Auteur de deux premiers albums, « Que nos yeux soient lavés » (2008) et « La reine désastres » (2011) auréolés d’une reconnaissance croissante au grès des scènes et des tremplins, Julie Et Le Vélo Qui Pleure s’était accordé quelques temps de pause, le temps à consacrer aux vies privées des uns et des autres, le temps d’investir d’autres engagements professionnels, le temps de s’engouffrer dans d’autres projets artistiques. Temps durant lequel Julie Lagarrigue, art-thérapeute de métier et chanteuse de la formation, a continué d’exercer son travail tout en collaborant à des pièces de théâtre avec l’Atelier de Mécanique Générale Contemporaine pour finir par en écrire une elle-même en 2014, « J’ai rencontré des étrangers ». Mais le groupe n’est pas descendu de selle pour autant : c’est entourée de trois nouveaux musiciens que Julie, dont la voix et l’interprétation convoquent à nos oreilles le fantôme chaleureux de Barbara, reprend la route et s’attèle à de nouvelles compositions. Cette artiste singulière, dont les différentes identités professionnelles fournissent la matière du travail artistique acceptait de nous recevoir il y a quelques jours.
– Julie, bonjour et merci de nous recevoir. Tu t’accompagnes souvent au piano, mais on a pu te voir jouer bien d’autres instruments. Comment as-tu rencontré la musique ?
– Mon père jouait du piano, et j’ai appris le piano classique dans ma jeunesse, car c’était pour moi un bon moyen de passer du temps avec lui. La révélation m’est venue d’un de mes profs de piano, Rémi Brel , qui s’agaçait parfois de mon manque d’application. Un jour il s’est énervé, car je ne jouais pas une basse comme il le fallait dans « Dr Gradus ad parnassum » de Debussy. Il m’a dit « putain, mais cette basse, c’est les ténèbres ! ». Il arrivait à parler de la musique comme d’un tableau. Et je dois dire que ce jour là a été une révélation !
Après mes 20 ans et mon parcours aux Beaux Arts, j’ai découvert qu’on pouvait jouer en groupe. J’ai alors commencé à jouer avec un groupe de copines qu’on a appelé « Lépicerie ». Nous étions 4 filles, et nous jouions notre spectacle dans la rue, avec un esprit décalé et un peu déjanté. Ça a été un apprentissage très formateur. Je suis alors passée à la guitare, que j’utilise toujours beaucoup, car c’est un instrument plus simple scéniquement et qui facilite la communication avec le public : on la tient dans ses bras ; on peut chanter et s’exprimer en regardant le public de face, alors que le piano créé un mur. Il m’est arrivé de jouer sur un piano droit ouvert, qui m’empêchait de voir les musiciens avec qui je jouais et aussi le public, comme récemment à Cébazat (63). Je me suis également essayée à la clarinette, à l’accordéon : j’ai toujours aimé jouer de tout, plus que du piano, et surtout toucher les instruments. Comme je ne sais pas jouer précisément des autres instruments, je n’ai pas les complexes des professionnels qui se doivent de ne pas commettre de faute. Quant à l’accordéon, j’y suis venue pour une pièce de théâtre. En tant que musicienne pour l’Atelier de Mécanique Générale Contemporaine [http://www.atelier-de-mecanique-generale-contemporaine.com/newsite/index.php], j’ai participé à pas mal de spectacles depuis des années, dont une pièce qui s’appelait « Les cafés du désordre ». J’y tenais le rôle d’une fille, qui sympathise avec des Roms et décide de quitter sa vie guindée pour partir avec eux jouer de l’accordéon. On m’a commandé des chansons pour la pièce, dont « L’exil » (voir clip) pour laquelle j’ai appris à jouer de cet instrument, au départ sur un accordéon chromatique pour enfant, avant de m’acheter un accordéon à clavier. Je n’avais que trois semaines pour travailler la commande et apprendre à jouer ; c’est dire si ça s’est fait à une cadence infernale. Évidemment je n’en joue pas très professionnellement, mais je m’en sers pour m’accompagner et donner une couleur à la musique de mon répertoire.
