Archive | décembre, 2016

Pierre Barouh, images…

29 Déc

Pierre Barouh 298  solo.JPGIl y a des jours  où les mots manquent d’envergure pour dire les battements du coeur et le chagrin.  Mais il y  aura toujours la mémoire du vent pour faire vivre des chansons et Pierre Barouh dans un présent éternel comme l’âme des poètes…

Quelques images du dernier spectacle de Pierre Barouh et cie… Trianon 2016

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et l’an dernier…

Photos©NGabriel

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Sylvain Reverte, un homme qui sort de l’ombre : rencontre avec l’artiste

28 Déc

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Le 8 octobre dernier, l’artiste lot-et-garonnais Sylvain Reverte, accompagné de son claviériste et complice Christophe Briz, ouvrait la soirée du festival « Courant d’Airs », organisée par l’association Bordeaux Chanson au théâtre l’Inox, avec quelques titres de son précédent album, et surtout des morceaux inédits, dont l’enregistrement se profile à grand pas (sortie d’album prévue courant 2017). Après avoir agité les scènes durant plusieurs années avec ses deux groupes successifs, Le Manège Grimaçant (album « 1er Des Tours » en 2006) et Duo Grim (album « Dans le vide » en 2009), et joué dans le conte musical « L’enfant-Porte » dont il a participé à la création avec Francis Cabrel, sous la direction de Michel Françoise, le chanteur et auteur-compositeur amorçait en 2015 une carrière solo, avec un premier album « Un homme dans l’ombre ». Le titre, tiré de la chanson du même nom, s’imposait aussi comme un clin d’œil au fait que, pour la première fois, le parolier s’essayait à l’exercice d’une mise en retrait pour laisser la plume à une équipe d’auteurs (Marc Estève, Gilles Guerif, Emmanuelle Cosso Merad, Gauthier Lacherest) convoquée pour partager l’écriture des textes. Pour fruit de cette collaboration, neuf chansons d’un pop-rock mélodieux, sachant éviter la surcharge orchestrale pour viser la cohérence juste, et acheminer avec élégance les mots et les histoires qu’ils racontent, que l’on saisit parfois partiellement, s’approprie, puis laisse repartir vers d’autres compréhensions émotionnelles, comme ces nuages au ciel dans lesquels on croit reconnaitre un spectre, une silhouette, un visage, puis qui se déforment pour reformer d’autres figures. Mais l’écriture collaborative peut s’avérer être une expérience fructueuse et profitable tout autant qu’une source de frustration, lorsqu’on a des choses à dire, à écrire, par soi même. C’est donc par une reprise en main de la plume que Sylvain Reverte envisage la suite quasi imminente, avec des nouvelles compositions. Une petite heure avant les balances de son concert, l’artiste acceptait de nous recevoir.

 

415215434– Sylvain, bonjour et merci de nous accorder du temps. Les chanteurs qui, après avoir vécu une vie de groupe, se lancent sur une route solitaire sont souvent motivés par besoin d’exprimer une vision plus personnelle. Or c’est par un album réalisé en collaboration avec divers auteurs, « Un homme dans l’ombre » que tu as choisi d’amorcer ton parcours en solo. Pourquoi ?

–  En fait il n’y a que deux textes qui ne sont pas de moi. Tous les autres résultent de co-écriture. Mais c’est vrai ce que j’ai voulu faire sur cet album consistait à demander aux gens de travailler pour moi. J’étais en plein doute, après deux expériences en groupe, quant au fait que je sache faire des chansons et à la question de savoir si ça valait le coup de faire de la musique en mon nom seul. Je pensais que peut-être mes deux expériences avaient fonctionné, parce qu’il y avait des gens autour de moi, un groupe, et que seul, je ne saurais pas faire. Donc l’idée était d’aller chercher des gens qui savent faire et de travailler avec eux pour comprendre pourquoi et comment ça peut fonctionner. Déjà  j’ai pu voir l’approche qu’ils avaient, et j’ai été très flatté qu’ils souhaitent travailler pour moi et se mettre non pas à mon service, mais au service d’une chanson. Car ce qui a fait le lien avec tous ces gens qui ont collaboré avec moi, c’est qu’avant tout, on se mettait au service d’une chanson. Cette vision que des gens ont du métier est très importante : il ne s’agit pas de travailler sur un individu, mais sur une chanson. En plus ces gens là sont des amis, ce qui arrangeait les choses en termes de complicité. C’est d’ailleurs de là que vient le titre de l’album « Un homme dans l’ombre » : je l’ai appelé ainsi car je me suis mis à l’ombre de moi-même en demandant aux gens de travailler sur ce projet pour qu’ils puissent mettre leurs talents au service des chansons que j’allais défendre sur scène.

 

imgp5247– Cela a-t-il été expérience heureuse pour toi ?

– Avec du recul, je n’ai pas du tout assumé cela. Je m’étais mis dans un rôle d’interprète, ce qui n’était pas du tout ce que j’avais l’habitude de faire jusque là. J’assumais pleinement mes propres chansons auparavant, parce que même si elles étaient parfois tordues, avec des maladresses d’écriture, c’était moi. Aujourd’hui je reviens là-dessus, en me disant que ce projet est fait, que je suis toujours en vie artistiquement, même si je suis un peu sonné, car je n’ai pas voulu défendre ce projet particulièrement et je ne me suis pas vraiment battu pour qu’il y ait un éclairage sur cet album. En fait j’ai été très vite dépassé par le fait que des gens s’occupent de moi ; je me suis un peu perdu. Ce n’était plus mes mots, ni mes chansons, mais ceux des autres. Pour revenir sur l’historique, suite au conte musical  «L’Enfant-Porte » sur lequel j’ai travaillé avec Francis Cabrel, j’ai embrayé sur mon projet personnel, et comme j’étais un peu perdu, j’ai demandé aux copains de me donner un coup de main. Emmanuelle Cosso Merad, Gilles Guerif et Marc Estève, ainsi que Michel Françoise on répondu présents. Et on a fait cet album, qui est pour moi un point de démarrage. Donc il est important pour moi, et j’ai beaucoup d’affection pour cette aventure collective. Mais il est vrai que je ne me suis pas senti de le défendre plus que ça. C’est plus facile de partager la composition que l’écriture. Mes prochaines chansons sont donc en cours de création, et même si ce n’est pas parfait, et parfois même un peu bancal, ce sont mes chansons et elles seront assumées. Si on me dit qu’elles ne plaisent pas, je ne vais pas me cacher derrière le fait que je ne me suis pas assez imposé : je les aurais faites par moi-même et tout seul.

 

imgp5252– Mais interpréter les chansons des autres n’aide-t-il pas à savoir prendre un certain recul ou un regard différent pour interpréter autrement ses propres chansons ?

Il y a d’abord un effort de mémorisation à faire lorsqu’il s’agit des textes d’autrui, puis un travail pour coller des émotions sur les mots et les phrases, travail que je n’ai pas besoin de faire pour chanter mes chansons. Quand j’écris, c’est l’émotion qui me pousse à écrire les mots ; elle revient donc naturellement quand je chante, parce que je suis en phase avec moi même. En l’occurrence pour cet album, il a fallu que je m’invente des situations pour essayer de comprendre l’émotion à trouver. C’était presque un jeu d’acteur. Du coup, cela ne m’a pas vraiment servi à changer mon interprétation personnelle. Je préfère jouer avec mes propres émotions, parce que je suis comédien de nature. Depuis que je suis né, on m’a toujours dit que j’étais un enfant comédien ; je pense donc qu’il y a une part de vérité là dedans. Et le fait de raconter mes propres histoires ou ma propre vision d’une certaine réalité est plutôt inné chez moi. En revanche ce que m’a appris le travail d’interprète, c’est à moins sur-jouer les choses, à les lisser, et faire un peu moins de la chanson « néo-réaliste » avec du pathos, à comprendre en fait que le poids des mots est parfois suffisant, sans qu’on ait besoin d’en rajouter. Mais c’est moins l’album en lui-même qui m’a apporté, que les rencontres avec les gens et le travail sur les chansons.

