Encore un beau livre-disque paru cette année chez Benjamins Media.
C’est l’histoire d’un papy pas comme les autres qui cache sous sa moustache, dans ses chaussons et derrière son journal,
un super-héros comme en rêvent tous les enfants.
Par manque d’exercice, papy est un peu rouillé et va s’entraîner pour retrouver ses super-pouvoirs avant d’affronter Pyroman, le méchant qui menace de faire bruler les parcs de la ville !
Bon alors, « Papy Superflash », c’est une histoire sympa qui interroge les petits enfants sur l’histoire de leurs grands-parents, la transmission, la complicité intergénérationnelle.
Une histoire sympa avec du suspens…mais qui va gagner à la fin ? le méchant vilain complètement dingue ou le gentil papy écolo trop beau en costume moulant ?
Une histoire sympa à lire aussi sans le disque dans un beau livre, un bel objet au look rétro avec des illustrations inspirées des comics (genre dans lequel Ed, illustrateur argentin qui vit à Barcelone, a créé beaucoup d’albums)
Une histoire sympa dans un beau livre, on a dit, et accompagné d’un beau disque de 17 minutes, tout à fait cohérent avec le contenu du récit et avec les super visuels… Une histoire sympa racontée par Benoît Broyard, l’auteur du livre (racontée, pas jouée, car il reste lecteur et non comédien, dit-il volontiers) et chantée occasionnellement par 4 enfants, très sympas eux aussi.
Une histoire sympa avec une réalisation sonore remarquable signée Ludovic Rocca, des bruitages très réussis (enfin, à quelques exceptions près vue la réflexion d’une petite fille de 4 ans qui écoutait le disque en ma compagnie : « quelqu’un a pété dans l’histoire ? c’est pas de l’orage quand-même ?! »)
Une histoire sympa truffée de musiques seventies efficaces qui nous replongent en un instant dans les séries de notre jeunesse et qu’on partage volontiers avec nos chers petits, ébahis.
Un vrai beau livre-disque donc, le jury des Pépites du salon du livre de Montreuil ne s’y est pas trompé en le sélectionnant parmi les finalistes de la Pépite audio.
Pour info, le livre est disponible aussi sur demande en braille et gros caractères, une démarche unique et plus que louable !
La blogosphère du Landerneau de la chanson explose, c’est passion et fulmination après le scandale annoncé de l’attentat contre Barbara. Accusé Bruel, le pilori vous attend. Avant même que la moindre note ne soit proposée aux oreilles expertes des amateurs professionnels (si-si, il y en a..) de la chose chantée, les bazookas crachaient, et les procureurs avaient fourbi leurs réquisitoires, les résosocios en ont témoigné, et la suite l’a confirmé. Sans être dans la boule de cristal de madame Irma, et avec un peu de recul et de souvenirs concernant la presse chanson, on pouvait deviner qui allait dire quoi, surtout contre. (Remember Romain Gary/Ajar, et aussi Sheila, abondamment et systématiquement vilipendée par quelques uns qui ont adoooré Be devotion , sans la reconnaître)
Bon alors, Bruel… Les procureurs ayant chargé et déchargé leurs pétoires et exprimé leurs fatwahs, le péremptoire et le pontifiant étant les deux mamelles de leur inspiration, on peut esquisser une défense sans être forcément soupçonné d’être un laquais du mercantilisme showbizesque.
Dans l’art de l’interprétation -qu’on dit « reprise » quand il est question de chanson – l’interprète doit faire face à un premier écueil : ce qu’il va proposer est par nature une atteinte à nos souvenirs, aux émotions qu’ont suscitées des chansons dans notre vie passée. Et notre cher passé, c’est sacré, pas touche ! On superpose, on amalgame dans une alchimie intime la première fois, la première qu’on a prise dans ses bras, la première qu ‘on a entendue avec ce qui était notre vie à ce moment. Raison pour laquelle un amoureux qui a vécu « Ne me quitte pas » avec Brel, aura les oreilles qui saignent avec Nina Simone ou Yuri Buenaventura .
Ensuite, l’émotion et l’interprétation. Les comédiens qui connaissent leur art, savent qu’il est plus fort de faire passer l’émotion au spectateur, plutôt qu’en faire la démonstration exubérante en scène. Le comédien qui pleure abondamment vole le pleur du spectateur, l’émotion perd sa force quand elle est montrée par procuration. Il faut la faire vivre.
