En 2011 Christophe Sirchis, frère aîné des jumeaux Stéphane et Nicolas Sirkis (Sirchis) du groupe Indochine, et auteur du livre Starmustang, hommage à son frère Stéphane décédé en 1999, acceptait de répondre à une demande d’interview pour le Doigt Dans l’œil. La parution de son livre, dix années après la mort de Stéphane Sirkis, ainsi que la mise à la disposition du public, via le site internet Starmustang.net, de témoignages et documents complémentaires, venait sérieusement remettre en cause la version officielle de l’histoire de la fratrie et du groupe, qui a conduit à la fabrication médiatique de la fiction « groupe Indochine ».
Les amis et admirateurs du défunt guitariste, dont l’image avait été depuis dix ans systématiquement dévalorisée et la mémoire salie, parfois même avec vulgarité, par des propos émanant de biographes et journalistes proches de Nicolas Sirkis, trouvaient enfin, à travers ce livre, un hommage sincère et désintéressé au musicien et à l’homme qu’avait été Stéphane Sirkis : un compositeur talentueux, passionné de rock, mais aussi un garçon généreux et humaniste, engagé auprès de causes justes, qu’un mal de vivre essentiellement provoqué par des traumatismes d’enfance, la cruauté de certains proches, et l’hypocrisie du milieu socioprofessionnel dans lequel il évoluait, avait détruit psychologiquement et conduit à trouver refuge dans la surconsommation d’alcool et de drogues, jusqu’à mettre sa santé en péril.
Son décès, le 27 février 1999, à la suite d’une absorption trop importante de produits toxiques, qui serait, selon ces proches, volontaire et non accidentel ou résultant d’une maladie, comme l’a toujours défendu l’entourage de Nicolas Sirkis, allait permettre à Indochine, ou du moins ce qu’il en restait (le chanteur seul) de relancer une carrière devenue moribonde en s’attirant la compassion et la complaisance d’une partie de la presse musicale. Le « capital sympathie » apporté par la disparition de son jumeau, tel que le nommait Nicolas Sirkis lui-même lors d’une interview quelque peu cynique au sujet du retour en grâce d’Indochine, fut effectivement l’amorce d’une nouvelle popularité inespérée pour le chanteur ringardisé depuis plusieurs années, et désormais entouré d’un groupe usurpant le nom d’Indochine, alors qu’aucun de ses membres n’avait appartenu à la formation initiale propriétaire du nom.
« L’envers du décor » expliqué par Christophe Sirchis fait la lumière sur les souffrances endurées par son jeune frère, d’une enfance traumatisée par les déchirures familiales et le passage dans un pensionnat catholique où sévissaient quelques surveillants et religieux pédophiles, à la trahison de son propre frère jumeau, dont il aurait appris juste avant de se suicider, qu’il préparait un contrat avec une nouvelle maison de disque l’excluant du groupe (le contrat rédigé quelques jours avant son décès mentionnant Nicolas Sirkis comme membre unique d’Indochine), en passant par la préférence maladive de leur mère pour ce jumeau, qui induisait une maltraitance psychologique, et toutes les mesquineries et les bassesses dont sont capables les arrivistes gravitant autour de gens célèbres, dans le milieu de la musique notamment. Il raconte en outre le refus de l’entourage immédiat de mettre en œuvre les démarches nécessaires qui auraient permis d’aider et de soutenir Stéphane Sirkis dans son combat contre ses addictions, alors qu’il avait entamé une désintoxication depuis plusieurs mois et préparait un album solo (avec ses compositions qui avaient été refusées pour le groupe, et dont paradoxalement certaines lui auraient été volées et signées par d’autres membres), et dénonce l’instrumentalisation de sa mort à des fins mercantiles.