 

13241580_266557133695098_1377331683_o– La difficulté de co-écrire n’induit-elle pas aussi une frustration peut-être plus intense, lorsque l’écriture aborde plus volontiers des sujets intimistes, comme le fait la tienne ?

Exactement. S’il s’agit de poser un regard sur la société, ça peut se faire collectivement. Mais quand on commence à parler d’histoires intimes, d’amour, c’est plus personnel. C’est marrant, parce que pour l’album, on m’a dit de certaines chansons qu’elles m’allaient bien. Mais personnellement, je ne les aurais pas écrites, pas comme ça, parce que ce n’est pas du tout ce que je ressens, ni ce que je vis. Du coup j’ai pris cet album vraiment comme un interprète. Il a eu le mérite de m’apprendre ce rôle là et l’expérience de mettre mon ego en retrait.  Au départ par exemple, je proposais un couplet. Et une fois que c’était écrit, j’avais bien des idées pour le reste de la chanson, mais il fallait que je laisse la plume à l’autre. Pour le coup cela m’a forcé à faire un travail sur mon ego et à apprendre à gérer la frustration, et accepter qu’on ne soit pas seul à détenir la vérité et qu’il n’y a pas qu’une vérité. J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec Emmanuelle Cosso Merad, qui est une fille, car partager une histoire d’écriture avec une fille est une aventure particulière. Bien sur je pense que chaque individu a un regard singulier ; mais l’approche féminine qu’elle a pu avoir dans le choix des mots, des images, pour une histoire d’amour par exemple est vraiment différente. La chanson « Déjeuner avec vous » parle d’un homme qui souhaite inviter une jeune de 20-25 ans à passer un moment. Je ne voyais pas comment je pouvais me mettre dans la peau du personnage, comme si je ne réalisais pas que j’approche aussi la quarantaine, et ce texte m’a renvoyé à une certaine réalité. C’était donc très intéressant de laisser faire l’auteure.

 

13262535_266559833694828_1317650403_o– En tant que compositeur, comment as-tu vécu l’exercice de mettre en musique les mots des autres ?

J’interviens dans les écoles pour y diriger des ateliers de chanson, et j’utilise souvent cette parabole de dire que le compositeur est un couturier, l’auteur un mannequin, et que l’idée est que l’habit doit mettre en valeur le corps : il faut que la musique habille le texte. Pour ma part, je couds en même temps. Pour en revenir à sa chanson, je trouvais intéressant d’habiller son texte, le corps qu’elle me présentait et redessinait pour moi. Donc j’ai laissé les autres travailler ; je me suis reposé sur des gens, car j’avais complètement perdu confiance en moi. Mais ce jeu là m’a un peu perdu. Auparavant j’avais fait des chansons sans vouloir forcément que ça marche, sans même avoir l’idée que ça pouvait marcher. Mais dès que ça a commencé à marcher, je me suis mis une pression qui n’avait pas lieu d’être. Et aujourd’hui j’ai retrouvé l’essence de la raison pour laquelle j’écris des chansons. Je ne pars plus du tout avec l’idée que les chansons doivent plaire absolument. Je veux qu’elles me plaisent et touchent mon entourage proche. J’écris une chanson pour ma mère, pour ma compagne, pour mes amis. Pas parce qu’il faut que ça rentre dans un projet commercial ou que ça touche tel ou tel public. Je ne peux pas fonctionner comme ça. J’avais commencé à prendre ce chemin avec cette idée de réunir une équipe autour de moi pour créer un projet avec des chansons qui pourront rester dans le temps, être écoutées par n’importe quel public et ne pas être démodées, par stratégie en somme, et je me suis perdu dans les convictions des autres et laissé entrainer. Tout le monde croyait à ce projet, et c’était bien ; ça a été en quelque sorte une expérience nécessaire pour me renforcer dans mes convictions personnelles. Mais je n’y crois plus et c’est pour cela que je passe à autre chose. J’ai le sentiment d’avoir laissé ma planche de dessin et mon pot de feutres aux copains pour qu’on colorie ensemble. Mais au bout du compte plus rien ne m’appartenait. Du coup, quand je regarde le dessin maintenant –et y en a qui le trouvent très beau-, je n’ai pas envie d’aller le montrer partout. Bien sur c’est problématique, parce que des gens comme Michel Françoise et Gilles Guerif qui se sont impliqués et ont donné de leur temps pour que j’arrive à finaliser ce projet. C’était un peu un accouchement dans la douleur, et je reconnais cet enfant, mais il n’est pas que de moi !

 

imgp5244– Revenons sur tes interventions pédagogiques auprès des jeunes publics. Qu’est-ce que cela t’apporte ?

Il m’arrive effectivement souvent d’intervenir en école élémentaires, dans des collèges et des universités. Je fais cela depuis 2009. C’est d’ailleurs à l’occasion d’une intervention à Parentis que j’ai rencontré Christophe [NDLR Christophe Briz, claviériste], qui était le professeur de musique de la classe. Pour moi, c’est très important de revenir au collège, parce que j’étais très fâché avec l’éducation nationale dans ma jeunesse : mon parcours scolaire s’est arrêté très tôt, à 16 ans. Donc le fait de revenir à l’école à 35 ans m’a réconcilié avec l’enseignement. Quand on débarque en milieu scolaire, on sait qu’on va changer la vie des collégiens pendant une semaine et bouleverser le système mis en place par l’enseignant, avec son consentement. Parallèlement j’exerce mon métier d’animateur de quartier et je dirige un service pour l’enfance et la jeunesse pour une ville de 10000 habitants, Le Passage d’Agen. Je suis très sensible à tout ce qui relève de l’éducation populaire. J’ai mis en place des festivals avec la jeunesse, et nous travaillons sur les questions de citoyenneté, de prévention de la délinquance et des incivilités entre autres, en proposant des animations et des rencontres. C’est un rôle qui m’a toujours tenu à cœur, d’arriver à un moment donné dans un milieu social et de bouleverser les éléments, parce qu’on commence à manipuler, animer et organiser les choses pour une amélioration. Et c’est exactement ce qui se passe aussi lors de ces interventions en école : bien sur on va aider le jeune à écrire une chanson, lui donner deux ou trois conseils, mais l’essence de l’intervention n’est pas là, mais dans le fait de l’amener à se questionner sur ce dont il a envie de parler. Cela peut être le regard des autres, la différence, l’intolérance, les problèmes rencontrés au quotidien ou encore le bonheur d’être amoureux. La chanson est alors un vecteur qui peut conduire le jeune à se mettre face à sa propre réalité. En général les enseignants ne s’attendent pas à cette démarche, car ils pensent que nous venons simplement pour apprendre à écrire une chanson ; et on voit, tout au long d’une semaine par exemple, des gamins qui n’ouvrent jamais la bouche, ne prennent jamais position, parvenir à exprimer des choses qu’ils ont à raconter, et qui sont souvent des choses un peu lourdes, parce qu’on les a bousculés et poussés dans leurs retranchements. On peut se le permettre, car il n’y a pas entre les élèves et l’intervenant de lien de subordination ou de hiérarchie, comme avec l’enseignant. Au final on se rend compte qu’on ouvre des portes, et que chacun ouvre sa petite porte personnelle. Et cela créer une dynamique, qui, si elle s’enclenche assez tôt dans l’année, peut être exploitée par l’enseignant pour créer et tisser des liens entre les élèves et aussi avec lui-même. Je pars du principe que quoi qu’il arrive la chanson est existante dans leurs gènes ; tous les gosses écoutent de la chanson.

