HK ET LES SALTIMBANKS,

3 Sep

hk 1Passeurs de rêves, mais aussi de vérités.

Album « LES TEMPS MODERNES »

Ils marchent dans l’horreur, la tête dans des îles

où n’abordent jamais  les âmes des bourreaux

chantait Léo Ferré dans son hymne « Les  poètes ». Lors de la reformation du groupe Zebda, le chanteur Magid Cherfi évoquait cette même image pour exprimer ce que représente l’univers de son groupe pour lui: une île hors d’atteinte, qui échappe aux conditionnements et à l’emprise des ordres établis, lieu idyllique né de l’imagination, où on se retrouve entre copains, pour y respirer, de poésie, de rêves et d’espérances.
Eh bien, en voilà d’autres qui ont su s’inventer leur île, et dont la poésie, étoffe sa dimension, avec ce dernier album en date, « Les temps Modernes », ainsi nommé en référence au film de Chaplin: HK et les Saltimbanks réitèrent leur invitation au voyage imaginaire (ou pas) précédemment lancée dans un premier double album « Citoyens du Monde ».
Ne connaissant de ce groupe que quelques refrains, aux airs de slogans révolutionnaires, entendus en manifestation, un cliché réducteur m’en avait jusqu’ici donné l’image d’une formation « bon enfant » distillant des textes contestataires sur une espèce de «melting pot» musical ska-rock-rap festif et très entrainant, mais peut-être manquant de subtilité et de profondeur. Grave méprise !
hk 2Si l’ambiance générale qui se dégage de cet album est, sans trahir nos attentes, celle d’un concentré antidépresseur, où critique politique et militantisme se chantent et se dansent dans une bonne humeur vitaminée, l’écriture se révèle d’une intelligence et d’une finesse remarquables. Ces dernières chansons donnent plus précisément la mesure de la curiosité des autres, et du goût de l’instruction et de la culture qui ont dû, de longue haleine, animer le chanteur et parolier, Kaddour Haddadi (dit  « HK », ancien membre du «M.A.P.» -Ministère des Affaires Populaires), pour aboutir à ces textes finement référencés, dans lesquels la pertinence des analyses et la profondeur des réflexions s’adjoignent un sens de la dérision tout en légèreté: tantôt chanteur, tantôt slameur ou rappeur, HK dit ses quatre vérités à la société moderne avec poésie, humour et subtilité.
Bien sur «Les Temps Modernes» creuse le sillon défriché par le précédent album, essentiellement écrit dans un esprit nomade et alter mondialiste.
Néanmoins la variété des thèmes abordés élargie les horizons et diversifie également les genres musicaux auxquels le groupe emprunte.Et si l’on ne peut s’empêcher de rire, à l’écoute de certains propos d’un réalisme ironique très mordant («Hold Up» qui dénonce le pillage du pays par l’élite politique, ou encore «Pas d’panik»), la gravité à laquelle nous ramène la chanson «Indignez vous», référence au manifeste de Stéphane Hessel, sonne fort juste. L’hommage  est très émouvant. Et l’on découvre HK et les Saltimbanks non seulement passeurs de rêves, mais aussi passeurs de graves vérités.
Conscients d’être citoyens de l’Humanité, comme en témoigne la complainte «Toute mon vie» pour laquelle le chanteur se glisse dans la peau d’un travailleur antillais, HK et les Saltimbanks nous embarquent dans un voyage multiculturel et polyglotte (Français, Arabe, Anglais, Créole, Espagnol et même Chtimi), au cours duquel on passe d’odes à la liberté et à la vie de Bohème («Mon printemps, ma liberté» – autre hommage aux récentes révolutions populaires arabes avec «Mon printemps en hiver»-, «Sous les pavés, la Bohème», «Nos révoltes, nos rêves», «C’est pas fini») à l’abord de sujets plus politiques, tels la dénonciation de l’impérialisme guerrier aux relents de croisade  religieuse («C’est la guerre»), ou la satire du racisme ordinaire («L’Etranger» en duo avec Flavia Coelho).
On trouve aussi sur l’album quelques reprises de bon goût («We shall overcome», et «Amsterdam» de Brel, arrangée et réinterprétée à la sauce maison), sans oublier un titre fantôme après la dernière plage, qui s’amorce comme un clin d’œil à « L’Auvergnat » de Brassens. D’ailleurs, comme sur le précédent album, qui comportait un sample d’ « Un air d’accordéon» de Lucienne Delyle, plusieurs titres sont saupoudrés de clins d’œil aux classiques de la chanson francophone («Emporté par la foule», «Travailler c’est trop dur»), rappelant que cet héritage là aussi nourrit la musique d’HK et les Saltimbanks.
HK CD 3L’univers musical du groupe s’abreuve donc pour bonne part d’influences folkloriques internationales (musiques traditionnelles arabes, hispaniques, ska), mais aussi de chanson française, le tout métissé de soul, de funk, de rap, et mis à jour au goût d’un esprit rock festif, sur lequel le groove vocal du chanteur glisse avec aisance (et pour ma part me rappelle un peu celui d’Anis). Bien sur, le groupe, qui comme par le passé ne refuse pas la collaboration de copains artistes (Karimouche, Souad Massi, Flavia Coelho et bien sur le M.A.P.), revendique une identité de saltimbanque, mais ne nous méprenons pas : sous des airs de pitres, qui ne sont pas sans rappeler la tradition des chansonniers français, officient des musiciens rigoureux, dont la qualité de jeu est incontestable, et que le mix de l’enregistrement met parfaitement en valeur. C’est carré, bien joué, bien produit. Ce qui ne semble rien enlever à la sincérité des propos. Embarquons !

