La nuit était douce comme la queue rousse du diable au sortir du bain – Nicolas Jules

8 Mar

couv jules

Vous pesteriez peut-être, en écoutant pour la première fois le nouvel album du Jules. Dès la première chanson il nous referait le coup du solo. Le solo de guitare imaginaire qui sonnerait bien dans la tête mais persisterait à ne pas vouloir descendre jusqu’aux doigts du powète (de son propre aveu et en fait vous verriez que c’est faux, si vous écoutiez le reste de l’album, mais passons). Le dépaysement, ce serait pour une autre fois. Vous retrouveriez vos repères, à la troisième chanson vous situeriez Pluton, pasque la géographie aussi, est immuable. La clé ne se trouverait pourtant pas si loin. Il suffirait de se pencher sur le carré noir du livret et d’y lire les textes. Pour sûr, malgré les années, les déambulations, les trempades diverses, la plume ne serait toujours pas rouillée ni même émoussée. Vous vous diriez alors que les dessins et les textes auraient bien suffit. Qu’ils auraient joué facile les fleurs sauvages sans apparat, sur lesquelles on s’émerveille au détour d’une promenade improvisée, que les chansons seraient comme des vases trop tarabiscotés et vous achèveriez là de râler.
Le temps passerait.
Vous regarderiez le CD, noir, lui aussi. Il attendrait gentiment de se faire caresser de nouveau par le laser du lecteur.
Et puis vous y reviendriez. En grommelant. L’eau du bain est froide. Tout le monde ne passe pas ses journées dans le souffre et les flambées éternelles. Le commun sursaute en enfonçant son pied dans une eau inconnue et ça fait rarement des fumerolles. Il faudrait donc du temps pour qu’elle soit bonne. Normal. Nicolas Jules n’allait pas vous filer une serviette moelleuse à l’entrée du sauna. Il se bagarre avec les mots et prend son temps pour concocter tout cela sous forme de chansons, souvent dansantes, faut bien avouer. Alors de l’autre côté du poste il va falloir tendre l’oreille et faire un effort d’attention.
Des mélodies émergeraient, loin du tsoin tsoin facile. Des expérimentations ponctueraient le disque. Des sons concrets, des bidouillages divers. Il y aurait même un peu de pop anglophone, un je ne sais quoi de la désinvolture des Go-Betweens et leur Cattle and Cane.
Et pour achever de vous convaincre vous iriez voir ce que cela donne en direct-live-sans-retouche-ni-filet, chez Hélène Hazéra*, par exemple. Vous retrouveriez alors le brut, le simple, le loup sans masque, ni Tex Avery pour le tracer. Les mots prendraient toute leur saveur, avec le son cette fois. L’alliage serait de nouveau réussi, vous seriez enfin embarqué sur le cours d’un regard, qui coule dedans dehors, visitant les chambres, les boîtes crâniennes, les comptoirs plus ou moins poisseux, les rues et les comportements qui s’y jouent. Tous les recoins des villes seraient mâchouillés par les semelles, tournés, retournés et servis toutes les trois minutes en moyenne, avec accompagnement varié.
Nicolas Jules continue donc de ne pas se prendre au sérieux avec beaucoup d’application et quelques complices, à un prix défiant toute concurrence, en plus.

Leslie Tychsem

* Chanson Boum, France Culture, podcast dispo:
www.franceculture.fr/emission-chanson-boum-nicolas-jules-2013-03-03

++ infos concerts etc: http://nicolasjules.over-blog.com

2 Réponses to “La nuit était douce comme la queue rousse du diable au sortir du bain – Nicolas Jules”

  1. Danièle mars 26, 2013 à 20 h 05 min #

    Comment résister à la poésie décalée de ce baladin unique en son genre ? Je vais me faire une joie d’aller commander chez mon disquaire favori :  » La nuit était douce comme la queue rousse du diable au sortir du bain  » ! le titre est déjà tout un poème …

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  2. La Menuiserie octobre 14, 2014 à 14 h 17 min #

    Nicolas Jules en concert à La Menuiserie le 31 octobre (Pantin – 93)

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