 

imgp5204– « La chanson ». Mais quelle « chanson » ?

Il y a  un premier jeu auquel j’aime jouer, lors des présentations, c’est de demander aux gosses quel artiste représente pour eux la Chanson Française. J’arrive à chaque fois à avoir une trentaine de noms improbables, au sens où on ne s’attend pas à ce que des enfants de cet âge connaissent Brassens, Perret, Brel, Cabrel ou Nana Mouskouri. Quand des noms d’artistes de R’n’B sortent, je leur parle de représentation, de celui ou celle qui représente la chanson de façon patrimoniale, et à ce moment là, ce sont des noms d’artistes écoutés par leurs parents, grands-parents ou autres qui arrivent, preuve qu’ils les connaissent et que la chanson circule entre les générations d’une famille. Le constat est là : les jeunes connaissent au moins 50% du patrimoine de la Chanson Française, soit par transmission, soit parce qu’ils ont écouté une reprise de chanson par un artiste plus moderne. Pour moi une chanson est une balise temporelle : les gens y associent une émotion quelque part dans le temps qu’ils vont aller retrouver en la réécoutant. Et quand une chanson fait le tour du monde, tu peux considérer que c’est des millions de balises qui sont disposées. Et puis c’est souvent une référence culturelle : quand tu demandes à des Américains s’ils connaissent la France, ils sont capables de citer Édith Piaf, même si c’est la seule chose qu’ils connaissent de notre culture.

 

patrick-batard-nb-20161210_fuj4322– Et toi, comment es-tu venu à la musique ?

– A la naissance ! Mon père écoutait beaucoup de musique. Très tôt j’ai souffert d’angoisses nocturnes et le pédiatre à conseillé à ma mère de m’endormir avec de la musique. On m’a donc acheté un mange-disque et j’ai commencé à écouter en boucle des 45 tours, puis des 33 tours sur platine. Je jouais à écouter de la musique durant des heures. Mais apprendre un instrument ne me disait rien, jusqu’au jour où, à mes 16 ans –j’étais alors aide animateur- j’ai vu un animateur sortir une guitare pour jouer et j’ai trouvé ce moment tellement magique, à le voir centrer les gens autour de lui et les faire communier et prendre du plaisir juste avec quelques accords. C’était Fred Batista, le chanteur du groupe Le Baron de Gouttière. Il m’a appris quelques accords et à jouer des chansons, comme « Le lion est mort ce soir »… L’idée, c’était d’animer des feux de camps, et pour moi, l’approche n’a pas changé : il s’agit de faire vivre une communion, dans le sens philosophique du terme. Plus tard j’ai monté un groupe, Le Manège Grimaçant, et nous avons rapidement été programmés pour jouer dans des bars à Agen, et puis le public grossissait et les bars devenaient trop petits. Ensuite, ça a été les festivals, et des gens sont allés parler à Francis Cabrel, en lui disant qu’il fallait faire quelque chose pour les « petits jeunes ». Il nous a permis de rencontrer son arrangeur Michel Françoise, qui nous a fait enregistrer quelques titres, et tous les deux ont décidé de nous produire. Quand le groupe s’est arrêté, on a continué en duo, sous le nom de Duo Grim, et Francis a continué d’être derrière nous avec le label et Michel Françoise pour réaliser un second disque. J’ai ensuite écrit avec Francis et une dizaine de collègues dans le cadre des Rencontres de Voix du Sud pour le conte musical « L’enfant porte », de l-enfant-porteYannick Jaulin. Puisque j’étais intervenant à Voix du Sud, mais également stagiaire pour les Rencontres d’Astaffort, j’ai participé à des rencontres avec de jeunes publics ; ayant un parcours dans l’animation, je ne pouvais pas passer à côté d’une telle occasion. On avait présenté un premier jet, qui a plu à Francis, lequel nous a proposé de revoir tout le projet pour aller plus loin. J’ai donc eu la chance de passer plusieurs heures avec lui à échanger, écrire et comprendre comment il fonctionne.  C’est-à-dire qu’il écrivait, nous soumettait son travail, et s’il arrivait que je doute d’un mot, car le vocabulaire était trop soutenu, il revenait dessus, car pour lui ce qui n’est pas universel n’est pas bon : il faut que ce soit efficace et d’une simplicité absolu pour que le message passe le plus facilement possible. Il réalise un travail d’une grande intelligence là-dessus. Pour moi Francis Cabrel et Hubert-Félix Thiéfaine sont les deux pôles dans la chanson : ce sont deux intelligences d’écriture, l’une qui cible rapidement, l’autre qui passe par plein de chemins au point que tu ne sais plus où elle t’amène et que tu dois décoder. J’adore cela. Il y a quelque chose qui relève de la poésie psychanalytique. Par contre, si tu mets dix personnes autour d’une chanson de Thiéfaine, tu auras probablement dix compréhensions émotionnelles différentes, alors que la poésie de Cabrel est plus limpide.

 

patrick-batard-nb-20161210_fuj4342– Parlons du futur presque immédiat : tu repars donc sur des rails personnels en te réappropriant l’écriture, et quelques chansons du prochain disque seront jouées ce soir. Peux-tu en parler ?

L’album s’appellera certainement « Soleil rouge », du nom de la chanson déjà maquettée. On vient d’écrire deux chansons, et j’en suis très content. Avant j’étais content car les chansons existaient ; maintenant ça va au-delà : je suis content parce que quelque chose est sorti qui émane d’une volonté. C’est comme si j’avais retenu tellement de choses qui devaient sortir depuis un certain temps et que ça sort enfin ; ça répond à un besoin presque primaire, viscéral. Et puis la réaction des gens autour de moi est bonne, alors je me sens bien. Alors c’est un peu bateau de parler de l’album « de la maturité ». Mais je pense sincèrement que ce qui s’amène vers moi est quelque chose dans lequel je vais me retrouver comme je ne me suis jamais retrouvé de toute ma vie. On avait amorcé le travail à quatre, dans le studio de Julien Lebar, [NDLR pianiste de Cali], à Perpignan où nous avons enregistré 5 morceaux, dont nous ne garderons que 3. Et nous allons continuer à deux, moi et Christophe, car j’ai envie de travailler épuré et d’aller à l’essentiel, sans me cacher derrière des arrangements et du traitement sonore sur des instruments additionnels. Je veux mettre en avant mon écriture, présenter mon corps tel qu’il est, avec ses défauts, mais mien. On va partir en résidence une semaine à Voix du Sud pour travailler sur les chansons à aboutir, et Jean Fauque nous fera l’honneur de venir porter son regard. patrick-batard-nb-20161210_fuj4309Je pense que je vais écouter attentivement ses conseils, même si je ne prendrais pas forcément la direction indiquée. Et s’il donne une direction que je comprends et avec laquelle je suis en phase, je la suivrais. Ce soir nous allons jouer une chanson qu’on a finie et une autre qui est en chantier. Et puis nous en attaquerons certainement d’autres pendant la résidence qui vient. Futur album ou EP ? A voir. Tout dépend de ce qui sera produit pendant la semaine ; nous allons travailler déjà 6 ou 7 morceaux, car j’aimerais intégrer une reprise. Mais je considère que Christophe a aussi son avis à donner ; il prend du galon ! Ça fait presque 3 ans que nous jouons patrick-batard-nb-20161209_fuj4096ensemble, et j’ai besoin de cet équilibre, de ne pas me retrouver seul. On part sur un projet de défendre le prochain album à deux. Donc on va aller à l’essentiel. C’est un travail que j’ai déjà fait, donc je sais ce que ça nécessite comme approche. Mais pour repartir dans ce genre d’aventure collective, il fallait vraiment que je sois sûr de la personne avec qui je joue.