Dans la chanson, on trouve toutes les variantes, des hyper expressifs tendance Brel, des plus réservés tendance Brassens, Piaf étant entre les deux, intense dans l’interprétation, sobre dans l’attitude, chacun faisant passer le poids des mots avec son style. Mais la force des mots de Brassens n’a jamais été amoindrie par la sobriété de son interprétation. D’autres savent moduler en allant de l’exubérance la plus échevelée à la retenue la plus subtile pour faire entendre les textes de Bernard Dimey par exemple. Ou ceux de Ferré. Tiens, Ferré, c’est un cas intéressant. Dans sa succession artistique, il y eût d’abord quelques clones plus ou moins réussis dans l’imitation du maître, puis de Thank You Ferré aux jours Ferré on a vu qu’il y a une vraie re-création possible, dans toutes les nuances. Pour ce qui est de « la chanson à texte » comme on dit, celle qui raconte, l’émotion, la force est dans les mots, pas dans l’allégeance au dieu Décibel. Moustaki n’était exactement une de ces bêtes de scène modèle Hallyday aux artifices parfois trop appuyés. Et Ferré lui a dit un jour, à Moustaki, « Tu murmures ce que je gueule » c’est bien vu, et pour avoir suivi pas mal de concerts de Moustaki dans les dernières années – de 1996 à 2009- le murmure du vieux Jo faisait vibrer des salles plus intensément que les vocalises larafabianisées des émules de Céline Dion.
Dans cet album, « Très souvent je pense à vous » Patrick Bruel interprète les chansons de Barbara qui l’ont marqué, l’album s’ouvre avec Madame, parce qu’enfant cette chanson l’a interpellé, et d’ailleurs, chantée par un homme, cette chanson trouve une ouverture qu’on ne soupçonnait pas forcément quand Barbara la chantait. Bruel propose une série de chansons qui collent d’assez près à sa relation avec Barbara, une sorte de compagnonnage discret, des échos qui résonnent avec sa vie, c’est comme un message personnel délivré sans pathos, sans effets artificieux, juste les mots portés avec simplicité, pour entendre Barbara dans un autre registre que son féminin singulier, c’est un choix respectueux, avec parfois une touche ou un ajout qui est dans la juste mesure (Göttingen)
Dans les indignations offusquées, il est dit parfois que les ayants droits auraient dû empêcher ce massacre, parmi ces ayants droits matériels et moraux, Bernard Serf, a soutenu le projet, Roland Romanelli aussi, on trouve dans les remerciements le Marouani de Brel, tous des mercenaires sans âme ? J’en doute. Un des offusqués contestait aussi la dédicace « … très souvent je pense à vous avec tendresse et force.» (Pour rappel, un fax est l’abrévation de fac-similé, fait à l’identique)
Digression..
En allant chercher cet album, et en flânant dans les rayons, je trouve un album de Barbara « L’oeillet blanc » dont je connaissais une quinzaine de chansons sur les 20. Il débute avec « Mon pote le gitan » une de mes 3 premières chanson-culte, j’en connais toutes les versions, toutes les nuances, et là qu’est ce que j’entends ? Que me fait-elle madame Barbara ? Presqu’un massacre…
Vais-je jeter cet album à la poubelle ?Pas tout de suite…
Barbara interprète « Mon pote le gitan » 1956.
Outre le changement d’un mot qui affaiblit le sens d’une phrase, je peux aussi reprocher à Barbara de ne pas bien avoir compris ce qu’il est en de la chanson et de qui il est question: mettre une sorte de guitare flamenco guimauve avec des castagnettes guillerettes quand il s’agit d’un des 5 plus grands guitaristes de jazz de tous les temps (selon Clapton : « Des 10 meilleurs guitaristes du monde Django est 5 d’entre eux.) a de quoi énerver ceux qui savent ce qu’il en est de la chanson et de qui elle parle. D’autant qu’avant Barbara, parmi ceux qui l’ont créée et vulgarisée, Montand avait su mettre les notes de guitare correspondant à l’histoire. Sur cette chanson les amateurs l’ayant découverte par Montand, ou Robert Ripa, ou Jacques Verrières (l’auteur) peuvent hurler au sacrilège.
Malgré cette entrée en matière qui m’ a rendu fort malengroin, j’ai écouté la suite, un peu sur la réserve, la suite, c’est « Les boutons dorés », c’est bien, par contre « Sur la place » (1959) me fait grincer quelque peu, c’est… surprenant comme une mauvaise imitatrice de Barbara… On dira donc ce que cet album mérite 17 sur vingt car « Il nous faut regarder » (1959) souffre d’un copié collé sans originalité de la version de Brel.
Au final, dans ces histoires de chansons, l’essentiel est de trouver cet entre deux qui boîte avec grâce. (Jean Cocteau)
Norbert Gabriel
Pour finir , la version exemplaire de Mon pote le gitan, avec le prince des accompagnateurs, Henri Crolla à la guitare, ça peut pas faire de mal.