Sans voyeurisme, l’auteur explique la complexité des rapports entre les deux jumeaux, loin d’être aussi harmonieux et fraternels que l’ont prétendu la plupart des biographies. Bien sur on y découvre un Nicolas Sirkis autoritaire et égocentrique jusqu’à la perversité, manipulateur, obnubilé par son image et sa notoriété, indifférent à l’état de santé précaire de son frère, au point que le lecteur se demande dans quelle mesure ses attitudes n’ont pas contribué à la destruction psychologique de son jumeau, et peut-être même provoqué son geste fatal. C’est sans doute pourquoi, et bien qu’il ait nié avoir eu connaissance du contenu du livre, le chanteur a tenté d’en entraver la publication. Mais les travers de sa personnalité ne constituent pas le sujet principal du livre : en exposant la réalité des faits, tels que Christophe Sirchis et les amis de Stéphane l’ont vécu, avec authenticité et simplicité, le récit réhabilite la mémoire du musicien, trop souvent décrit à tort comme un toxicomane ingérable et irresponsable, et surtout met en garde la jeunesse contre l’envers du décor de cette célébrité qu’on lui vend comme idéal de vie : le prix à payer peut être extrêmement élevé. Car les malveillances qui ont détruit Stéphane Sirkis menacent aujourd’hui encore bon nombre de jeunes gens attirés par une carrière musicale et prêts à de nombreux sacrifices pour la réussite professionnelle.
Depuis la première secousse provoquée par la publication du livre, qu’une partie de la presse a voulu, avec un peu trop de grossièreté, faire passer pour les élucubrations d’un frère aîné perturbé psychologiquement par la perte d’un de ses cadets et jaloux de la réussite de l’autre, des langues se sont déliées, et de nombreux témoignages sont venus confirmer les assertions de Christophe Sirchis et soutenir le combat qu’il mène contre les mensonges constituant l’histoire officielle d’Indochine, dont le principal effet est de promouvoir la carrière du chanteur en réécrivant l’histoire. Aussi même si l’édition de 2009 de Starmustang présentait le mérite de faire entendre une voix dissidente et de soulever des doutes sur la réalité cachée derrière l’histoire officielle, le livre restait, certainement par la volonté de son éditeur, relativement diplomate et peu incisif. Car comme Christophe Sirchis nous le confiait alors, c’est de plus de 680 phrases que le manuscrit original fut amputé, et quelques remaniements de propos furent opérés sans l’accord de l’auteur, de sorte que Starmustang s’avérait n’être qu’une version édulcorée de la réalité.
Après lecture des passages censurés, il faut avouer que si le récit n’avait pas été autant tronqué et passé sous silence, il aurait pu faire œuvre de salubrité publique et de prévention auprès de la jeunesse.
Suite à un accord trouvé avec l’éditeur, Christophe Sirchis est à présent enfin en mesure de publier les passages censurés de son récit, ainsi que d’autres témoignages et documents, et une version complète de Starmustang sera disponible pour le 27 février 2013, date anniversaire du décès de Stéphane Sirkis. Elle permettra de connaître plus amplement la vie du guitariste et de comprendre mieux en profondeur les rouages d’un système hypocrite qui broie les individus, et elle évitera peut-être à d’autres de se laisser embrigader et séduire par l’éclatante superficialité du business musical et de la célébrité, derrière laquelle se cachent tant de dangers.
Miren Funke
Christophe Sirchis explique comment il a récupéré les droits d’édition de son livre et pu achever une version intégrale et complétée qui sera le 27 février 2013 à dispositionsur : www.starmustang.com
M.M. : Lorsque vous avez contacté votre éditeur il y a quelques années pour la première fois, il était plutôt « emballé » à l’idée d’un livre sur Stéphane, mais avait-il l’intention de respecter votre point de vue, ou de créer une polémique, un coup d’éclat détournant l’ouvrage de son but premier?