 

imgp5258– Est-ce à dire que ce projet en solo prend la tournure d’un duo et que la création collective te convient finalement mieux ?

Je ne supporte pas d’être tout seul ; pour moi il n’y a aucune utilité à faire de la musique, si c’est pour la faire seul. Je n’en tire aucun plaisir. Si j’écris, c’est pour essayer de faire vivre quelque patrick-batard-nb-20161209_dsc8285chose dans le cercle amical, pour qu’on puisse la ressentir ensemble et s’amuser à jouer. La construction collective me motive.

 

 

 

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Sylvain Reverte partagera la scène avec Romain Humeau le 11 février à L’Adem Florida d’Agen [https://www.facebook.com/ademflorida?pnref=story]

Plus de dates sur son site ici : http://www.sylvainreverte.com/concert

 

 

Nous remercions chaleureusement Véro de Ariane Production d’avoir rendu cet entretien possible.

Photos : Dave Brook (1 ; 4 ; 5 ; 8 et 14), Patrick Batard (8 ; 9 ; 10 ; 11 et 13), Miren Funke (2 ; 4 ; 6 ; 7 et 12)

 

Miren Funke

Liens : http://www.sylvainreverte.com/

https://www.facebook.com/revertesylvain/?pnref=lhc

https://www.facebook.com/sylvain.reverte

 

Saravah 50 ans…

27 Déc

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Au fil de quelques conversations dans des diners en ville, dans des tavernes louches, des estaminets sympas, des guinguettes à petit vin blanc ou des salons virtuels du web, il apparaît que l’histoire de Saravah n’est pas toujours bien connue. Et pourtant, s’il y a une histoire qui ressemble à nos contes d’antan, c’est bien celle-là… Quand on croyait au père Noêl, aux fées ou aux enchanteurs Merlin, et aux lendemains qui chantent.

Photo©NGabriel

Photo©NGabriel

On sait, ou on devrait savoir que Pierre Barouh est une sorte de papillon curieux toujours résolu à éviter la ligne droite pour explorer quelques sentiers secrets propices à des rencontres non programmées. Evitez de lui parler planning et organisation rigide, c’est un langage qui est lui étranger. C’est le guetteur de l’imprévu, l’orpailleur avec qui rien n’est jamais fini, et tout se prolonge.

Et pour attraper au vol une jolie idée qui plane, il est doué, et surtout pour faire des passes, comme au volley qu’il a pratiqué à haut niveau, un sport qui se danse en quelque sorte. Et la samba Saravah a attrapé beaucoup de jolies idées, les a fait vivre, et les a relayées vers d’autres paysages.

Mais Saravah ? Après un parcours bigarré dont  Les rivières souterraines  dessinent les contours et les méandres, nous voici au milieu des années 60, Claude Lelouch entreprend ce qui sera  Un homme et une femme . Film venant après un échec commercial, il a eu du mal à réunir tous les financements. Et en cours de tournage, plus d’argent, plus de pellicule. Plus de film ? C’est là que Pierre Barouh (comédien dans le film) entreprend de démarcher des éditeurs pour obtenir une avance avec la Samba Saravah*, une chanson qui n’est pas un ornement musical ajouté au film, mais qui fait partie intégrante du scénario. Une première dans le genre. Et dans un grand élan unanime, tous les éditeurs refusent cette samba. Pierre Barouh, qu’aucune utopie n’effraie, prend donc la décision de créer une société d’édition pour diffuser cette samba. (Ne pas confondre avec la chanson du film, que le public connait pour son chabada bada) . Quelqu’un propose au même moment à Lelouch une sorte de stock en solde de pellicule N&B, peut-être tombé du camion. Ce qui permet de finir le film (en tournant les flash-back en N&B) , et les critiques vont trouver ça génial. Anecdote qui illustre un des adages de Barouh, de la contrainte nait la créativité.

aff-un-homme-et-une-femmmeVous savez sans doute les triomphes du film, et de la Samba Saravah (adaptation de Pierre Barouh et Francis Lai) – Golden Globe de la meilleure musique de film – et de ce fait, Saravah touche le jackpot (Pierre Barouh met tous ses droits d’auteurs dans Saravah) C’est ainsi que ce label atypique – né d’un refus- ouvre la porte à Pierre Akedengue, Brigitte Fontaine et Jacques Higelin qui auront carte blanche pour aller jusqu’au bout de leurs rêves musicaux en toute liberté et sans dirigisme comptable ni interventionnisme de leur « patron ». Depuis 50 ans le label s’est enrichi d’une belle liste d’artistes qui ont bénéficié de ce tremplin hors du commun. Saravah couve et fait éclore la chrysalide, et laisse ensuite le papillon voler là où il veut. Libre. Rois du slow bizz, et seigneurs bienveillants.

L’équation magique de Saravah est donc le produit de l’art des rencontres, le refus du refus (!) la foi en l’utopie, et vogue la barque… Qui peut vous mener d’un bosquet vendéen à une île japonaise, en passant par un carnaval brésilien, et vers les étoiles.

Pour le livret de famille Saravah, voyez ici, ils y sont tous. http://www.saravah.fr/

Pour en savoir plus, récap’ de quelques articles sur la vie de Saravah depuis quelques années, suivez le lien,

https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/tag/pierre-barouh/ vous y trouverez

  • Pierre Barouh, L’Européen Mai 2015 (spectacle)

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  • PIERRE BAROUH, Les rivières souterraines (livre) barouh-les-rivic3a8res
  • Ça va ça vient… Pierre Barouh (DVD)ca-va-ca-vient-dvd
  •  Saravah 50 ans au Trianon (spectacle)

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Et au Trianon, son dernier spectacle, c’était en salut final, Le Kabaret..  (merci à Benoit Balao pour le lien)

Et aussi, le 23 décembre, Pierre Barouh était invité par Didier Varrod dans « Foule sentimentale »  on réécoute ici, clic sur le micro,

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La vie, c’est l’art des rencontres, et Pierre Barouh est un expert cultivateur de cet art.

C’est un  auteur prolifique de chansons « cinéma »,  chroniques qui racontent des histoires à vivre et à rêver, chansons qui font jaillir des bouquets d’images, un auteur qui a écrit des grandes et belles pages en suivant ce que dit Cocteau,

Soit on soigne trop une oeuvre, soit on ne la soigne pas assez,

il est bien rare de trouver le juste milieu pour qu’elle boîte avec grâce.

Norbert Gabriel

  • Dans le résumé sommaire de la Samba Saravah, il faut ajouter qu’elle est une conséquence de cet art des rencontres qui a réuni Vinicius de Moraes , Baden Powell, et Pierre Barouh, comme le précise avec pertinence Alain Berjon dans le commentaire ci dessous. Merci à lui.
  • Pierre Barouh est parti aujourd’hui 28 décembre pour son voyage éternel vers d’autres rencontres, salut l’ami Pierrot, tu restes dans nos coeurs.  Et Saravah pour toujours.

Contrebrassens

25 Déc

contrebrassens-cdQu’il est rafraichissant et musical, cet album, il donne une très belle démonstration de la qualité des musiques de Brassens. S’il y a encore des esgourdes ensablées et en friche, voilà de quoi les déboucher et les éduquer. Pauline Dupuy et sa contrebasse ont fait appel à quelques compagnons bien choisis pour tisser des dentelles de notes mutines, rieuses, amicales, amoureuses. Ça jazze avec grâce, ça swingue avec délicatesse, tout dans la finesse de véritables connaisseurs de l’art de Georges. Etre aussi bien honoré par cette voix féminine, il en aurait été bien content le bon gorille de Sète, il en aurait peut-être rosi de bonheur de ces caresses.