– Tes compositions sont pourtant élaborées. Les crées-tu seule ou t’arrive-t-il de faire appel à des compositeurs ?
– En fait je compose souvent des chansons qui sont largement au dessus de mon niveau musical ; mais j’ai la chance d’être accompagnée par des musiciens de talent et qui me connaissent bien. D’après la mélodie et l’accompagnement souvent basique que j’imagine, les lignes directrices dont je leur fais part quant à ce que je veux exprimer, et l’ambiance que je souhaite apporter, ils améliorent et arrangent la composition. En un sens, heureusement que j’ai mes idées bien avancées quant à la direction dans laquelle je souhaite conduire mes compositions, car c’est toujours un peu compliqué de se réunir pour répéter sur du long terme ; Ziad joue un peu partout en Belgique, en Tunisie, au Koweit en ce moment, et Ceïba est également très prise par son projet. Donc si je ne savais pas exactement où je vais, on perdrait un temps fou. Ce sont des musiciens avec qui j’ai des affinités musicales bien sûr, mais humaines aussi, et qui comprennent mes envies.
– Comment les as-tu rencontrés?
– J’ai rencontré le guitariste Anthony Martin, lors de l’écriture de la pièce « J’ai rencontré des étrangers », alors que je cherchais un sonorisateur. C’est une personne très discrète, qui n’aime pas se mettre en avant. Et pour ma pièce, j’avais besoin d’un sonorisateur calme, et non d’un technicien qui voudrait imposer ses idées, car la pièce devait être jouée dans des milieux médicalisés. Il me fallait quelqu’un disposé à aller dans ces endroits. Il à découvert mon univers théâtral d’abord puis musical ; j’ai tout fait pour le convaincre de monter un duo ensemble pour revisiter le répertoire du Vélo. Pendant ce temps, le groupe avait été un peu mis de côté. Puis Ziad Benyoussef, joueur de oud nous a rejoints ; c’était pour lui une nouvelle expérience que de jouer de la chanson française, car il est formé aux musiques orientales. Enfin Ceïba, percussionniste, est arrivée dans le groupe, pour partir complètement à la découverte d’un nouvel instrument, avec ce vélo que nous avons conçu et modifié pour qu’il devienne un set de batterie/percussions. J’ai très envie d’apprendre et d’échanger avec ces musiciens, qui ont tous une pratique particulière et un univers propre : la percussionniste a une formation des rythmes africains ; le joueur de oud pratique les musiques orientales avec les quarts de ton ; et le guitariste est formé à la musique brésilienne, au Chorro et au Forro. C’est quelqu’un de très précis. Il y a aussi deux techniciens talentueux qui nous accompagnent : Yvan Labasse à la lumière et Luc Uyttersprot au son.
– C’est une formation instrumentale originale, peu commune dans la chanson. D’où vient l’idée de ce groupe et quel sens donnes-tu à sa singularité ?
– J’ai enregistré une maquette en 2005. J’avais perdu mon frère en 2004, et je m’étais enfermée pour enregistrer des chansons. On a monté un groupe avec des musiciens pour enregistrer cette maquette qui s’appelait « Le vélo qui pleure ou le nez dans le guidon », et sur laquelle il y avait une chanson, « Ni oui ni non » qui parle d’une balade à vélo. Je partais souvent en vélo la nuit à Bordeaux pour me balader, et je chantais à tue tête sur mon vélo. Pour moi, le vélo, c’est la liberté. Le titre de la maquette est devenu le nom du groupe. Mais à l’époque, il n’y avait pas encore de vélo dans la formation. Ce n’est qu’en discutant plus tard avec une amie percussionniste -Ceïba donc- à qui j’ai soumis l’idée qui me trottait en tête de demander à un batteur de jouer sur un vélo qui lui servirait de support et d’instrument que le concept a pris forme : elle m’a recontactée, car elle avait envie d’essayer cette expérience.