POST – SCRIPTUM : J’ai écouté cet album plusieurs fois, en essayant de prendre des options différentes, le ronchon chronique, d’toute façon, c’était mieux avant, le fan de Barbara qui entre en transes dès qu’on change une triple croche, le sceptique analytique qui dissèque tout, genre sodomisation des diptères innocents, et globalement, je ne vois rien qui justifie les tirs de barrage outrés parlant de massacre et d’indignité… On va dire que malgré mon grand âge, j’ai gardé une certaine innocence ou que je vais doucement mais sûrement vers une sénilité béate… Ça vaut mieux à tout prendre que les aigreurs qui gâchent le teint.
PS 2: J’ajoute ici ce commentaire d’un artiste « concerné » qui éclaire d’un jour nouveau une partie du débat (pris sur le fil de discussion FB ce 4 décembre)
Mathieu Rosaz :Le pire ce sont les commentaires à caractère raciste que ce (bon) disque suscite, notamment sous le bel article de Sophie Delassein posté ce jour par l’Obs sur Facebook. J’ai honte de ce que je lis. Il est évident que les attaques à l’encontre de Bruel ne sont pas uniquement liées au fait qu’il chante Barbara. C’est grave et plus que navrant…
5 décembre midi: dans les commentaires ci-dessous, Mathieu Rosaz développe son point de vue d’artiste, très documenté.
J’avais rendez-vous avec vous, on m’avait dit 19 H 30, quai de la Gare, et en ces temps troublés, j’ai pris la précaution de partir assez tôt pour arriver sans encombre, assez tôt pour passer les contrôles, et être dans la salle un peu avant l’heure, j’aurais été fort marri d’être en retard à ce rendez-vous. Et vers 19h10, avec quelques autres spectateurs nous étions au pied de la passerelle. Nous avons découvert que c’était Pascale Picard plus un autre groupe. Un des futurs spectateurs, ayant compris que vous étiez première partie de ce groupe, a déploré que dans cette configuration nous soyons peut-être privés de Pascale Picard in extenso. A 19h10, nous étions peu nombreux, et un aimable vigile nous invita à patienter au bar. En nous avisant que nous avions le temps puisque ça allait commencer vers 20h… Ce que les billets des spectateurs ignoraient avec leur 19h30. Vers 19h45, nous quittons le bar, pour être prêts dans la salle, à 20h tapantes. Là, nous constatons qu’une file s’allonge à l’extérieur, ceux-là avaient sans doute le privilège de savoir que c’était pas 19h30. Abrégeons, un peu. Après 20h le guichet ouvre -pour un concert censé commencer à 19h30- Et le temps de faire entrer le public, il est 20h20, et à 20h25, il y a encore des gens qui entrent, tranquilles, pour un concert qui aurait dû être aux ¾ fini. Quelque chose a dû m’échapper.
Vers 20h30, enfin les lumières s’éteignent, on va vite voir, si j’ose dire, que c’est en effet une extinction des feux, c’est dans une pénombre glauque qu’un trio entre en scène, et je ne reconnais pas Pascale Picard… Encore que dans cette absence de lumière, le doute soit permis. Au bout de 6 ou 7 chansons assez uniformes, c’est 6 ou 7 fois la même chanson, en anglais, le trio se présente, je n’ai pas compris le nom, mais ce n’est pas Pascale Picard, ça c’est sûr ! Une avant dernière, une ballade irlandaise émerge de ce brouillard lugubre, cette première partie prend fin vers 21h15 ou 20, ça fait donc plus de 2 heures que je piétine, sur place, et je n’ai plus qu’une envie, faire quelques pas dehors, bien que nous soyons le 2 Décembre, il fait plutôt bon. Et là, en fait d’envie, je n’ai plus du tout envie d’un petit bain avec vous … Tant pis pour moi. De ces 135 minutes (plus le trajet) je ne retiens qu’une ballade irlandaise, et le soin extrême de l’éclairagiste à bien éclairer le chapeau du guitariste ; très bon d’ailleurs, le guitariste, mais pour les deux chanteuses, l’ économie drastique de lumière ne les a pas avantagées, et quand il y avait un peu de lumière, elle était quasi verticale ou de ¾ arrière, ce qui n’est pas le plus seyant, convenons-en.
Voilà notre rendez-vous manqué, c’est pas grave, vous vous en remettrez, et puis j’ai votre album à écouter… C’est déjà ça… Mais la baignade vespérale, ou le bain de minuit au petit bain, non, merci, sans façon… Comme tout finit par des chansons, celle-là m’a bien réjoui en son temps, et aujourd’hui, elle sied parfaitement à la situation, surtout la chute, en Fa dièse… majeur!!