Onze chansons traitées comme des bijoux dans des écrins de luxe, décorées comme des psautiers aux enluminures fines d’artistes épris de beauté .

Dans le florilège des articles, voici un extrait qui est particulièrement pertinent,

A l’écoute de Contrebrassens, on est donc constamment entre la musique sacrée et la musique sacrilège, entre le respect immense du spectre paternel et l’irrévérence amusée nécessaire à un tel exercice,surtout avec une figure tutélaire qui se moquait tant des dogmes et des codes.

Mickaël Mottet (février 2014)

Mention spéciale à « La religieuse » dont les subtilités et coquineries du texte sont en parfaite adéquation avec la voix innocente de Pauline… et aussi Chanson à celle.. et aussi… et aussi tout l’album finalement.

Amis de la région parisienne, RDV 19/01/17 – La péniche Antipode – Paris  visitez, clic et  c’est là–>peniche-antipode

01/02/17 – La péniche Antipode – Paris
02/02/17 – Forum Léo Ferré – Ivry
08/02/17 – La péniche Antipode – Paris

et pour les autres régions, voyez le programme, la contrebasse est très voyageuse, vous aurez le bonheur de la voir passer près de chez vous. Clic sur –>

contrebrassens-19052014-1737

Et pour en savoir plus, rencontre,

Norbert Gabriel

Jeanne Rochette « Cachée »

22 Déc

 

Photo NGabriel2016

Photo NGabriel2016

Ce fut ma belle surprise de la finale Et la chanson va, ex Vive la reprise… Pour diverses raisons, la première étant que dans l’exercice de 3 chansons* dont une de l’auteur parrain, Jeanne Rochette a proposé ce qui était un début de spectacle, et non pas la simple juxtaposition de 3 chansons parfois hétéroclites.

Ce fut donc une vive incitation à écouter l’album qui venait d’arriver, « Cachée » qu’on pourrait sous titrer « album de charmes », comme celui d’une Shéhérazade qui ouvre les pages d’un cahier de contes aux musiques très raffinées, d’une subtilité émouvante.

C’est aussi une fille d’aujourd’hui, romantique et passionnée, une rencontre dans l’escalier, c’est parfois la promesse de quelques félicités accompagnées de vertiges en cascade pour le monsieur, et un regard acéré avec quelques conseils et paroles d’amie, mais toujours avec cette grâce qui atténue les petites cruautés de la vie…

Jeanne Rochette, peintre à la façon de Marie Laurencin, ou de Daumier ?? Un peu de deux parfois, fabuliste aussi, avec La mouche* et conteuse rêveuse avec Oualissa*, qui ouvre cet album et qui séduit totalement, chronique mélodieuse et sensible sur un monde où une goutte d’eau est un trésor.

*Par exemple, lier sa chanson « La mouche » à celle de Cabrel « La corrida »… De plus, elle a été une des finalistes parfaitement audible dans la salle, ce qui n’a pas été le cas de tous les finalistes. Et peut générer des incompréhensions dans le public qui découvre les artistes. Mais ceci est une autre histoire…

Et pour l’avoir chez vous, voyez ici, la boutique vente par correspondance bien garnie en beaux albums : clic sur la couv de l’album.. Misti logo

Norbert Gabriel

Jean Vasca 1940-2016

21 Déc

vasca4 Dans l’oeuvre d’un poète, il arrive qu’un vers ou deux restent à jamais le symbole de ce qu’il a écrit, pour Jean Vasca, ce pourrait être : Amis soyez toujours l’ombre d’un bateau ivre,  ce vieux rêve têtu qui nous tenait debout … Dans la nuit du 20 au 21 décembre Jean Vasca a rêvé, peut-être, un rêve dans lequel il a choisi de rester… Salut poète…

Amis soyez toujours ces veilleuses qui tremblent
Cette fièvre dans l’air comme une onde passant
Laissez fumer longtemps la cendre des paroles
Ne verrouillez jamais la vie à double tour

Je suis là cœur battant dans certains soirs d’été
A vous imaginer à vous réinventer

Amis soyez toujours ces voix sur l’autre rive
Qui prolongent dans moi la fête et la ferveur
Des fois vous le savez il fait encore si froid
Le voyage est si long jusqu’aux terres promises

Je suis là cœur battant dans tous les trains de nuit
Traversant comme vous tant de gares désertes

Amis soyez toujours l’ombre d’un bateau ivre
Ce vieux rêve têtu qui nous tenait debout
Peut être vivrons-nous des lambeaux d’avenir
Et puis nous vieillirons comme le veut l’usage

Je suis là cœur battant à tous les carrefours
A vous tendre les mains dans l’axe du soleil.

Jean Vasca

 

Le poète est un archer qui tire dans le noir.- Salah Stétié –

Jean Vasca,  le seul avec Jacques Bertin a être paru de son vivant dans la prestigieuse collection « Poètes et Chansons » chez EPM.

 

Norbert Gabriel

Ne lâchons rien. Et même mieux, osons !

20 Déc
fred-moulinEn ces temps de flou général, et de folie bien partagée, tous les combats sont bons à mener, surtout ceux qui concernent les arts populaires qui ont la fâcheuse habitude de renâcler devant les rouleaux compresseurs de la pensée… Donc,

Ne lâchons rien. Et même mieux, osons !

J’ai en mémoire un document de l’INA où le grand Jacques déploie sa longue carcasse dégingandée sur la scène dans un Olympia enfiévré. Ses immenses bras moulinent au rythme d’une musique lancinante : Au suivant, au suivant… chante-t- il, reprenant les vociférations d’un adjudant qui régule le trafic d’un bordel ambulant. Le mouvement de ses deux mains balayant l’espace de droite à gauche, je l’ai tout de suite associé à l’image d’une succession de personnes que l’on écarte. Brutalement. Sans préalable. Sans le moindre regard sur un passé proche. Et d’un revers de main : allez hop !du balai, circulez, y a plus rien à voir ! Au suivant, au suivant … Avant-hier, c’était Alors Chante à Montauban qui disparaissait sous les coups de boutoirs d’une élue vengeresse, aux pieds caressés par quelques vaguelettes bleu marine. Hier, c’était Philippe Meyer qui était prié de ne pas venir chanter la prochaine fois. Aujourd’hui c’est le Centre de la chanson que l’on veut abandonner lâchement après 28 années d’activités et un projet en cours, nécessaire et pertinent.

Sachez bien que l’entreprise de destruction a débuté il y a fort longtemps. Mais tout cela n’a jamais totalement été reconnu, car sur l’océan des paroles seule flotte la langue de bois. En 1983, le ministère de la culture supprimait la ligne budgétaire ‘ chanson, variété, pour la remplacer par la ligne rock-variétés . Le mot chanson disparaissait ainsi du vocable des disciplines que l’on pouvait aider.

C’est vrai que chanter en français, à une époque, pouvait apparaître comme une maladie honteuse. Pour les artistes certes, mais aussi pour ceux qui avaient envie de défendre ces auteurs qui se faisaient un sang d’encre et qui suaient la syntaxe. Avec en prime, pointé du doigt par les faiseurs d’opinions, un lourd soupçon de nationalisme.