Je suis animée par l’envie de rechercher d’autres sonorités, plus originales. Nous abordons des sujets assez graves, comme l’autisme et d’autres pathologies, et je voulais des sons différents, qui soient en accord avec le texte et parlent à d’autres sensibilités. Le travail du son représente des tonnes de détails dont les gens ne se rendent pas forcément compte, mais qui créent toute la richesse du résultat. Malheureusement on peut passer des heures de travail sur la prise et le traitement du son, et au final le résultat sera écouté en MP3. C’est un équilibre dur à trouver, et un réel parti pris, dans la vie actuelle, de vouloir continuer à faire du beau travail et de la qualité.
– Les sujets traités, justement, ont, pour bonne part, rapport avec la maladie, souvent mentale, qui est un univers que tu connais bien, d’un point de vue professionnel. En quoi est-ce important pour toi de les aborder par ailleurs d’un point de vue artistique ?
– En effet, de par ma profession d’art-thérapeute, j’ai été amenée à travailler avec des malades de toutes sortes : polyhandicapés, autistes, trisomiques, personnes dans le coma, etc… Ma thématique privilégiée a longtemps été ce que je vivais dans mon quotidien, donc mon travail, donc la maladie, la mort, et les sujets liés au milieu médical.
J’ai beaucoup appris auprès des autistes, car ils entendent des choses que l’oreille commune n’entend pas, ou auxquelles elle ne prête aucune attention. Par exemple, certains entendent des sons très lointains, aussi petits soient-ils, et ne peuvent pas travailler, car cela interfère dans leur concentration. Au fil de mon travail, j’ai compris qu’ils étaient dérangés, parce qu’ils entendent des sons que nous ignorons (ou auxquels nous ne faisons pas attention). Avec eux, j’ai exercé mon ouïe et commencé à entendre moi aussi certain de ces sons ; j’ai aiguisé mon oreille. Cette formation m’a permis de comprendre que la plupart des malades (en psychiatrie) souffrent de troubles sensoriels, (le traitement des informations par le cerveau est super complexe ! L’organisation, le tri, le classement…).
C’est pourquoi j’ai très envie de travailler sur le concept d’ordre. C’est bien par notre système sensoriel que nous appréhendons le monde environnant. (Et par notre super usine « cerveau » qui traite ces informations!)
La musique est une organisation de sons, de bruits, qui pourraient nous parvenir de façon désordonnée, mais s’organisent pour créer quelque chose, une harmonie. Et le spectacle qu’on va monter, dans sa forme idéale, cherchera à exprimer cela à travers l’œil de l’éclairagiste et l’oreille du sonorisateur, de manière à ce que les spectateurs puissent entendre et voir la musique à travers les lunettes des techniciens. Par exemple au lieu de nous éclairer tous ensemble, je voudrais qu’il fasse des gros plans et des focus sur de tout petits détails, un bout de doigt sur une corde par exemple, pour ensuite élargir l’angle de vue, afin qu’on se rende compte combien le point de vue est important, ou plutôt à quel point on pourrait jouer avec. Pour exemple, je suis partie de l’idée d’un personnage évoquant un clochard qui ouvre une bouteille de vin, en me disant qu’on pourrait d’abord entendre juste le bruit du bouchon qui tombe par terre, voir un geste, puis ouïr la respiration et le rythme du corps, comme la naissance de l’organisation d’une musique.
Cependant pour ce qui est de mes prestations en milieux hospitalier, on fait surtout appel à moi en tant qu’intervenante artistique. Et c’est pour moi beaucoup d’émotion, quand on arrive à faire monter sur scène des gens qui n’auraient jamais pu penser s’y retrouver un jour. Mais il y a une grande différence entre l’art-thérapeute et l’artiste : le premier fait partie de l’équipe paramédicale, il travaille sur indication et a des objectifs thérapeutiques, alors que le second a des interventions plus éphémères et ponctuelles et ne travaille pas forcément avec les malades. Les expériences artistiques ont bien sur et souvent des conséquences thérapeutiques ; mais l’idée à la base n’est pas de faire de la thérapie. Il s’agit plus d’initier les malades à une approche de l’art, à des expériences aussi, via des ateliers d’écriture ou des essais musicaux. En outre les artistes sont subventionnés par un budget consacré à la culture dans l’hôpital, alors que les art-thérapeutes sont financés par le domaine de la santé. L’artiste n’est pas un animateur d’atelier d’expression. Il pourrait juste venir exprimer quelque chose, livrer une vision, mais sans être astreint à travailler avec les malades.
