N’allez pas croire que je suis allé me vautrer sur le sable, avec un ou deux bouquins pour faire intello au soleil et en lorgnant par dessus mes besicles les créatures féminines qui dorent leurs charmes avec un moins que rien de costume, que nenni ! Certains de ces livres sont de chevet, à lire à l’ombre fraîche, avec mon chat qui fait semblant de suivre, mais c’est pour frimer. Par exemple « Le peuple du blues » c’est un des deux ou trois livres les plus riches et les plus documentés sur le blues, ce qui l’a constitué, et ce qu’il représente pour les Afro-américains. Celui-là, lu et re-lu, voire re-relu est une somme, en le reprenant on peut piocher au hasard, un chapitre, le temps d’un voyage en métro, on y trouve toujours des pistes de réflexion.
Dans le même genre, les livres qu’on peut lire en picorant au gré du hasard, « La chanson des trois gars »… C’est une chanson buissonnière qui joue et butine dans les jardins de la chanson à texte de qualité, estampillée CFQ, mais ne se prive pas non plus d’égratigner au passage les gardiens d’un temple qui tremble sur ses fondations. On y trouve des fables, des pages de réflexion, des souvenirs qui nous ressemblent, des amusettes gouleyantes, la nativité, par exemple n’est pas le droit canon des évangiles, mais qu’est-ce que c’est drôle ! Et c’est d’une écriture élégante, riche, les trois gars ont un canevas de base, sur lequel chacun développe son thème, en variations façon jazz, on y pratique la caresse ou le coup de griffe sans courtisanerie, sans méchanceté. Pas mal de lecteurs aficionados de notre patrimoniale chanson vont s’y reconnaître, et même les égratignés y trouvent leur compte… En d’autres temps, on aurait dit de ce trio, « c’est un honnête homme. » Et c’est un des bons livres à découvrir et faire découvrir pour s’amuser, mais pas seulement. Il y a quelques réponses à la question: « Le monde a-t-il encore besoin de chansons? » Il faut aller le chercher chez L’Harmattan, éditeur prolixe dont la collection « cabarets » propose quelques bons ouvrages, comme « La chanson de circonstance » de Michel Trihoreau, voir ici la chronique sur ce livre (http://www.nosenchanteurs.eu/index.php/2015/04/24/article-de-circonstance-pour-livre-en-tous-points-passionnant/)
Et le catalogue cabaret de l’Harmattan, c’est là : http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=collection&no=645
L’autre livre n’est pas une nouveauté, c’est « Le peuple du blues » de LeRoi Jones, « La musique noire dans l’Amérique blanche » par un universitaire, poète, dramaturge reconnu.
Un livre en tous points passionnant, qui met en perspective tout ce qui a constitué l’émergence, la naissance et le développement du blues, puis du jazz. Un cas unique dans l’histoire des hommes, un peuple déraciné qui n’a plus aucune référence culturelle et qui se construit une identité par une musique nouvelle composée comme un patchwork pour en faire un courant musical neuf.
Esclave importé d’Afrique, le Noir n’a pas d’âme.
Il s’en fait une en la chantant.
Outre les origines, LeRoi Jones examine tous les parcours qui vont emmener le blues-roots des champs de coton au jazz intello du be-bop, jazz qui voulait oublier sa naissance, ses sources, en professant que le be-bop ne se danse pas… On n’est pas des nègres des champs faisant la nouba à Congo Square.
Dans cette saga du peuple du blues, on découvre que la musique suit, ou précède parfois les évolutions et les convulsions de la société américaine qui voit les anciens esclaves devenir des citoyens à part presqu’entière. Et qui le vit assez mal.
334 pages en livre de poche (Folio) c’est un excellent investissement. Pour mieux comprendre une partie de l’Amérique de nos enfances made in Hollywood. Et recadrer le rêve américain dans ses réalités moins glamour… C’est pas Crazy Horse qui dirait le contraire.
Autres lectures, quelques uns des livres en haut de page, lire ou relire, ça peut pas faire de mal.
Demain est un autre jour, et ce sera ici même les voyages et triomphes de deux chanteuses françaises invitées au Japon en Juin dernier… Avec quelques beaux exemples de traitement respectueux de la chanson francophone au pays du soleil levant…
Norbert Gabriel