcer dans mes convictions personnelles. Mais je n’y crois plus et c’est pour cela que je passe à autre chose. J’ai le sentiment d’avoir laissé ma planche de dessin et mon pot de feutres aux copains pour qu’on colorie ensemble. Mais au bout du compte plus rien ne m’appartenait. Du coup, quand je regarde le dessin maintenant –et y en a qui le trouvent très beau-, je n’ai pas envie d’aller le montrer partout. Bien sur c’est problématique, parce que des gens comme Michel Françoise et Gilles Guerif qui se sont impliqués et ont donné de leur temps pour que j’arrive à finaliser ce projet. C’était un peu un accouchement dans la douleur, et je reconnais cet enfant, mais il n’est pas que de moi !
– Revenons sur tes interventions pédagogiques auprès des jeunes publics. Qu’est-ce que cela t’apporte ?
– Il m’arrive effectivement souvent d’intervenir en école élémentaires, dans des collèges et des universités. Je fais cela depuis 2009. C’est d’ailleurs à l’occasion d’une intervention à Parentis que j’ai rencontré Christophe [NDLR Christophe Briz, claviériste], qui était le professeur de musique de la classe. Pour moi, c’est très important de revenir au collège, parce que j’étais très fâché avec l’éducation nationale dans ma jeunesse : mon parcours scolaire s’est arrêté très tôt, à 16 ans. Donc le fait de revenir à l’école à 35 ans m’a réconcilié avec l’enseignement. Quand on débarque en milieu scolaire, on sait qu’on va changer la vie des collégiens pendant une semaine et bouleverser le système mis en place par l’enseignant, avec son consentement. Parallèlement j’exerce mon métier d’animateur de quartier et je dirige un service pour l’enfance et la jeunesse pour une ville de 10000 habitants, Le Passage d’Agen. Je suis très sensible à tout ce qui relève de l’éducation populaire. J’ai mis en place des festivals avec la jeunesse, et nous travaillons sur les questions de citoyenneté, de prévention de la délinquance et des incivilités entre autres, en proposant des animations et des rencontres. C’est un rôle qui m’a toujours tenu à cœur, d’arriver à un moment donné dans un milieu social et de bouleverser les éléments, parce qu’on commence à manipuler, animer et organiser les choses pour une amélioration. Et c’est exactement ce qui se passe aussi lors de ces interventions en école : bien sur on va aider le jeune à écrire une chanson, lui donner deux ou trois conseils, mais l’essence de l’intervention n’est pas là, mais dans le fait de l’amener à se questionner sur ce dont il a envie de parler. Cela peut être le regard des autres, la différence, l’intolérance, les problèmes rencontrés au quotidien ou encore le bonheur d’être amoureux. La chanson est alors un vecteur qui peut conduire le jeune à se mettre face à sa propre réalité. En général les enseignants ne s’attendent pas à cette démarche, car ils pensent que nous venons simplement pour apprendre à écrire une chanson ; et on voit, tout au long d’une semaine par exemple, des gamins qui n’ouvrent jamais la bouche, ne prennent jamais position, parvenir à exprimer des choses qu’ils ont à raconter, et qui sont souvent des choses un peu lourdes, parce qu’on les a bousculés et poussés dans leurs retranchements. On peut se le permettre, car il n’y a pas entre les élèves et l’intervenant de lien de subordination ou de hiérarchie, comme avec l’enseignant. Au final on se rend compte qu’on ouvre des portes, et que chacun ouvre sa petite porte personnelle. Et cela créer une dynamique, qui, si elle s’enclenche assez tôt dans l’année, peut être exploitée par l’enseignant pour créer et tisser des liens entre les élèves et aussi avec lui-même. Je pars du principe que quoi qu’il arrive la chanson est existante dans leurs gènes ; tous les gosses écoutent de la chanson.
– « La chanson ». Mais quelle « chanson » ?
