Demain à l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, vous pourrez toutes affaires cessantes saluer votre libraire préféré(e) et dans la foulée, lui commander ce livre. Pourquoi ?
D’abord, il remet à sa juste place un des auteurs compositeurs les plus importants de la chanson francophone. Guy Béart a eu un début de carrière fulgurant, avec une chanson qui est entrée d’emblée dans la mémoire collective comme un vieil air du folklore de France. Ce qui était déjà un début de malentendu pour une partie du public qui l’a réduit à cette jolie comptine Pourtant Béart est sur la même ligne que Michel Tournier dans la conception de son œuvre : Tournier était passionné par la littérature jeunesse, et ses romans pour adultes étaient en quelque sorte des prototypes avant les versions définitives destinées au jeune public. Et pour Béart, la chanson, art populaire par excellence, doit répondre à l’équation suivante : elle doit d’abord charmer les enfants, puis séduire les femmes, intéresser les hommes ensuite, et retenir, enfin, l’attention de quelques uns en diffusant en contrebande un message caché qui satisfera celles et ceux qui le découvriront.
Et c’est le plus souvent par la mélodie qu’elle attrape l’oreille avant de passer dans le cœur. Et d’y rester quand les mots sont à la hauteur des notes.
Dès ses débuts, Guy Béart a dans son répertoire des chansons comme L’eau vive et des chansons science fiction quasi ésotériques, poèmes de visionnaire, accompagnés de musiques sophistiquées (Les temps étranges) ou visions de cauchemar d’un monde en apocalypse (En marchant le long des routes) Ou La Chabraque, une composition très Kurt Weill sur un poème de Marcel Aymé…
Boris Vian lui conseillera de garder en réserve les chansons trop déroutantes, pour éviter d’être ghettoïsé dans un genre confidentiel. Mais Béart a une inspiration très diversifiée, les histoires de sa vie, ses amours, transparaissent très vite, avec des chansons superbes, comme la plus belle chanson d’amour, Vous, tout est dit dans l’amour total qu’on ne peut expliquer ni décrire. Le public sera vite séduit par Qu’on est bien…(dans les bras d’une personne du sexe opposé) et aussi Poste Restante, et c’est l’entrée immédiate dans la cour des grands. Ensuite, quand arrive la vague yé-yé, le voilà has been, à 30 ans, comme Moustaki après Milord, c’est la trentaine en quarantaine des gazettes… Ce qui ne durera pas… Ni pour l’un ni pour l’autre.
La suite, vous la trouverez dans le livre de Baptiste Vignol, très agréablement construit, le parcours biographique est complet, avec des extraits de chansons qui éclairent ce qui passionnait Béart dans sa vie et dans son art, ses amours avec des femmes-chats jamais tenues en laisse, son indépendance vis-à-vis des structures financières du showbizz – il a été le premier à créer un label indépendant- son caractère parfois déroutant… Pas d’anecdotes superflues du genre pipolerie pour ados, tout est là pour préciser des points de détails sur l’ art de la chanson.
Il y a aussi des interviews, Denise Glaser, la grande amoureuse des artistes, qui l’a beaucoup soutenu, et le verbatim d’un extrait d’Apostrophes de Bernard Pivot dont la plupart des gens ne retiennent que les éructations de Gainsbourg quand il est question d’arts à initiation. Ce soir là, Béart aurait pu crucifier Gainsbarre avec une honteuse histoire de plagiat, il ne l’a pas fait, ça s’appelle la classe. Celle d’un honnête homme comme on disait au siècle des lumières.
Baptiste Vignol publie une des biographies les plus agréables parmi ce qui a été proposé ces dernières années, indispensable dans la bibliothèque-discothèque des amateurs de chanson, car c’est aussi un élément de compréhension de la scène contemporaine, ses enjeux et ses dérives, et ses palinodies, quand on voit dans les librairies des biographies de produits de realtv, artistes de 20 ans, qu’on biographie pour une carrière de 2 ans, est-ce bien raisonnable ?
L’auteur a écrit il y a quelques années, Cette chanson que la télé assassine, (Editions Christian Pirot) et dans ce que dit Béart, on trouve quelques compléments d’infos sur cet assassinat. Pas les réflexions aigries d’un vieux de la vieille qui chouine que c’était mieux avant, mais un point de vue lucide et documenté.
Un des mots qui revenait régulièrement avec Guy Béart, c’est Fraternité. Et au final, on peut lui murmurer,
Un dernier mot
À votre adresse
Regrets, tendresses
Et à bientôtChantez, chantez
Que tout le monde
Ferme la ronde
De l’autre côté.Et pour finir en chanson,
Baptiste Vignol, Guy Béart Il n’y a plus d’après, biographie, sortie de le 22 Mars
Norbert Gabriel
Sûr que cette bio doit être autrement plus intéressante que celle de Louane !,Et elle vient combler une lacune, , en effet Guy Béart est le grand absent du Top 100 des chansons que l’on devrait connaître par coeur .
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L’avantage de faire la bio de Kendji ou de Louane, c’est que c’est vite fait… C’est pour la génération tweeter, vite lu vite oublié. C’est aussi un miroir aux alouettes un peu pervers, mais si les « biographes » se mettent à faire un livre pour tous les héros d’un quart d’heure de realtv, ça faire du mal aux forêts qui n’ont pas besoin de ça.
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