Miren

Et un peu de musique avec cet extrait (avec Karimouche)     http://www.youtube.com/watch?v=ewWUY4BrqUs

et n’oubliez pas la visite, c’est gratuit, et c’est ICI . http://www.saltimbanks.fr/

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4 Réponses vers “HK ET LES SALTIMBANKS,”

  1. Danièle Sala septembre 6, 2013 à 10 h 35 min #

    « Sous les pavés la bohème » …J’adhère !  » passeurs de rêves , mais aussi de vérité » , la tête dans les étoiles mais les pieds sur terre , même si les pieds ont parfois du mal à avancer et qu’on aimerait bien se perdre dans les étoiles, parfois … Et , ça tombe bien, après visite sur le site, je sais qu’ils seront à Perpignan demain  » Festival Sirocco » .Je vais m’informer pour savoir le lieu et l’heure …

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  2. norbertgabriel septembre 15, 2013 à 22 h 32 min #

    Une de nos lectrices, Danièle Sala de Mozac était dans la région, et est allée au Festival Sirocco, voir HK et les Saltimbanks, voici ses impressions de festivalière:

    « Décor grandiose et historique pour cette soirée organisée par une petite association qui fait de grandes choses, le théâtre de la Complicité, et c’est avec la secrétaire de l’association que j’ai passé cette longue soirée, Maryse, une femme dynamique et chaleureuse et qui a eu bien du mal à filmer le spectacle d’HK avec les bousculades, tout le monde étant debout .

    C’est tout autour de la grande cour du haut que se tient le marché nomade, mais je suis tout de suite attirée par un galop de panderettes, banjo, guitares et castagnettes, une farandole endiablée . Ce sont quatre jeunes, deux filles, deux garçons, de la classe de Marie Belle, chants, danses et musiques traditionnelles du conservatoire de Perpignan . Des jeunes au talent déjà bien confirmé , qui ont fait succéder zarzuela, sardanes, capricio arabe, la Vie brève de Manuel de Falla, et des rotas de Saragosse, accompagnées de danses , le tout avec brio . C’est le groupe Pan Tomaca .
    Puis vint le « fameux » groupe de british pop : Bess . Alors là, j’ai pas aimé du tout ! le chanteur à la voix nasillarde qui finit toutes ses chansons ( en anglais of course) par des lalalalalalala inter-minables . Beaucoup de bruit et peu d’émotion . Et ce fut long . J’en ai profité pour faire un tour de marché et goûter le cocktail Sirocco .
    Et enfin, changement de scène , et c’est HK et les Saltimbanks qui s’installent . Et là, j’embarque dès les premières notes dans cet univers d’utopie nomade :  » sous les pavés, la bohème » .  HK se donne à fond, il chante, il danse et le public chante et danse avec lui , tout est bien cadré, bien orchestré, les musiciens, les techniciens, le maître de cérémonie, comédien, et chanteur à l’occasion, Toufik Saïd et HK . C’est un beau voyage, au coeur du réel, une poésie lucide, désabusée, un chant de révolte , mais aussi de l’espoir, des rêves, cette belle utopie qui nous tient debout . Les musiques sont mélangées, rock-rap-chaâbi mélés au slam, et les paroles sortent parfois d’une véritable tour de Babel ! Un hommage à Brel, avec une version d’Amsterdam ébouriffante , et un hommage très émouvant à Stéphane Hessel  » ce vieux monsieur la haut sur son étoile, l’entendez vous qui nous dit : Indignez vous! »  Je n’ai pas vu passer le temps, mais j’ai regretté parfois que les cris du public couvrent les paroles des chansons , en particulier quelques énergumènes un peu défoncés qui bousculaient tout le monde . C’est pourquoi j’ai pris l’album :  » Les Temps Modernes » pour pouvoir l’ apprécier en toute tranquillité , et  en mesurer toute la poésie de révolte et de rêve qui en émane .
     » On met tout ce qu’on a dans notre musique
    Nos révoltes, nos rêves, nos peines
    Ils disent que ne sont que de vaines utopies
    Ils disent que ça n’en vaut pas la peine . »
    Si, ça valait la peine « . 
     
    Voilà, j’ai passé une bonne soirée et Maryse est vraiment sympathique . J’ai d’autres photos, mais je suis limitée en pièces jointes, et je n’ai pas pu retoucher les photos sur mon portable
    (NDLR: Désolé pour les autres photos, mais je ne sais les intégrer dans le commentaire)

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  3. Lyne avril 21, 2021 à 11 h 00 min #

    Merci pour cette bouffée d’air frais et bienfaisant… Si vous saviez comme je suis heureuse de savoir que les poètes peuvent aussi faire le buzz et bien plus longtemps qu’au printemps des poètes (surgelé, Pouèt Pouèt), les HK et les Saltimbanks, je vous aime très fort. En matière de bonheur offert à vos semblables, vous êtes les dignes successeurs de Jacques Tati (revoir absolument Parade) et le monde ne serait qu’un triste cloaque sans vous. Parfois, je me demande vraiment comment mes concitoyens ont pu devenir fans du Coronacircus, de la peur et de la violence.
    Une du temps de Peace and Love (mais on ne comprenait pas alors qu’on allait être si affreusement manipulés !)

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  1. HK ET LES SALTIMBANKS, | Lire, écouter, ... - septembre 14, 2013

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