– Il y a un premier jeu auquel j’aime jouer, lors des présentations, c’est de demander aux gosses quel artiste représente pour eux la Chanson Française. J’arrive à chaque fois à avoir une trentaine de noms improbables, au sens où on ne s’attend pas à ce que des enfants de cet âge connaissent Brassens, Perret, Brel, Cabrel ou Nana Mouskouri. Quand des noms d’artistes de R’n’B sortent, je leur parle de représentation, de celui ou celle qui représente la chanson de façon patrimoniale, et à ce moment là, ce sont des noms d’artistes écoutés par leurs parents, grands-parents ou autres qui arrivent, preuve qu’ils les connaissent et que la chanson circule entre les générations d’une famille. Le constat est là : les jeunes connaissent au moins 50% du patrimoine de la Chanson Française, soit par transmission, soit parce qu’ils ont écouté une reprise de chanson par un artiste plus moderne. Pour moi une chanson est une balise temporelle : les gens y associent une émotion quelque part dans le temps qu’ils vont aller retrouver en la réécoutant. Et quand une chanson fait le tour du monde, tu peux considérer que c’est des millions de balises qui sont disposées. Et puis c’est souvent une référence culturelle : quand tu demandes à des Américains s’ils connaissent la France, ils sont capables de citer Édith Piaf, même si c’est la seule chose qu’ils connaissent de notre culture.
– Et toi, comment es-tu venu à la musique ?
– A la naissance ! Mon père écoutait beaucoup de musique. Très tôt j’ai souffert d’angoisses nocturnes et le pédiatre à conseillé à ma mère de m’endormir avec de la musique. On m’a donc acheté un mange-disque et j’ai commencé à écouter en boucle des 45 tours, puis des 33 tours sur platine. Je jouais à écouter de la musique durant des heures. Mais apprendre un instrument ne me disait rien, jusqu’au jour où, à mes 16 ans –j’étais alors aide animateur- j’ai vu un animateur sortir une guitare pour jouer et j’ai trouvé ce moment tellement magique, à le voir centrer les gens autour de lui et les faire communier et prendre du plaisir juste avec quelques accords. C’était Fred Batista, le chanteur du groupe Le Baron de Gouttière. Il m’a appris quelques accords et à jouer des chansons, comme « Le lion est mort ce soir »… L’idée, c’était d’animer des feux de camps, et pour moi, l’approche n’a pas changé : il s’agit de faire vivre une communion, dans le sens philosophique du terme. Plus tard j’ai monté un groupe, Le Manège Grimaçant, et nous avons rapidement été programmés pour jouer dans des bars à Agen, et puis le public grossissait et les bars devenaient trop petits. Ensuite, ça a été les festivals, et des gens sont allés parler à Francis Cabrel, en lui disant qu’il fallait faire quelque chose pour les « petits jeunes ». Il nous a permis de rencontrer son arrangeur Michel Françoise, qui nous a fait enregistrer quelques titres, et tous les deux ont décidé de nous produire. Quand le groupe s’est arrêté, on a continué en duo, sous le nom de Duo Grim, et Francis a continué d’être derrière nous avec le label et Michel Françoise pour réaliser un second disque. J’ai ensuite écrit avec Francis et une dizaine de collègues dans le cadre des Rencontres de Voix du Sud pour le conte musical « L’enfant porte », de
Yannick Jaulin. Puisque j’étais intervenant à Voix du Sud, mais également stagiaire pour les Rencontres d’Astaffort, j’ai participé à des rencontres avec de jeunes publics ; ayant un parcours dans l’animation, je ne pouvais pas passer à côté d’une telle occasion. On avait présenté un premier jet, qui a plu à Francis, lequel nous a proposé de revoir tout le projet pour aller plus loin. J’ai donc eu la chance de passer plusieurs heures avec lui à échanger, écrire et comprendre comment il fonctionne. C’est-à-dire qu’il écrivait, nous soumettait son travail, et s’il arrivait que je doute d’un mot, car le vocabulaire était trop soutenu, il revenait dessus, car pour lui ce qui n’est pas universel n’est pas bon : il faut que ce soit efficace et d’une simplicité absolu pour que le message passe le plus facilement possible. Il réalise un travail d’une grande intelligence là-dessus. Pour moi Francis Cabrel et Hubert-Félix Thiéfaine sont les deux pôles dans la chanson : ce sont deux intelligences d’écriture, l’une qui cible rapidement, l’autre qui passe par plein de chemins au point que tu ne sais plus où elle t’amène et que tu dois décoder. J’adore cela. Il y a quelque chose qui relève de la poésie psychanalytique. Par contre, si tu mets dix personnes autour d’une chanson de Thiéfaine, tu auras probablement dix compréhensions émotionnelles différentes, alors que la poésie de Cabrel est plus limpide.
