En cette fin d’année, Barbara est revenue à la une avec des débats enragés sur la légitimité qu’auraient certains de chanter ses chansons, et de les ré interpréter. Qui a le droit, qui ne l’a pas, c’est pas nouveau dans la chanson, toute reprise est la source de chicayas enflammées, parfois empoisonnées. Et il ne convient pas de contrarier certains maîtres de la bonne chanson dans leurs diktats impératifs. Laissons ces débats en marge, pour aller à l’essentiel : comprendre ce qu’on chante, et ne pas trahir l’auteur (avec des mots qui changent le sens, avec des vers inversés, avec des strophes oubliées, la liste des avanies est longue…)
Dans la liste des interprètes qui ont mis Perlimpinpin à leur répertoire, quelques uns prennent parfois de menues libertés avec le texte, des détails qui changent le sens, on ne s’en aperçoit pas forcément à l’écoute quand l’interprétation est intense, musicalement réussie, mais… Mais quand Barbara écrit « mais voir jouer la transparence » et qu’on entend « mais faire jouer la transparence… » le sens, et l’intention sont différents. Barbara apportait parfois des variantes, ou, en concert, comme pas mal de ses collègues, elle pouvait faire des erreurs. L’artiste peut aussi évoluer, quand Mouloudji chante « Faut vivre » en 1990, il varie de sa version initiale de 1973*. En reprenant les textes de référence, et la façon dont les chansons sont parfois revues à cause de modifications plus ou moins judicieuses, on constate que l’interprète peut en toute inconscience trahir l’auteur. Un des plus beaux exemples étant Christophe qui confond « Ma mie » de Georges Brassens, avec « Maman… »
L’intégrale -revue et augmentée- rassemble tous les textes de Barbara, avec, pour chaque chanson, une intro la situant, dans la vie de Barbara, en scène et hors scène, avec les variantes qu’elle a apportées pour ce qui est des enregistrements.
C’est une réédition de « Ma plus belle histoire d’amour c’est vous » une promesse de Barbara à l’éditeur qui lui demandait, et si nous réunissions vos chansons en un recueil ? ce qui ne semblait pas de première nécessité selon elle. Elle avait été publiée dans Poètes d’aujourd’hui, collection devenue « Poésie et chanson » après sa suggestion à Pierre Seghers.
Mais, si je décide de faire ce livre un jour ce sera avec vous .
Après quelques tergiversations et péripéties secondaires, le livre paraît, puis est réédité en 2012, enrichi. Il y a toutes les chansons, mais aussi tous les textes, Lily Passion, ce qu’elle préparait en intro pour chacun de ses spectacles, des ébauches, des brouillons, des strophes inédites de Nantes, l’Aigle noir, Perlimpinpin, des interviews radios…
Ceux qui liront sans entendre sa voix seront surpris de découvrir un écrivain. (Jacques Attali) Ce qui n’est pas si fréquent en matière de paroles et musiques, c’est aussi une femme poète qui fait de sa vie le film d’une femme qui chante. Avec la musique des mots en harmonie parfaite avec la mélodie.
Joel July explore l’univers poétique de Barbara, Jean-Marie Jacono situe l’univers de musical, et vous êtes parés pour commencer le voyage en 1958, avec la première chanson enregistrée, son premier passage à la télé,
J’ai troqué mes chaussettes blanches
contre des bas noirs,
Et mon sarrau du dimanche
Contre de la moire
pour aller en 1996, vers la dernière strophe :
Je chante ma vie en piano noir
Toute en strass Dans mon miroir
Je suis une chanteuse de boulevard
et elle conclut, dans un entretien sur la voix « la voix c’est la musique de l’âme. »
L’Archipel 2012
Norbert Gabriel
NB, cet article (revu et augmenté) avait été publié en 2012 sur un site chanson, mais il a disparu depuis.
- Pour « Faut vivre » et ses variations, voir ici.