Voilà bien quelques belles années que vous m’ emmenez dans des ballades oniriques, dans un p’tit bar le Twenty-too, à tanguer sur tous les fuseaux horaires, vers le bleu d’un horizon à la poursuite des oiseaux ou des baleines épuisées.
Ou à la rencontre d’un de ces héros mythiques qui appellent vers la sierra Nevada les voyageurs immobiles cherchant dans la musique un envol imaginaire.
Il y a toujours cette lumière dans le regard porté sur la beauté du monde…
Mais ce 1 er Octobre, pour l’ouverture du festival de Marne, j’ai été un peu désorienté, pas par vos chansons, mais par les lumières, très dynamiques, certes, très élaborées certes, mais parfois très perturbantes. Les trois premières chansons vous gratifiaient d’un éclairage vertical donnant à (ne pas) voir des orbites creuses et sombres, l’exact inverse de la lumière qui est dans votre regard dans l’image ci-dessus. Et la perception qu’on a de ces chansons peut être très infléchie par ce non regard un peu zombie. Question corollaire : un spectateur qui vous aurait découvert ce jour-là, avec ces lumières-là, aurait-il vraiment perçu tout ce que j’aime dans vos albums ? Cette harmonie heureuse entres les textes d’un poète explorateur tout azimut, et les musiques d’un compositeur riche de toutes les nuances des musiques qu’on aime : colorées, charnues, puissantes, subtiles qu’on pourrait résumer par « la puissance et la grâce »…
J’avais l’autorisation de faire des photos, mais aucune ne m’a satisfait, ce que je cherche dans une ou deux images accompagnant un article, c’est la photo qui montre ce qui reste dans l’esprit du public après le spectacle. Les belles lumières peuvent être très gratifiantes pour l’ego du photographe (merci aux éclairagistes) mais encore faut-il qu’elles ne transforment pas le sujet en freak de chez Barnum.
Je me souviens ce que m’avait dit un éclairagiste de talent, quand il évoquait son apprentissage, son « professeur » lui a dit : « Fais-moi de belle lumières que j’entende bien les paroles. »
Axiome qui est en situation aussi pour la première partie qui ouvrait la soirée, qui me faisait tourner en leit-motiv, rendez-nous la lumière…
Après cette soirée, j’ai eu le besoin impérieux de réécouter vos albums avec les chansons-voyages, dans l’intime ou dans l’épique, ces chansons cinéma qui me rappellent les aventures de St Ex et du Petit Prince, ou celles de Corto Maltèse qui aurait rencontré le magicien d’Oz…
et pour ça, embarquons avec le convoi
Bien cordialement,
Norbert Gabriel