– Parlons du futur presque immédiat : tu repars donc sur des rails personnels en te réappropriant l’écriture, et quelques chansons du prochain disque seront jouées ce soir. Peux-tu en parler ?
– L’album s’appellera certainement « Soleil rouge », du nom de la chanson déjà maquettée. On vient d’écrire deux chansons, et j’en suis très content. Avant j’étais content car les chansons existaient ; maintenant ça va au-delà : je suis content parce que quelque chose est sorti qui émane d’une volonté. C’est comme si j’avais retenu tellement de choses qui devaient sortir depuis un certain temps et que ça sort enfin ; ça répond à un besoin presque primaire, viscéral. Et puis la réaction des gens autour de moi est bonne, alors je me sens bien. Alors c’est un peu bateau de parler de l’album « de la maturité ». Mais je pense sincèrement que ce qui s’amène vers moi est quelque chose dans lequel je vais me retrouver comme je ne me suis jamais retrouvé de toute ma vie. On avait amorcé le travail à quatre, dans le studio de Julien Lebar, [NDLR pianiste de Cali], à Perpignan où nous avons enregistré 5 morceaux, dont nous ne garderons que 3. Et nous allons continuer à deux, moi et Christophe, car j’ai envie de travailler épuré et d’aller à l’essentiel, sans me cacher derrière des arrangements et du traitement sonore sur des instruments additionnels. Je veux mettre en avant mon écriture, présenter mon corps tel qu’il est, avec ses défauts, mais mien. On va partir en résidence une semaine à Voix du Sud pour travailler sur les chansons à aboutir, et Jean Fauque nous fera l’honneur de venir porter son regard.
Je pense que je vais écouter attentivement ses conseils, même si je ne prendrais pas forcément la direction indiquée. Et s’il donne une direction que je comprends et avec laquelle je suis en phase, je la suivrais. Ce soir nous allons jouer une chanson qu’on a finie et une autre qui est en chantier. Et puis nous en attaquerons certainement d’autres pendant la résidence qui vient. Futur album ou EP ? A voir. Tout dépend de ce qui sera produit pendant la semaine ; nous allons travailler déjà 6 ou 7 morceaux, car j’aimerais intégrer une reprise. Mais je considère que Christophe a aussi son avis à donner ; il prend du galon ! Ça fait presque 3 ans que nous jouons
ensemble, et j’ai besoin de cet équilibre, de ne pas me retrouver seul. On part sur un projet de défendre le prochain album à deux. Donc on va aller à l’essentiel. C’est un travail que j’ai déjà fait, donc je sais ce que ça nécessite comme approche. Mais pour repartir dans ce genre d’aventure collective, il fallait vraiment que je sois sûr de la personne avec qui je joue.
– Est-ce à dire que ce projet en solo prend la tournure d’un duo et que la création collective te convient finalement mieux ?
– Je ne supporte pas d’être tout seul ; pour moi il n’y a aucune utilité à faire de la musique, si c’est pour la faire seul. Je n’en tire aucun plaisir. Si j’écris, c’est pour essayer de faire vivre quelque
chose dans le cercle amical, pour qu’on puisse la ressentir ensemble et s’amuser à jouer. La construction collective me motive.

Sylvain Reverte partagera la scène avec Romain Humeau le 11 février à L’Adem Florida d’Agen [https://www.facebook.com/ademflorida?pnref=story]
Plus de dates sur son site ici : http://www.sylvainreverte.com/concert
Nous remercions chaleureusement Véro de Ariane Production d’avoir rendu cet entretien possible.
Photos : Dave Brook (1 ; 4 ; 5 ; 8 et 14), Patrick Batard (8 ; 9 ; 10 ; 11 et 13), Miren Funke (2 ; 4 ; 6 ; 7 et 12)
Miren Funke
Liens : http://www.sylvainreverte.com/
https://www.facebook.com/revertesylvain/?pnref=lhc
https://www.facebook.com/sylvain.reverte
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