Christophe Sirchis : L’éditeur Balland Gawsewitch m’a téléphoné 10 minutes après que j’aie contacté son assistante qui m’a demandé qui j’étais. Je lui ai juste dit de taper mon nom sur Google. Gawsewitch voulait visiblement faire un coup médiatique d’un style très éloigné de ma démarche. Quelque chose comme : le frère du chanteur balance tout. Il fallait que le livre ne parle que d’Indochine et qu’il soit le plus bête possible à en croire ce que m’a proposé un type qu’on a chargé de réécrire ce que je faisais et que j’ai rapidement envoyé se faire voir ailleurs. On m’a proposé une autre personne que j’ai chargée de lire mon texte et de m’indiquer ce qui pouvait lui paraître plus ou moins clair. Ensuite Nicolas a attaqué, puis il a envoyé l’avocat de Lou (ndlr : Lou Sirkis, fille de Stéphane Sirkis et à ce titre propriétaire d’un tiers du nom Indochine en tant qu’ayant droit) attaquer aussi et on m’a imposé le retrait de 687 phrases, obligeant à transformer ma démarche initiale en un truc qui ne ressemblait plus à grand-chose : l’édition de 2009. Le responsable légal de la publication était alors Balland Gawsewitch.
M.M. : Comment a-t-il changé d’avis, si c’est toujours le même éditeur? Si ç’en est un nouveau, comment l’avez-vous convaincu?
Christophe Sirchis : J’ai récupéré les droits de mon livre. Le contrat avec Balland Gawsewitch a été annulé et je publie la version intégrale non censurée depuis l’étranger au format ebook. Cette version contient des photos inédites, des liens vers des musiques et évidemment des vidéos, dont l’intégralité des témoignages recueillis depuis 2009, plus des nouveaux.
Je suis l’éditeur de Starmustang 2013 version intégrale. Si Nicolas n’est pas content, il devra m’attaquer en direct au risque de voir produites toutes les pièces de cette affaire, y compris celles qui concernent les mensonges publiés sur notre père dès la première bio du groupe en 86, je crois.
M.M. : Certains ont par le passé crié que vous ne nous proposiez qu’une « théorie du complot » supplémentaire, un moyen de faire porter le chapeau à tout un monde, celui des médias, uniquement préoccupé de faire taire la vérité. Pourtant, connaissant ce monde, vous êtes bien placé pour nous avertir de ce genre de mensonges, n’est-ce pas ?
Christophe Sirchis : Les médias sont empêtrés dans une sacrée mélasse. Ils ont menti volontairement ou se sont fait berner depuis bien longtemps maintenant au sujet de cette affaire. Indochine n’est qu’une imposture depuis le départ de Dominique et plus encore depuis la mort de Stéphane.
M.M. : En parlant de cacher la vérité, vous dénoncez également dans ce livre les activités pédophiles de certains membres du clergé, de certains frères que vous et votre fratrie avez connus au pensionnat de votre enfance. Une émission* a été réalisée, dans lequel vous avez pu témoigner, en compagnie d’anciens camarades de classe. Saviez-vous que cette émission n’a pu être diffusée librement dans certains pays ?
Christophe Sirchis : L’émission est passée en primetime en septembre 2009 sur la première chaîne de la RTBF. Le sujet sur le pensionnat où nous avons passé 2 ans durait une dizaine de minutes. L’émission relatait également l’affaire Di Falco, pédophile sauvé par la prescription et producteur des curés chantants (Spiritus Dei). J’ai mis cet extrait sur Youtube pour que cette partie de l’émission soit visible en France, où réside et sévit Di Falco. Universal Music est intervenu pour faire interdire cette vidéo au Canada, aux Usa et Allemagne. Bizarre….. Si la RTBF m’en donne l’autorisation, je vais la remettre en ligne en supprimant l’extrait des curés chantants qui permet à Universal de revendiquer la plainte. Le reste du sujet sera visible.
Merci Christophe d’avoir répondu à nos questions, et de continuer à défendre la mémoire de Stéphane Sirkis depuis tant d’années. Rappelons que d’autres réponses se trouvent également sur le forum dédié au livre et à Stéphane : www.starmustang.com, rubrique « Forum », en compagnie de témoignages des proches du disparu.
Maelle Muller
*Les extraits de l’émission de la RTBF sont disponibles sur :
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