« J’ai rencontré des étrangers » n’est pas un spectacle événementiel ou divertissant ; il pose des questions autant aux soignants qu’aux soignés. Dans mes chansons sur ce thème, je veux donner une vision large, en ne parlant ni uniquement du point de vue des médecins, ni de celui des malades. Il faut gommer ce mur et cette hiérarchie, car après tout, cela peut arriver à n’importe qui de faire une dépression et se retrouver de l’autre côté.
– On te compare souvent à Barbara ou Juliette. L’ambiance de certaines de tes chansons m’évoque aussi l’écriture et l’interprétation de Belle du Berry (Paris Combo). Quels artistes t’influencent vraiment ?
– Bercée à la musique classique que j’ai toujours entendue à la maison, je n’ai découvert la chanson et la variété que plus tard. On m’a souvent cité Barbara en comparaison, et au début je pensais que les gens me parlaient d’elle à cause des vêtements noirs et du piano, et parce qu’elle a un système respiratoire très « en urgence » surtout à ses débuts. J’ai peut-être pris pas mal d’influence d’elle inconsciemment. Il y a aussi chez elle une grande mélancolie et de l’espoir. Quant à Juliette, je l’ai rencontrée à l’occasion d’un master class. Même si je ne connais pas bien son travail, le jour où je l’ai entendue chanter une chanson d’Edith Piaf, j’ai compris ce qu’il y a d’extraordinaire chez elle: c’est une interprète hors pair. J’adore Brel, Barbara, Moustaki aussi, donc les comparaisons me font plutôt plaisir. J’adore également la musique du monde, du Cap Vert, le Maloya de la Réunion, Souad Massi. Ce sont des musiques mélancoliques et en même temps très rythmées. C’est sans doute pour cela qu’il y a pas mal de rythmes et de mélanges d’influences dans ma musique. D’un autre côté j’apprécie la chanson à texte, qui signifie vraiment quelque chose. C’est toujours décevant d’écouter une musique superbe et de découvrir un texte médiocre posé dessus. J’aime beaucoup Bertrand Belin, Emily Loizeau, Nicolas Jules, et leur manière d’incarner ce qu’ils sont en train de dire. Nicolas Jules a bouleversé ma vie ; chaque fois que je sors d’un de ses concerts, je mets un temps fou à m’en remettre. Pour moi, c’est un grand artiste, car il est hyper cohérent dans tout ce qu’il fait, et j’adore ce qu’il prône de ce qu’est être un artiste aujourd’hui. Il repousse sans cesse les frontières et les limites de là où il ne faudrait pas aller, mais sans jamais les enfreindre. En plus il est très drôle. C’est Joe Doherty qui m’a l’a fait découvrir, ainsi que Bertrand Belin. Agnès Doherty a été la contrebassiste de mon groupe pendant un moment ; elle figure d’ailleurs sur un enregistrement démo de 6 titres. Et Joe est venu jouer sur notre dernier album « La reine des désastres ».
– Tes textes sont souvent à la première personne ; pourtant ils ne parlent pas que de toi, loin de là. Pourquoi ?
– Exact. J’écris souvent à la première personne, même si ce n’est pas pour parler de moi. Par exemple, j’ai une chanson sur les travaux qui ont lieux dans le quartier St Michel à Bordeaux, qui est exprimée à la première personne, mais ce narrateur est un arbre qui voit les hommes s’agiter autour de lui, refaire les rues et les pavés.
