
Tout commença dans les années 2000 dans un bar de Bordeaux, « El Inca », dont la cave fut le foyer d’un foisonnement musical intense. A l’initiative de Milos, l’homme des lieux, « El Inca » participait activement à la vie culturelle bordelaise, si bien qu’en son antre se sont tissés des liens de confiance et d’estime réciproque entre les artistes jusqu’à constituer un véritable réseau d’amis et de contacts dont la solidarité perdure encore. C’est ce lieu devenu mythique qui vit éclore M. Botibol, les Cranes Angels et Pan Pan Master, offrit sa première scène bordelaise à Fránçois and the Atlas Mountain, et accueilli Amanda Palmer, de passage à Bordeaux, pour un concert totalement improvisé. 
La fermeture de ce repère des musicophiles amateurs de petites scènes et de rapports humains n’allait pas pour autant signer la fin de l’activisme artistique de Milos, passé derrière le comptoir de l’Apollo, autre café-concert du même quartier, investit dans la construction d’un studio d’enregistrement dédié au partage, Kitchen Records, et bien décidé à poursuivre son engagement auprès des artistes. Car artiste, il l’est lui aussi. Certes Milos est homme qui soutien les groupes, et a participé à diverses aventures musicales (O.P.A, Standard Flower Bomb, Tabl Najdi…), mais il est avant tout chanteur-auteur-compositeur ayant exprimé sa poésie folk engagée et humaine à travers trois premiers albums autoproduits. A l’instar de bien d’autres artistes que nous avons rencontrés, Milos Unplugged se tourne à présent vers le financement participatif par le public pour achever la production de son 4ème album, « Awakening », et éventuellement, selon le montant des dons, en réinvestir une partie dans le soutien d’une association de sourds et malentendants et des musiciens.
C’est à son domicile où nous avons eu le privilège d’une visite guidée du studio « Kitchen records » que l’artiste nous recevait cette semaine pour évoquer ce nouveau projet.
– Milos, bonjour et merci de nous recevoir dans ton studio installé à domicile. Etait-ce une envie personnelle ou dans le but de mettre un outil au service d’autres artistes ?
– Pas mal d’amis sont passés par ici. C’est le studio où a été enregistré l’album de Guaka avec « Chinoi » [NDLR Jean Marc André, dit « Chinoi » ingénieur du son et producteur], et actuellement le prochain album de Soul Revolution. A l’époque, la pièce était disposée différemment ; ça évolue tout le temps. J’y modifie le sont au fur et à mesure du temps grâce aux panneaux phoniques fixes et mobiles installés de part et d’autre du studio. Et puis un studio, c’est un investissement permanent pour acheter du nouveau matériel : on n’arrête jamais. J’utilise Protools en logiciel de mixage, mais je préfère de loin les prises live ce qui me permet d’arriver à un bon résultat en peu de temps. Kitchen studio fonctionne à la donation : il y a un abonnement à l’année (20€), et ensuite les groupes payent ce qu’ils veulent pour se servir des lieux à chaque session.
Le fait d’avoir un studio à la maison offre beaucoup d’indépendance : on s’en sert quand on veut, sans rendre de compte à personne. Si une idée vient, on peut l’essayer tout de suite et enregistrer directement. Je n’ai pas encore expérimenté cette immédiateté, mais c’est un privilège pour la créativité.
Le studio à été crée pour moi et les autres. Je sais ce que c’est de ne pas pouvoir enregistrer ses chansons faute de prix élevés. La mission Kitche Studio est de permettre a tout le monde d’enregistrer ses morceaux en fonction de son budget et non pas le contraire.
- Tu es d’origine sud-américaine et tu as vécu en Orient avant de venir en France. Comment cette vie d’exil, nourrie d’une diversité culturelle riche a-t-elle influencé ta musique ?
- Je suis d’origine péruvienne, même si ma mère est née ici. Mais je ne suis venu m’installer en France qu’à 19 ans. J’avais vécu mes 8 premières années au Pérou, puis 2 ans en France, avant de partir pour le Qatar, où on père avait un travail dans une société Qatari de réparation d’avions. Nous y sommes restés une dizaine d’année, jusqu’à la fin du contrat de travail de mon père. C’était un peu une vie de mercenaire ! J’avais fait un peu de piano à l’école, mais abandonné la musique jusqu’au lycée où j’ai commencé à jouer avec un ami et monté un groupe. J’ai vécu mon adolescence dans le désert, mais MTV était diffusée au Qatar, et nous avions donc accès au rock et à la pop internationale des années 90 : Nirvana, Tori Amos, Jeff Buckley, Megadeath, Alice in Chains, Iron Maiden, et d’autres variétés internationales moins pertinentes aussi. C’est donc cette musique qui m’a influencé, et bien sur aussi la musique orientale. D’ailleurs je joue lorsque je le peux avec un groupe de Paris, Tabl Najdi, au sein duquel joue mon ami du lycée, qui est également revenu vivre en France par la suite. C’est un peu de la Pop-rock noisy instrumental inspiré de rythmes orientaux ou pas.
