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New french chanson

30 Oct

1984Il existait toute une suite de départements spéciaux qui s’occupaient, pour les prolétaires, de musique, de théâtre et, en général, de délassement. Là, on produisait des journaux stupides qui ne traitaient presque entièrement que de sport, de crime et d’astrologie, de petits romans à cinq francs, des films juteux de sexualité, des chansons sentimentales composées par des moyens entièrement mécaniques sur un genre de kaléidoscope spécial appelé versificateur.” … “L’air avait couru dans Londres pendant les dernières semaines. C’était une de ces innombrables chansons, toutes semblables, que la sous section du Commissariat à la Musique publiait pour les prolétaires. (…) Mais la femme chantait d’une voix si mélodieuse qu’elle transformait en chant presque agréable la plus horrible stupidité ….”

Extrait de “1984″ (écrit en 1948)

Toute ressemblance avec quelques chansons play-listées n’est absolument pas fortuite.

La preuve.  Une info récente nous la baille belle, voilà qu’une machine ayant intégré toutes les données utiles à la création musicale va nous sortir des tubes garantis top 50, plus la peine de s’embêter avec des musiciens ou des auteurs de textes, la machine miraculeuse a digéré et disséqué toutes les merveilles qui ont fait tinter le tiroir caisse depuis un siècle, et de cette manne nourricière vont sortir les nouvelles Lambada, les nouvelles Autumn Leaves que le monde entier chante depuis des feuilles mortesdécennies. Oui, Autumn Leaves, vous savez ce standard américain mondialement connu, que des chauvins étroits persistent à titrer  Les feuilles mortes  au motif suranné que ce fut français. Et même on apprendra que Prévert is composer, and Kosma wrote the lyrics with Johnny Mercer,  la preuve!

Car il est de bon ton de chanter anglo-saxon, pour des raisons assez extraordinaires.  L’une dit : quand je chante en français, je me sens à poil,  l’autre ajoute,  je n’arrive pas à exprimer ce que je pense en français, c’est trop compliqué …  sans oublier ce sommet,   la première fois que j’ai écouté du Brel ou du Gainsbourg, j’ai trouvé ça bizarre, carrément laid. J’ai même pensé que c’était un crime de chanter en français,  déclarait à Télérama Mark Daumail, le jeune chanteur et guitariste du duo folk clermontois Cocoon.

Vaut donc mieux assassiner en anglais … c’est universel, à part à Londres, on ne comprendra pas vraiment le sens, pour autant qu’un français de Clermont Ferrand soit un virtuose des parlers shakespeariens, ça mange pas de pain de baragouiner Fuck the power, ce serait plus couillu de le faire en français mais là, on va droit au crime de lèse majesté républicaine, il y a des limites au courage.

Le préambule d’Orwell devient la bible des nouveaux fabricants. A part quelques vieux ronchons qu’on dit seniors, comment voulez-vous qu’un d’jeun qui n’a jamais vu un album vinyle ou un téléphone à cadran s’aperçoive que  Mon premier amour nouveauté play-listée en 2012 commence par une dizaine de mesures qui sont un copié-collé de  Parlez-moi de lui  un mégatube de Nicole Croisille de 1972. Idem pour Lana del Rey à qui on fait chanter quelque chose qui est un clone parfait d’une chanson d’Eleni Vitali, de 1991… Mais vu des States, une chanteuse grecque de 1991, on va pas se gêner… Un de ces jours, on va bien voir arriver une nouveauté,  La vie en rose  ou Milord étant donné que pas mal de nouveaux auteurs de chansons ne prennent pas le temps de vérifier si le titre n’a pas été déposé. Tout ça me fait penser à une petite chanson courte, des années 1998-99, mais tellement pertinente..

C’est sur les bancs qu’on apprend l’ignorance
En apprenant à répéter ce qu’on a appris
Et que bardé de diplômes et de connaissances
On dit « Je sais » au lieu de dire « Je réfléchis »

J’ai du respect pour les êtres qui pensent
Sans se regarder le nombril ou le Q.I .
Et qui oubliant toutes leurs références
Peuvent parler de musique ou de poésie

En attendant que votre intelligence
Ait intégré les valeurs de la modestie
Je vous conchie avec concupiscence

Et je vous emmerderais bien un peu aussi.

(Merci Vincent Baguian.)  qu’on écoute ici .

Je ne doute pas que vos oreilles affûtées aient repéré quelques consanguinités troublantes, faites-nous part de vos découvertes,  j’en avais d’autres,  mais il ne faut pas abuser des pires choses.

Norbert Gabriel

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