Quand on écrit une chanson et qu’on la chante aux autres, on a envie d’être entendu et compris, de faire passer une idée, une émotion, même si au final, on sait que la part d’interprétation et de fantasme de l’auditeur est grande, et tant mieux. A ce propos, Le Larron est intervenu lors de rencontres à Astaffort et d’ateliers sur l’écriture des chansons, et ses écrits me servent beaucoup. Il faut avouer que le cynisme de son univers n’est pas vraiment mon royaume ; mais qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, on ne sort jamais indemne de ses concerts. C’est un des rares artistes que j’ai rencontrés pour qui le thème et l’objectif d’une chanson sont très clairs. Il est très fort pour trouver les phrases d’accroche, dérouler l’évolution des textes sans perdre de vue l’objectif de ses chansons. Il est très appliqué et exigeant là-dessus.
– As-tu, comme certains artistes, l’obsession d’exprimer par la musique le même propos que par le texte ?
– Non, pas du tout. Le titre « Intuition » sur mon premier album parle de l’enterrement d’un enfant, alors que c’est un titre très dansant, qu’on joue souvent en rappel, accompagné par le public qui frappe des mains. J’ai souvent mis des musiques dansantes sur des thèmes plutôt tristes, parce que je pense qu’il y a toujours de l’espoir. On vit dans une culture de l’empathie triste, et j’ai très envie d’en sortir. J’ai beaucoup souffert du fait qu’après le décès de mon frère, dont parle la chanson « La lune », les gens qui me croisaient prenaient un air triste et mal à l’aise. Quand on vit un drame pareil, on n’a pas envie de ça. On a envie de se dire que la vie continue, même si c’est dur, et que la mort fait partie de la vie. Je pense que les parents de personnes handicapées subissent le même regard compatissant, voire apitoyant parfois. C’est pour cela que je parle de l’autisme aussi avec une composition enjouée. Ce que la chanson signifie est : on est chacun dans notre monde, on ne se comprend pas, mais de quel droit puis-je prétendre montrer à l’autre le bon chemin ? C’est un peu ce que font les méthodes comportementales actuelles, tentant d’inculquer aux malades comment se tenir en société, comment traverser une rue, et d’autres règles basiques de bienséance. C’est un peu du dressage ; bien sûr grâce à cela les malades parviennent à s’intégrer un peu, mais il y a quelque chose là qui relève du principe que nous sommes bien éduqués parce qu’on mange avec une fourchette, et donc qu’on doit apprendre cela à tout le monde.
– Tu donnes l’impression de fonctionner de manière assez autonome, en gérant aussi la dimension logistique et matérielle du métier. Cela est-il dû à une volonté de tout maitriser ou est-ce une nécessité de survie ?
– Non, le fait de maitriser toutes ces choses n’a pas été la conséquence d’une volonté personnelle au départ. C’est une sacrée galère que d’être signé sur un label, et trouver une maison de disque. J’ai connu une première boite de production au début, mais qui faisait plutôt de la variété, et ne me trouvait pas de dates de spectacle, car je ne suis pas exactement sur cette scène là, puis ai été distribuée sur V-Music. Mais au final, je me suis toujours retrouvée en autoproduction. J’ai finalement embauché une personne via mon association en tant que chargée de production. Et puis comme on apprend à se débrouiller en faisant soi même, je me suis familiarisée avec ces fonctionnements. Mais si je pouvais, je me déchargerais de ces tâches pour me consacrer à la musique. Donc c’est par la force des choses qu’on a été conduits à l’autoproduction ; d’un autre côté ça nous permet d’éviter tous les circuits intermédiaires. Intégrer l’industrie du disque présente le danger qu’on peut devenir un autre produit assez vite.
Il nous arrive de jouer sur de grosses scènes ou aussi faire des concerts à domicile, chez des particuliers. J’ai un ami producteur de vins bio, qui écoule son produit par son réseau personnel et non par les voies de distribution classique du commerce. C’est une démarche alternative qui correspond à la mienne, et nous avons donc entrepris ensemble des concerts chez l’habitant avec dégustation de vins, parce qu’après tout nous avons le même public, c’est-à-dire des gens qui aiment l’art, la qualité et les bonnes choses. Nous avons organisé ce genre de soirée jusqu’à Rennes.
– Sur scène, tu sembles avoir une forte personnalité avec beaucoup d’assurance. D’où cela vient-il ?