Pour ce qui regarde mes compositions personnelles, la chanson « Wall of shame » est basée sur une rythmique un peu afro. Et « Lorita » est inspiré de certaines musiques sud-américaines comme le Festejo, sauf qu’il n’y a pas de flute de pan sur l’enregistrement, parce que nous n’avons pas pu en mettre, mais ça se fera sans doute un jour. Ce sont à peu près mes deux seuls morceaux qui ont emprunté à des musiques traditionnelles autochtones, au « Tradworld ». La plupart des mes chansons ont une identité folk-pop, certaines un peu dans la veine de groupes comme Calexico, d’autres plus sombres, un peu influencées de Coldwave, sans toutefois verser dans l’Electro.
J’ai finalement échoué à Bordeaux, car ma grand-mère habitait non loin d’ici, sur le bassin d’Arcachon, et j’ai fini par me plaire dans cette ville, qui recommence à bouger. Il est vrai que durant quelques années, le milieu des bars à concerts où s’exprimait avant toute une scène alternative, était devenu un peu moribond. Mais de plus en plus de petits lieux dédiés à l’expression artistique recommencent à ouvrir un peu partout. C’est en train de renaitre et j’espère que ça va tenir le coup. Bien sur c’est aussi à nous de faire attention à trouver des lieux bien adaptés, insonorisés comme il se doit, et à savoir gérer les gens qui y viennent aussi. Il y a en périphérie de Bordeaux de grandes salles de concert, sans trop de voisinage, qui n’ont pas le problème de devoir limiter les nuisances sonores, par exemple lors de la sortie du public. En ville, c’est plus compliqué, surtout depuis le passage de l’interdiction du tabagisme dans les lieux publics : les gens sortent fumer, parlent, et le bruit ne peut pas être contenu à l’intérieurs des bars ou des caves. J’ai aussi à l’idée de monter un nouveau lieu musical, mais dans l’immédiat, je me concentre sur l’album à venir.

- L’album, parlons-en. Quelle est son décor sonore ?
– Je compose les chansons avec une guitare folk au départ. Et je me suis entouré du groupe Cocktail Bananas, qui est lui-même un groupe folk-rock-pop, ce qui donne leurs couleurs aux chansons et fait ressortir cette ambiance dans les compositions. Il nous est arrivé de jouer plus rock par moment, ou plus intimiste, par exemple lors de concerts où tous les musiciens ne sont pas présents en même temps. Mais le groupe au complet dégage plutôt un univers sonore folk-pop.
Biens sur ma musique se nourri sans doute de tout ce que j’ai écouté depuis que je suis enfant, et de tout ce que j’écoute à l’heure actuelle, comme Chris Coen, Adrian Orange [chanteur du groupe Thanksgiving], Little Wing, Kings of Convenience, Vetiver, Kings of Leon, Efterklang, Other Lives… . Et puis il y a certainement aussi des influences du Rock, que je ne joue pas spécialement, mais que j’écoute beaucoup aussi.
– Tu communiques en anglais dans tes textes. Pour quelles raisons?
– Depuis que j’ai habité au Qatar, j’ai toujours parlé anglais, et ça me semble plus facile pour communiquer. Les paroles me viennent donc naturellement dans cette langue. En revanche, lorsque j’essaye de composer en Français, je sors des genres de comptines ; je ne sais pas créer de chansons françaises dans le registre folk indé que j’aime jouer. Ce n’est pas une musique que j’imagine avec des paroles en Français. Cela viendra peut-être un jour. Du coup j’ai deux comptines dans mon répertoire ; c’est mignon, mais ce n’est pas ce que j’aimerais faire vraiment. Avec l’Anglais, je peux exprimer ce que je veux dire en peu de mots, et cela me semble bien plus compliqué à faire en Français, qui est une langue qui se prête plus à de la création poétique et sans doute plus recherchée.
– Quelles sont les thématiques que tu aimes aborder dans tes chansons ?
– Les thématiques sont variées, et je ne les choisis pas a priori ; c’est selon les premières paroles qui me viennent. Le titre « God spell » par de la timidité d’une personne qui n’ose pas sortir de chez elle pour s’ouvrir au monde extérieur, de la difficulté de communiquer, que rencontrent notamment les malentendants, de la peur que créé la barrière de l’incompréhension. C’est pour cela que nous nous sommes faits aidés pour illustrer le clip de ce titre par l’association Rythme’n’Signes. La chanson « Loneliness » qui sera présente sur l’album aborde le sujet de la séparation et de la solitude de deux personnes se retrouvant seules après une vie de couple. Un autre titre, « Dig », parle des enfants qui travaillent dans les mines de diamant en Afrique. « The ending », dont nous avons tourné le nouveau clip au local de « Rock et Chanson » parle de la fin du monde, des guerres et des bombardements qui ont toujours lieu quelque part dans le monde ; c’est une sorte d’état des lieux. « Wall oh shame » n’est pas une allusion à un mur spécifique, même si beaucoup d’images peuvent se coller là-dessus, mais évoque le mur de manière abstractive et généraliste. J’aborde beaucoup de thèmes qui vont de l’esclavagisme des enfants, à la pollution de la planète, en passant par la guerre et tous les commerces qui peuvent se faire autour d’un conflit, et des thèmes beaucoup plus intimes. Mais en règle générale, je ne me dis pas au préalable que je vais parler de tel ou tel thème ; ce sont les premiers mots qui me viennent qui vont amener le reste.
