Archive | 14 h 16 min

Elek Bacsik, un homme dans la nuit

30 Déc

elek-bacsik-couvLa surprise de cette fin d’année, c’est de découvrir que je ne connaissais presque rien d’Elek Bacsik.

Ou plutôt, ce que j’en savais n’était qu’une petite partie , le pic de la montagne, sans voir le massif qui en est la base. Peut-être que je ne suis pas le seul à avoir réduit ce musicien éclectique et polytalentueux à ses interprétations de tubes « Take five » ou « Blue rondo à la turk » à ses passages aux côtés de Nougaro, Jeanne Moreau, Sacha Distel, Gainsbourg, dans des jazzeries be-bop dews années 59-60.

Dans ces années-là, 1959-60, quelques musiciens américains étaient bien installés dans le jazz en France, et quand Elek Bacsik est arrivé, il me semblait plus proche de Barney Kessel, Tal Farlow ou Jimmy Raney que de Django, dont il avait le caractère fantasque.

En 1959 enfin, il arrive à Paris, où il peut jouer le jazz qu’il aime. Le pianiste afro-américain Art Simmons, qui l’avait vu jammer dans un club parisien, l’appelle pour compléter son trio au Mars Club, près des Champs-Elysées. Michel Gaudry était alors à la contrebasse. En France, Elek Bacsik travaillera à la fois avec des jazzmen (Kenny Clarke, Clark Terry, Dizzy Gillespie, Lou Bennett, Georges Arvanitas, Quincy Jones, Bud Powell,etc.) et des artistes de la chanson française (Barbara, Serge Gainsbourg, Claude Nougaro, Jacques Higelin, Jeanne Moreau, Juliette Gréco, Sacha Distel) s’établissant ainsi une réputation auprès du grand public. Ses reprises de « Take Five » et « Blue rondo à la turk » sont jouées en boucle à la radio et dans les booms.

ELEK AAAElek Bacsik est un « Rumungre » un rom hongrois, un tzigane, avec tous les marqueurs de cette folie musicale , ce désespoir joyeux qu’on noie dans toutes les ivresses. Prima la musica, et la vie et la fête avec les potes, le métier n’est pas l’essentiel, on nourrit sa vie de ses passions, et parfois, ces passions nourrissent le musicien. N’empêche, avec Take five, je l’ai entendu « américain » comme tous ces jazzmen qui ont accompagné des français, Nougaro, Jeanne Moreau, Barbara, Gainsbourg…

Et comme sa carrière s’est poursuivie avec succès outre Atlantique, il m’était resté américain.

Et puis, en 2015, voici le livre de Balval Ekel, la quête d’une femme qui découvre à 46 ans qu’elle est la fille d’Elek Bacsik, étrangère dans la famille où elle est née, sa mère ne lui dira jamais rien. Elle doit recomposer toute son histoire secrète, retrouver les témoins qui ont connu Elek Bacsik, et se dessine le portrait d’un personnage hors du commun, un surdoué de la musique, jouant avec un égal talent de 10 instruments, parlant 6 langues, co-opté par les plus grands jazzmen, ayant accompagné des artistes de premier plan dans la chanson…

Et tous ses partenaires, français, américains de toutes origines l’ont immédiatement perçu comme un des leurs, le tzigane est par nature de tous les pays, et la musique n’a pas de frontières.

Ce livre est à la fois une sorte de roman vrai, la recherche des origines, les doutes et questions que se posent pas mal de gens quand ils ne sont pas en accord avec leur famille… Qui sont mes vrais parents ? Pourquoi ces parents qui ne me ressemblent pas ? Et à qui je ne veux pas ressembler.

Et c’est aussi la rencontre de tous les acteurs du monde du jazz dans les foisonnantes années 50-60, dans cette France terre d’accueil qui s’est enrichie de toutes les musiques migrantes.

Last but not least, merci infiniment à Serge Leroux qui m’a proposé de découvrir et de m’envoyer ce livre, lu dans la nuit, avec passion.

Elek Bacsik Un homme dans la nuit de Balval Ekel aux Editions Jacques Flament.

Un exemple de ses talents multiples, quand il se met en quatre… Take five,

Autre moment, en bonne compagnie,

et pour finir, en solo,

Norbert Gabriel

%d blogueurs aiment cette page :