– Je peux paraitre avoir beaucoup d’aplomb en effet. Mais en réalité, j’ai un trac énorme. Ce qui donne l’impression que j’ai de l’aplomb, c’est que d’une part je subis un trac particulier qui me fait somnoler et me donne un air nonchalant et détendu, et d’autre part dès que le trac m’envahie, je le confie au public, et je joue avec les galères. Les gens aiment bien cela, car ça créé une complicité avec eux. Pour l’anecdote, au Mans Cité Chanson en 2009, je chantais seule la première chanson avant l’arrivée des musiciens en salle, qui devaient monter sur le plateau pour la seconde chanson. Outre le jury, il y avait dans la salle près de 900 personnes. J’étais habillée très BCBG, avec une petite jupe et des collant. Mes collants ont grillé, et d’un coup ça donnait un aspect grunge qui ne collait plus avec mon personnage. J’ai expliqué la mésaventure au public et suis retournée au piano, dont la pédale glissait pendant le morceau, de sorte que j’ai du m’arrêter en plein milieu de ma chanson pour aller chercher ma pédale à quatre pattes sous le piano. A ce moment là, j’ai pensé que c’était tellement lamentable, que c’était foutu pour nous. Et à ma grande surprise, on est passés en finale ! Je crois que quelque part, les gens ont pensé que tout cela était prévu pour faire du comique et que ça leur a plu. C’est pour cette raison que je semble avoir de l’aplomb, et un côté clown. Le travail du clown, c’est d’être présent et de confier ce qui se passe, en en jouant. Et pour ce faire il faut être à l’aise avec ses musiciens et son équipe. Mais mon trac existe bel et bien ! Ceci dit j’essaye de me raisonner en me disant que je ne fais que ce que je peux faire à ce jour.
– Peux-tu nous parler de tes projets immédiats ?
– L’exil sera probablement le fil conducteur de mes prochaines compositions. Pour le prochain album, j’ai créé des chansons et repris aussi quelques unes des chansons que j’avais composées pour la pièce, que j’ai remises en situation. Comme j’ai un public assez fidèle, il peut comprendre le sens des mêmes chansons autrement ; ça m’a permis de me rendre compte de l’écart entre ce que je chante et j’ai voulu dire et ce qu’en comprennent les gens sans explication préalable. C’est aussi pour cela que j’ai envie d’être bien plus claire dans l’écriture. Pour l’instant on a juste enregistré des répétitions en live, mais ça sonne déjà bien. C’est très différent de l’enregistrement multipiste, que j’adore par ailleurs, parce qu’on peut travailler les chœurs et faire des traitements de son. Mais dans le live, il y a une part d’improvisation et une énergie très excitantes. Je suis assez fière de ce que nous avons enregistré en maquette les dernier temps, car ça me ressemble vraiment.
Jusqu’à maintenant, on a travaillé de manière assez classique, en faisant deux albums enregistrés avant de partir en tournée, parfois en connaissant à peine l’équipe pour se rendre compte qu’au grès des dates, on se connait de mieux en mieux et que les morceaux évoluent et prennent plus de corps. Je voudrais désormais essayer un autre fonctionnement, en travaillant les morceaux, les faisant vivre en tournée, pour les enregistrer après.
Puisse mon travail artistique contribuer … à la communication, à la solidarité, au réconfort, à un petit pas vers une avancée positive. Que l’auditeur se serve, c’est gratuit.
Lui redonner du sens.
La musique n’est pas qu’un moyen de divertissement, elle a une valeur et un sens bien plus grand ! A entendre les compressions et les radios « à la mode », on l’oublie, on l’écrase, on lui marche dessus !
Depuis que l’homme existe, elle est variable, différente, utile, voir indispensable dans chaque culture et société.Et puis le musicien, il a un rôle non ? Ouahou, là on ouvre sur autre chose… C’était le mot de la fin. Merci pour tout !
Prochaines dates de concert : le 19 février au Baryton à Lanton (33), le 08 avril au Splendid àLangoiran (33), plus de dates à retrouver sur le site.
Miren Funke
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