– Tu as déjà sorti trois premiers albums autoproduits. Pourquoi t’être tourné pour ce quatrième vers l’appel au financement participatif via un site internaute ?
– En fait ce n’est pas la première fois que je fonctionne suivant ce principe. Pour le second album, nous avions mis en place un système de prévente, au bar « El Inca » où je travaillais : les gens achetaient l’album et le recevaient plus tard. C’était une sorte de site participatif à nous, à petite échelle. Pour ce quatrième album, c’est la première fois que je fais appel à ce type de financement en ligne, mais pour moi, cela relève de la même philosophie que celle qu’on avait déjà mise en pratique. Et puis l’avantage de Kiss Kiss Bank Bank est de proposer une meilleure lisibilité, en permettant à un projet de se faire connaitre en dehors des réseaux d’amis et d’habitués d’un artiste. Déjà le fait d’être sélectionné par le site signifie que le projet lui semble viable, et ensuite, quand les 60% de la somme demandée sont obtenus par un artiste, le site renforce la publicité autour du projet.
Pour ce qui concerne cet album, l’enregistrement et le mix sont terminés. Les finances dont nous avons besoin serviront au mastering et à la duplication des Cd et de vinyles, puis à la distribution de l’album via des disquaires indépendants, comme « Total Heaven » ici et d’autres que nous contacterons à Paris, Toulouse, ou encore Tours et d’autres villes. Voilà le lien de la page : http://www.kisskissbankbank.com/milos-unplugged-pop-folk-awakening-nouvel-album
– Peux-tu nous parler du groupe qui t’accompagne ?
– Nous sommes 5 musiciens sur scène : Julien Periguini à la contrebasse, Jessica Bachke au violon, Henri Caraguel au lapsteel, Hugo Berrouet à la batterie et moi-même au chant et guitares. Ces quatre musiciens forment le groupe Cocktail Bananas, qui s’est associé à moi pour l’occasion Il faut citer aussi Mathieu Hauquier qui m’accompagne toujours sur scène. Parfois nous ne jouons qu’à deux ou trois, ce qui propose des ambiances un peu différentes, plus intimistes ; on peut aussi jouer avec une chorale. Je l’avais fait par le passé avec les Cranes Angels , une chorale de Bordeaux d’où sont issus pas mal de musiciens, qui ont poursuivis chacun une route personnelle par la suite. Nous envisageons aussi peut-être des collaborations avec d’autres artistes. Pour l’anecdote, une compilation produite par les Hot Flowers va sortir avec Cocktail bananas et trois autres groupes, dont le principe est de faire jouer à chaque groupe les chansons d’un des autres, c’est le genre de projet qui me plait. D’une manière générale plusieurs artistes ont participé à leur façon à mon album.

– Une tournée est-elle prévue ?
– Pour le moment j’essaye de trouver un maximum de dates dans des petits bars pour jouer nos titres, partout où on pourra toucher des gens et les inviter à participer à la souscription ; et par la suite, suivant l’accueil et les critiques qu’aura suscitées l’album après sa sortie, nous chercherons des dates de concert plus importantes un peu partout en France, éventuellement des sélections de festival, des tremplins. Nous avons déjà joué à Paris, Toulouse, Pau et dans quelques autres villes pour les albums précédents, pas tant que ça, parce que je travaillais dans mon bar, et je ne pouvais pas m’absenter à ma guise, mais quelques fois quand même.
Dans l’immédiat une Release Party est prévue à l’I-Boat le 27 novembre pour la sortie de l’album avec les groupes Guaka, Soul Revolution, The Lost Meridian et le Dj set de Vicious Soul. La soirée musicale sera accompagnée d’une exposition de dessins et d’une dégustation de vins. Et dimanche 27 septembre, je fais un petit concert dans un théâtre à Bordeaux, rue de La Rousselle [NDLR pour l’anecdote, rue historique du Bordeaux où vécu Michel de Montaigne], qui s’appelle le « Labothéâtre Larousselle ». C’est un petit lieu avec une trentaine de places où se font des spectacles de one man show, companies de théâtre et des expositions en journée… Un lieu très sympathique.


Miren Funke
Liens :
page du financement participatif : http://www.kisskissbankbank.com/milos-unplugged-pop-folk-awakening-nouvel-album
site de La Cassette : http://www.lacassette.org/
facebook : https://www.facebook.com/milosunplugged?fref=ts
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