Le soutien de l’état à la chanson et à ses réseaux de diffusion a toujours été faible. Il est alors devenu inexistant. La chanson est une voyageuse au long souffle qui se métisse de toutes les influences et accents. Mais la chanson demeure mal aimée et mal connue des milieux culturels. Cette vieille dame poudrée a couru les rues, trainé sur les ponts, accompagné les soulèvements.  L’art de fixer l’air du temps comme la définit Stéphane Hirschi, est aussi un formidable véhicule pour la littérature et la poésie. Prévert, Aragon, Apollinaire, Maïakovski, Mallet-Joris …ont pu ainsi glisser leurs vers à l’oreille d’un auditoire renouvelé… Pourtant la chanson est souvent ringardisée, affublée de qualificatifs parfois moqueurs et déposée dans le panier des « variétés » quand la sphère commerciale a décidé de s’en emparer pour en tirer profits Et c’est là que j’oserais presque vous parler de chanson d’art et d’essai, en imaginant l’existence de lieux estampillés et soutenus, comme l’on peut en trouver pour le cinéma. Cela fait bien une douzaine d’années que cette idée me trotte dans la tête.

Mais aujourd’hui il faut agir vite tant l’inquiétude est pesante. Les crédits destinés à la transmission des savoirs fondent, l’action culturelle est fragilisée, les valeurs artistiques et intellectuelles vitales, souvent sacrifiées sur l’autel de la mondialisation. Comment prendre le temps de cheminer tout en mesurant l’urgence, de trouver les espaces pour faire ouvrir les yeux. L’économique vise le court terme et se soucie peu des carrières d’artistes au point d’affirmer qu’il n’y a rien de nouveau. L’adulte est avant tout un être qui n’a pas le temps, un collabo du monde réel et les chiffres ont éjecté les mots dans la marge. Radio et télévision sont des vecteurs redoutablement efficaces du marketing qui court- circuitent tout ce qui pense – car penser veut dire penser par soi-même, ce qui est à l’opposé de tout consumérisme. Présentement, c’est bien Internet qui fusionne tous les médias.

« La radio n’utilise pas de chanson dans ses émissions mais de la variété. La chanson est intelligente, drôle, émouvante ou colérique. Ça ferait des morceaux trop gros pour la bande passante et ça esquinterait les compresseurs … Les auteurs de chansons qui espèrent faire connaître leur travail par les radios sont donc contraints au formatage de leur travail en variété ou au ridicule d’un anonymat non consenti. » Voilà ce que nous dit Sarclo, et je l’applaudis des deux mains !

La langue et les mots constituent un véritable patrimoine qu’il convient de ne pas assécher, qu’il faut nourrir en permanence, sans le ramener sans cesse à la matérialité économique. Cette chanson dont nous parlons n’a aucune valeur marchande au sens d’une large diffusion. C’est de l’artisanat face à la production industrielle. Pendant longtemps, des associations, des petits lieux, des passionnés, ont permis l’existence d’un réseau fragile, mais militant. Force est de constater qu’il s’épuise. C’est la construction d’un autre cadre qu’il faut inventer.

Comment ne pas regarder avec ironie toutes ces grosses structures d’accueil du spectacle vivant, venir subventionner de grosses productions, et précipiter ainsi la disparition des artistes qui essaient de survivre en dehors des circuits commerciaux.

Alors, n’en déplaise aux faiseurs de rois, sondeurs et autres proctologues de l’opinion, il existe bien une place pour un nouvel essor de la parole, pour que se déplient les mots, pour que se déploie une chanson vivante, en ouvrant des espaces d’expression de proximité. Des moments de rencontres où se construisent la mixité et la citoyenneté, en réactivant le sens critique.

Même si elles sont une véritable respiration dans un contexte difficile, on ne peut pas se contenter de la multiplication de formules du type « chez l’habitant ». Il ne faut surtout pas délaisser l’espace public. Chacun, suffisamment passionné et motivé, peut devenir un organisateur potentiel dans le Foyer rural de son village, une petite salle de son quartier, un lieu patrimonial singulier ou une cour silencieuse et ombragée. Il peut être l’interlocuteur des élus locaux, le lien vivant. C’est du terrain que doivent remonter les envies. Je vous garantis que c’est possible. Quand j’ai créé il y a 20 ans Chantons sous les pins dans les Landes (bâti sur le modèle d’utilisation de lieux ruraux non répertoriés par le circuit culturel) il me semblait que la création d’un Chantons quelque chose …dans chaque département, serait un formidable ballon d’oxygène pour la chanson. L’entreprise était colossale et après de belles expériences dans trois autres départements, il me manqua le temps nécessaire, une équipe, et une structure pour porter le projet. Je pense qu’il existe la même nécessité aujourd’hui, mais avec des financements qui ne sont plus les mêmes. Il faut resserrer la proposition, l’adapter aux moyens. Le mot festival, utilisé à tout-va, devient parfois incongru. Préférons-lui Rencontres ou autres noms plus conviviaux. Faisons qu’il puisse exister des lieux d’écoute où le texte révèle tout son sens aux sens. Ou vibrations et émotions, se partagent à portée de regards.

Résistons en déployant convictions et solidarité, au moment où l’industrie du divertissement s’installe plus lourdement que jamais. Soyons vifs, virevoltants, inventifs car les mastodontes ont toujours du mal à se mouvoir. Persuadons-nous que le formatage des goûts du public et l’homogénéisation des modes de comportement n’est pas inéluctable. Toute cette énergie déployée dans la résistance, nous devons la mettre au service de ces artistes qui continuent à nous enchanter contre vents et marées, parfois au bord du naufrage.

Il est l’heure de remuer ciel et terre pour sauver le Centre de la Chanson et le Limonaire, car c’est bien dans cet état d’esprit qu’ils agissent au quotidien. Leur disparition serait un coup supplémentaire porté aux artistes et à tous ceux qui se battent pour la diversité culturelle.

Jean-Claude Barens

Activiste de la chanson vivante

Il y a quelques mois, un bilan  Avis de décès avait été repris sur le blog de Médiapart, c’est ici pour rappel, et je ne suis pas sûr que ça va s’arranger en 2017.  (NGabriel) https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2016/04/19/avis-de-deces/

et il y a quelques jours, Mauvaises nouvelles ordinaires https://leblogdudoigtdansloeil.wordpress.com/2016/12/16/mauvaises-nouvelles-ordinaires/

Davy Myrtho Kwassa Kwassa

19 Déc

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Allez savoir à quoi ça tient le pouvoir de la musique, il suffit de quelques notes parfois, trois mesures et on entre de plein pied dans un nouveau monde. Des espaces inconnus et pourtant familiers. Comme l’écho atavique de tous ceux qui ont dans leurs gènes de lointains voyageurs, nomades naturels ou migrants obligés, et même si on a oublié notre pépé Cro-Magnon, quelques fois nous traverse une idée de métèque qui a fait naître quelques branches dans notre arbre à la souche métissée. Voilà ce qui m’a traversé en écoutant les premières notes de Kwassa Kwassa, l’album paru récemment de Davy Myrtho. Ensuite ce sont les pages d’histoires d’humains qui nous ressemblent quand ils ont le cœur accroché à un rêve toujours debout, arriver un jour dans un silence apaisé pour vivre sereinement. Mais … Mais pour beaucoup de ces hommes c’est une course de survie, une course d’obstacles et de pièges, bateaux en perdition pour errants sans autre espoir que le miracle d’une terre d’accueil. Le constat est cruel, le monde n’est pas complaisant pour l’étranger et pour un qui passe la frontière, combien ne verront jamais le soleil amical des rivages espérés ? Ils l’ont eu le soleil, un soleil féroce qui brûle les corps et les cœurs, qui crame les jardins et les champs le soleil brille pour tout le monde mais ses rayons ne sont aussi amicaux au Sahel que sur la Riviéra.

Dans les pays d’enfance de Davy Myrtho, les enfants qui croient au Père Noël lui demandent d’abord un stylo, au cas où ils aient la possibilité de lui écrire une lettre, quand ils auront eu aussi une école pour appendre à écrire… Voilà pourquoi le père Noël ne va pas souvent en Afrique avec sa hotte et ses rennes, c’est pas le climat qui le rebute, mais c’est que le courrier est rare, et les cahiers d’école aussi quand aux écoles, elles sont souvent à quelques kilomètres de la maison, du coup, ça fait de l’exercice physique en même temps, ça fait des enfants solides, quand ils ont de quoi se nourrir, soyons positif.

Adobe Photoshop PDFEt pourtant, cet album est incroyablement tonique. Si on se sent dans un spleen de consommateur blasé, on prend conscience de quelques valeurs qui recadrent nos petites dépressions d’enfants gâtés.

C’est déjà ça… Le chant du monde offre des ribambelles de nuances, de léger, du futile, du commercial, mais aussi des chants profonds qui vont chercher au plus intime des émotions enfouies, à croire qu’on serait tous enfants d’une même famille… Eparpillée, mais qui pourrait se retrouver dans une harmonie heureuse… C’est pas vraiment ce qu’on voit ou entend aux infos, mais Kwassa Kwassa.. ça donne envie de tendre la main à ces cousins inconnus, et si possible, pas seulement le week-end de Noël.

Avec des riffs de guitare qui sonnent comme un tocsin, quelques choeurs marmailles et la fine fleur des musiciens et voix de La Réunion, Davy Myrtho nous embarque dans son arche, et vogue beau navire, comme toi je cours je marche je rêve d’une terre promise à découvrir, ou à inventer.

Je pose mes cartes sur table. Je suis responsable.

Je vais prendre le vent, et ça, librement.

Ce sera mon message de Noël, et pour que ce soit le vôtre, voyez ici, mieux vaut compter sur le chat de MistiMusic que sur le Père Noël qui est souvent dépassé par les évènements… Et vous saurez tout…

 

Misti logo

Et moi qui ai une passion pour le courrier, comment ne pas être embarqué par ce facteur, et les autres histoires, extraits,

Norbert Gabriel

Mauvaises nouvelles ordinaires…

16 Déc

En 2016, le Vingtième Théâtre qui accueillait les Lundis de la Chanson et pas mal de spectacles chansons fragiles et ambitieux, souvent autoproduits, ou produits par des petites structures, a été recadré en centre d’animation pour amateurs. Bon.

Le Limonaire , bistrot à vins et à chansons, une quasi institution dans le genre, est invité à se taire, donc condamné à mort, c’est comme si Montmartre était privé des peintres de la Place du Tertre, encore que là , resterait le vin de messe du Sacré Coeur et les cantiques, ou les requiem…

On a vu les dégâts des budgets réduits ou supprimés dans le monde culturel,  pour rappel l’état des lieux en Avril 2016, ici, clic sur une croix;cimetiere

Et ce n’est pas le courrier ci-dessous qui invite à l’optimisme, pas plus que l’année de promesses électorales dont Trump a fait quelques émules chez de possibles élus. Comprend qui veut.

Mais si la chanson est un art populaire largement partagé, on ne peut pas dire qu’elle soit largement diffusée quand elle invite à la réflexion, voire à la lutte…

Ceux qui luttent ne sont pas sûrs de gagner,

mais ceux qui ne luttent pas ont déjà perdu. (Brecht)

Adhérentes, adhérents, chers amis,

Après 28 années d’existence, l’avenir du Centre de la Chanson est menacé.

En 2013, à partir d’une large réflexion collective, nous avons procédé à une rénovation du projet associatif et mis en place une nouvelle direction et un conseil d’administration, porteurs de ce projet. Depuis près de 4 années, les résultats positifs de cette nouvelle orientation sont incontestables : une audience renforcée, une meilleure perception des actions du Centre de la Chanson, une augmentation du nombre d’adhérents, une visibilité accrue du tremplin. Alors que notre association fait la preuve de son utilité sociale, plus particulièrement auprès des artistes en développement, nous devons faire face à un désengagement important de l’État et des sociétés civiles : en 2015, nous avons subi une baisse considérable de l’aide de la Sacem, en 2016, c’est la Drac Ile de France qui baisse sa dotation. Pour 2017, l’Adami a annoncé son désengagement total. Seule la Ville de Paris maintient son soutien financier et a permis par la mise à disposition de l’Auditorium Saint Germain, un déroulement de qualité du tremplin.

Le Centre de la Chanson est avant tout un projet d’intérêt général, un service gratuit de conseil et d’accompagnement. C’est un outil utile et nécessaire pour les artistes de la filière chanson.

Dès à présent, ces désengagements financiers de l’État et des sociétés civiles, nous obligent à réduire considérablement nos activités et entrainent de forts risques de rupture de trésorerie. Pour 2017, cette situation nouvelle rend impossible la présentation d’un budget fiable et en cohérence avec notre projet. Face à cette réalité et conscient de ses responsabilités, le Conseil d’Administration de l’association se voit dans l’obligation d’inscrire à l’ordre du jour de la prochaine Assemblée Générale, la cessation des activités du Centre de la Chanson.

Dans les jours qui viennent, nous rendrons publiques nos protestations contre ce nouveau coup porté à la chanson et à ses artistes, contre le désengagement progressif de l’État en matière de politique publique de la culture et contre les nouveaux arbitrages financiers des sociétés civiles.

Les projets menés, les rencontres artistiques diverses, les milliers d’artistes talentueux qui ont poussé la porte du Centre de la Chanson font la richesse de notre activité. Nous sommes fiers de notre bilan et des actions que nous avons conduites.

Merci à vous, adhérentes et adhérents de l’association, et à vous tous, artistes et amis de la chanson, qui nous avez apporté votre talent, votre soutien, votre réflexion.

Si vous le souhaitez, vous pouvez nous envoyer vos témoignages, vos messages de soutien et d’amitié sur cette adresse, cliquez, et c’est ouvert.

centre-chanson-logo

Il pleut des chansons .

15 Déc

fred-couv-livre-la-memoireEst-il besoin de présenter Fred Hidalgo sur ce blog collectif ? Tous les amoureux de chansons doivent le connaître, un échanson qui ne sert pas à boire aux princes de ce monde, mais qui a servi la chanson durant toute sa vie, en humble serviteur, les coulisses, les histoires, les rencontres, les coups de cœur et les coups de gueule, tout est dans cette mémoire qui chante . Fils de réfugiés espagnols, journaliste, éditeur, écrivain, créateur de Paroles et musique , en 1980, avec sa « chère et tendre », comme il aime à le dire, Mauricette, qui l’accompagné efficacement dans toutes ses aventures musicales , puis Chorus, en septembre 1992, qui était le lien « entre toutes les parties composantes de la chanson, référence absolue » , et qui disparaît à son tour, suite au dépôt de bilan du nouvel éditeur, en 2009 .

Et sans jamais baisser les bras, Fred Hidalgo ouvre un blog toujours actif à ce jour, Si ça vous chante.  Nous avons dans ce journal d’un échanson  Une sorte d’histoire de la chanson, de 1950 à nos jours, mais vue de l’intérieur, sous forme de témoignage personnel . On y trouve des histoires d’amitié avec les plus grands, Brel, Brassens, Ferré, Nougaro, Vigneault, Leclerc, Béart, Anne Sylvestre, Leprest, Ferrat, Pierre Perret, Vasca, Bertin, etc , mais aussi avec Frédéric Dard, Cabu, Jean-Pierre Leloir et bien d’autres, ayant toujours un lien avec la chanson, comme son oncle, Antonio Garcia Lamolla, qui peignait devant le petit Fred émerveillé, un tableau prémonitoire : « Il pleut des chansons . » .

fred-hidalgo-et-mauricetteParmi tous ces grands noms de la chanson, et parmi ceux qui sont moins connus, on note une tendresse particulière et légitime pour ceux qui ont une mémoire commune avec l’auteur, Paco Ibáñez, Leny Escudero, Etienne Roda-Gil, Cali, à qui il dit : Tu es de ma famille , ou Olivia Ruiz, Nilda Fernandez, Jordi Barre , « la voix du pays catalan ». Fidèle à ses amis, collaborateurs, à tous ceux qui se sont engagés auprès de lui, auteurs de livres sur la chanson, comme Marc Robine, cité aussi en tant que chanteur, ou Michel Trihoreau, Jean- Michel Boris, et bien d’autres, il n’oublie pas la relève des plus jeunes, se montrant parfois pessimiste pour leur avenir, parmi tous ceux cités , aux côtés de Souchon et Voulzy, il y a Agnès Bihl, Fred Bobin, Laurent Berger, Joyet, Miravette, Louis Ville, « le rauque and rolleur », Rémo Gary, et une foule d’autres .

Quel sera l’avenir de ces jeunes, avec le franglais qui sévit de plus en plus sur les ondes,  L’épidémie ne cesse de s’étendre, et il cite Nougaro :  Moi, ma langue, c’est ma vie, et ma langue, c’est la française. Quand on dit qu’elle manque de batterie, c’est des mensonges, des foutaises .  (Vive l’alexandrin, 1989) .

Le mépris des médias pour la chanson francophone, la grève du rêve, l’étouffement de la culture qui profite aux barbares :  L’homme sans culture est comme une bête sauvage, prête à tout pour simplement survivre, à faire table rase du passé pour imposer son propre mode de vie bestial au reste du monde , l’homme cultivé vit ( généralement), en paix et en harmonie avec ses semblables, dans la beauté et le bonheur de vivre si joliment illustré par Matisse .

fred-et-foulquierCoup de gueule salutaire aussi contre la disparition progressive de toutes les meilleures émissions autour de la chanson, Vagabondages, avec Roger Gicquel, Bienvenue chez Guy Béart, Discorama avec Denise Glaser, et sur France Inter, qui fut jadis une radio de référence, avec Foulquier : Foulquier, jeté de France Inter, purement et simplement : Tu vois, Jean-Louis, je vais pas t’oublier . » , puis Isabelle Dhordain et le Pont des artistes, Levaillant, jusqu’à Philippe Meyer, récemment .

Malgré tous ces coups durs portés à la chanson, malgré les deuils, certains vécus durant la rédaction de ce livre, comme ceux de Guy Béart, Leprest, Luc Roman, Hervé Cristiani,  Leny Escudero :  Salut et merci pour tout, Leny. Et hasta siempre, frangin !   « Tous ces amis disparus depuis le printemps dernier, ( août 2011) : Jean-Claude Darnal, Ricet-Barrier, Claude Léveillée… Juqu’au camarade Allain Leprest qui a décidé lui-même du jour de son départ, ce 15 août d’assomption, quelques semaines après avoir été programmé, en Auvergne, aux…Rencontres Marc Robine . » Mais  on a pas fini d’entendre parler de toi et de tes chansons, on a pas fini d’entendre parler du « plus connu des chanteurs inconnus , selon ta propre expression. » . Et l’évocation du dernier concert de Georges Moustaki, au Palau de la Musica de Barcelone, en janvier 2009, il était déjà très faible, et fit un grand effort pour chanter trois chansons :  Le 3 mai, Milord Moustaki fêtait ses soixante-dix-neuf ans. Le 23, Edith, Tonton Georges, Barbara et Serge, entre autres, l’accueillaient au paradis des musiciens, pour y faire valoir enfin son droit à la paresse. Et personne, cette fois, pour nous en faire le compte-rendu . Je vous avais prévenu, tout reste à dire.

Malgré tous ces départs, Fred Hidalgo nous incite toujours à l’utopie :  L’utopie, c’est ce qu’il reste à réaliser et ce sont les artistes, les poètes, les musiciens, les peintres, qui changent le monde.  On peut aussi partager, tout au long de ce livre, de fabuleuses rencontres autour de la chanson, dans tout l’espace francophone, de l’Afrique au Québec. Fred Hidalgo parle aussi passionnément de son aventure africaine, Tadjoura, où La nature est grandiose, austère, mystérieuse », Djibouti.

Ballade de la mer rouge  où ont bourlingué Rimbaud, Henri de Monfreid, Kessel, Hugo Pratt, etc, que de Petite Vallée, un minuscule village de Gaspésie, et au bout du bout, une maison qui aime les chansons : C’est un petit coin perdu de Gaspésie où le folklore et la chanson ont toujours été essentiels à la vie quotidienne, où les soirées familiales sont depuis des générations égayées par des danses et les chants traditionnels . Un village ( d’irréductibles?) où l’on invite à la fois les plus jeunes à redécouvrir le patrimoine, et l’ensemble des habitants et des gens de passage, artistes ou spectateurs, à faire du festival en chanson de Petite vallée un havre de création, berceau d’avenir.

Ou encore sa participation aux Nuits de Champagne, en compagnie de Souchon et Voulzy, nuits prolongées dans l’intimité des chanteurs, où l’on apprend l’émerveillement de Laurent Voulzy devant « la bible de Saint-Bernard, réalisée entre 1145 et 1150 , par le scriptorium de l’abbaye de Clairvaux . Bible qui a joué un rôle déterminant dans la carrière de Voulzy .

Il y a ainsi plus de 600 pages de témoignages autour de la chanson, et c’est un bonheur renouvelé, de retrouver au fil des pages les noms de ceux que l’on connaît, qui sont sur le dessus de la pile, dans la discothèque, ceux que l’on a pu voir en concert, ceux que l’on espère voir encore, même si au bout du compte, on aurait aimé voir entrer dans cette grande ronde quelques absents, comme Christophe Trégret , chanteur du quatuor Malaquet, qui a fait revivre remarquablement 12 chansons de Leny Escudero, dont « Voyage », en duo avec Christine Escudero, Christophe Trégret a permis ainsi de faire renaître et faire connaître aux nouvelles générations le répertoire de Leny Escudero, qui, lui-même, ne pouvait plus chanter , et Leny a pu écouter la maquette de l’album avant de nous quitter . Je pense aussi à Serge Utgé-Royo, lui aussi fils d’exilés républicains de la guerre d’Espagne :

 Je pense à vous vieux compagnons

dont la jeunesse est à la douane

et pardonnez si ma chanson

vous refait mal à votre Espagne

Mais j’ai besoin de vous apprendre

j’ai envie de vous ressembler

Je gueulerai pour qu’on entende

ce que vous m’avez enseigné .

Mais n’oublions pas que ce livre est un témoignage personnel, une mémoire qui n’appartient qu’à son auteur . Et c’est un livre qui restera à jamais ouvert , je pense que comme moi, beaucoup de lecteurs auront souvent envie de revenir dans cette grande maison d’amour de la chanson .

Pour finir, il faut souligner le pied-de-nez fait aux éditeurs qui ont refusé de publier ce livre , livre qui a vu le jour grâce aux souscripteurs qui ont fait sauter le compteur du financement participatif !  A tous et à toutes, ma profonde reconnaissance .  Fred Hidalgo .

PS :  » J’adore les chanteuses » Enfin, les deux lignes, sur 661, c’est peu, mais qui m’ont fait râler: C’est ce qui est beau chez les femmes qui chantent, c’est leur fragilité, comme Véronique Sanson, elles semblent timides et démunies dans la vie, et puis sur scène, pan ! Ce sont des mecs ! Avec la grâce féminine bien sûr. Pareil pour Camille … J’adore les chanteuses . Pardon Fred, mais ce ne sont pas des mecs, ce sont des femmes qui chantent, ni plus ni moins fragiles et démunies que des mecs !

Danièle Sala

Et pour quelques infos de plus , faites tourner l’aile du moulin, ou cliquez sur Rossinante….

fred-moulin

 

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